Pesticides: la boîte de Pandore politique est ouverte – L’Opinion

Le gouvernement a annoncé la mise en consultation sur les sites de trois ministères (Agriculture, Environnement, Santé) dès le 9 septembre d’un projet de décret proposant des distances de sécurité avec les habitations pour les épandages de phytosanitaires. Ce décret suit les recommandations de l’Anses, l’autorité sanitaire indépendante. Il inclut des distances d’interdiction de 5 mètres pour les cultures basses et de 10 mètres pour les cultures hautes. Le sujet, politiquement miné, va cristalliser toutes les ambiguïtés du gouvernement sur le sujet des pesticides.

Les pesticides sont un poison… politique. Ils contraignent le gouvernement à faire un choix. Quel lièvre suivre ? Emboîter le pas aux écologistes ? Risqué : surfant sur la peur, certains demandent jusqu’à 150 ou 200 mètres de zones de non-traitement autour des habitations, de quoi amputer la surface agricole de la France de centaines de milliers d’hectares. Suivre la science pour mettre fin à une surenchère anxiogène et électoraliste ?

Le gouvernement a fait le choix, pour l’instant, d’écouter les recommandations scientifiques de l’Agence de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses), tenues dans une note du 14 juin : des zones d’exclusion de traitement (ZNT) de 5 ou 10 mètres le long des habitations. Il pensait ainsi se sortir du piège tendu par les 45 arrêtés communaux anti-pesticides. Nombre d’entre eux confinent au ridicule, comme à Nanterre, Sceaux ou Antony, qui ne comptent aucune surface agricole. Un décret national permet de poser des limites et d’en finir avec les exercices d’équilibrisme observés autour du maire de Langouët. Attaqué par l’Etat pour un arrêté communal anti-pesticides, déjugé par la justice, il a tout de même bénéficié du « soutien moral » d’Emmanuel Macron. Intenable.

Empilement. Le décret ne réglera pas tout. Il donne l’impression d’un nouvel et incompréhensible empilement de décisions. Une ordonnance issue des Etats généraux de l’Alimentation impose déjà la négociation de Chartes locales sur les phytosanitaires, entre organisations agricoles, riverains et éventuelles associations locales, maires, préfets. « Sept ont été signées, une trentaine est sur le point de l’être. Chaque département en aura une au premier janvier 2020. Du cousu main local », explique un porte-parole du ministère de l’Agriculture.

Les agriculteurs pointent un double discours. « On nous a demandé d’agir en concertation, nous le faisons. Parfois, même, avec des critères plus restrictifs que ceux posés par l’Anses. A quoi cela rime-t-il de juxtaposer les démarches ? », s’agace Thierry Coué, président de la commission Environnement de la FNSEA.

Et puis le décret va remettre sur la table le sujet explosif des pesticides bio, tenu hors des débats par les militants écologistes, au motif qu’ils ne sont pas des produits de synthèse – ce qui ne change rien à leur toxicité. Ce sujet divise les ministères de l’Agriculture et de l’Environnement. Les produits labellisés bio, notamment à base de cuivre et de soufre, représentent un gros quart des pesticides utilisés en France ; l’agriculture biologique les utilise beaucoup. Or, les écologistes – et le ministère de l’Environnement – voudraient qu’ils ne soient pas concernés par les ZNT…

« Pourquoi, s’interroge Christian Durlin, responsable du dossier phytosanitaire à la FNSEA. Ils ont aussi des effets sur les humains et la biodiversité. Que va-t-on faire ? Soumettre ces produits aux exclusions seulement s’ils sont utilisés en agriculture conventionnelle et pas en bio, alors que ce sont les mêmes ? Cela n’a aucun sens. » Didier Guillaume, le ministre de l’Agriculture, l’a réaffirmé ce week-end : « Nous nous appuyons sur la science, et pour la première fois, il va y avoir un débat public sur le sujet ». La leçon du glyphosate a-t-elle été retenue ?

Leave a Reply

Discover more from Ultimatepocket

Subscribe now to keep reading and get access to the full archive.

Continue reading