Pesticides : le gouvernement propose une distance minimale de 5 à 10 mètres, « très insuffisante » pour les ONG – Le Monde

Un agriculteur répand des pesticides sur ses champs dans le nord de la France, en juin 2015.

Voilà qui decevra les maires qui, un peu partout en France, multiplient les arrêtés antipesticides, après la suspension très médiatisée de celui de Langouët, en Bretagne, Daniel Cueff. Le gouvernement va proposer de fixer à 5 ou 10 mètres, selon le type de cultures, la distance minimale entre les habitations et les zones d’épandage de produits phytosanitaires. Soit une distance nettement inférieure à celle réclamée par certains édiles.

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« Le gouvernement va soumettre à consultation lundi un projet de décret qui part des recommandations scientifiques de l’Agence nationale de sécurité sanitaire » (Anses), a fait savoir samedi 7 septembre un porte-parole du ministère de l’agriculture, confirmant une information de BFM-TV.

Les distances proposées dans ce projet seront de 5 mètres pour les cultures dites basses, comme les légumes, et de 10 mètres pour les cultures hautes, telles que les céréales. Les recommandations publiées à la fin de juin par l’Anses évoquent notamment des distances de sécurité de 3,50 mètres et 10 mètres, selon le type de cultures.

La consultation durera trois semaines. « Le gouvernement tranchera en octobre-novembre », a complété le porte-parole. « Dans la loi Egalim, il y a des dispositions spécifiques pour la protection des riverains via la mise en place de chartes concertées avec les riverains, les agriculteurs », a rappelé de son côté Matignon.

Ces règles concernant l’élaboration de chartes et de distances minimales à respecter pour l’épandage des pesticides « vont figurer dans des textes qui entreront en application au 1er janvier 2020 », a ajouté Matignon.

Appel à la « mobilisation citoyenne » pour aller plus loin

Les organisations écologistes, au premier rang desquelles France Nature Environnement (FNE), ont immédiatement protesté contre des mesures jugées « vraiment insuffisantes, au vu de ce que dit l’Anses, au vu des études scientifiques », selon Thibault Leroux, chargé de mission de l’association.

Des premières versions du décret ont circulé avant l’été, et FNE s’attendait à « un fort lobbying du secteur agricole ». « C’est assez décevant de voir qu’au sein du gouvernement, c’est le ministère de l’agriculture qu’on écoute, avant les enjeux sanitaires et environnementaux », a regretté M. Leroux.

France Nature Environnement va participer à cette consultation et mise sur une « mobilisation des citoyens » pour faire bouger les lignes. « Je n’y crois pas, je pense que c’est un poisson d’avril », a réagi sur BFM-TV Yann Arthus-Bertrand, président de la fondation Good Planet :

« Je ne peux pas croire qu’aujourd’hui les lobbyistes soient plus forts que la santé de la population. C’est insultant pour les gens qui se battent depuis si longtemps contre les pesticides. »

David Cormand, secrétaire national d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), reconnaît un caractère « historique » à cette décision du gouvernement : « C’est la première fois que l’Etat admet qu’il y a un danger grave pour les gens » après l’épandage, a-t-il souligné sur la même chaîne. Mais « le problème, c’est le côté anecdotique de la décision qu’ils en tirent » : « Une zone tampon de 5 à 10 mètres, ça n’a pas de sens ! »

Le gouvernement opposé à une interdiction générale

Le ministre de l’agriculture et de l’alimentaion, Didier Guillaume, s’était opposé mercredi à l’idée d’une interdiction générale de traitement par des produits phytosanitaires dans une zone uniforme de 150 mètres autour de bâtiments habités, proposée par des maires et des associations.

« S’il devait y avoir des zones de non-traitement de 150 mètres (…) nous serions obligés d’acheter de l’alimentation venue d’ailleurs », car une telle mesure réduirait les surfaces agricoles et le potentiel de production alimentaire en France, a-t-il affirmé au micro d’Europe 1.

Le maire écologiste de Langouët (Ille-et-Vilaine), Daniel Cueff, qui avait pris un arrêté interdisant les pesticides à moins de 150 m des habitations, suspendu par la justice, a qualifié de « pas croyable » la proposition du gouvernement de fixer une distance de 5 ou 10 mètres.

« Quand j’ai appris ça, je pensais que c’était une “fake news” et que ce n’était pas sérieux ! Cette proposition n’est pas croyable », a réagi le maire de cette commune rurale proche de Rennes. On est tombé de notre chaise, car ces 5 et 10 mètres, ce sont des protocoles déjà mis sur des bidons de pesticide de synthèse. » Et d’expliquer :

« On s’est aperçu que, pour moins respirer les glyphosates et les pesticides de synthèse, il fallait une bande de 150 mètres, car là il y a moins de chances de respirer ces pesticides qui sont volatils et qui sont dans l’air. »

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Selon le maire, dont l’arrêté a entraîné la médiatisation du sujet au plan national, le président, Emmanuel Macron, et le gouvernement n’ont pas pris « la mesure de cette vague qui ne voudra pas et ne voudra plus être face à des pesticides de synthèse dans l’air ».

M. Cueff avait pris le 18 mai un arrêté interdisant l’utilisation de produits phytopharmaceutiques « à une distance inférieure à 150 mètres de toute parcelle cadastrale comprenant un bâtiment à usage d’habitation ou professionnel ». Ce texte a été suspendu mardi par le tribunal administratif de Rennes.

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