Pékin passe en force à Hongkong – Le Figaro

Un an après l’affront, Pékin impose un coup de massue historique à Hongkong. Le 1er juillet 2019, de jeunes manifestants pro-démocratie déployaient le drapeau britannique dans l’hémicycle du Conseil Législatif (LegCo) de l’ancienne colonie, après avoir brisé les vitres du bâtiment, défiant comme jamais le pouvoir autoritaire de la Chine communiste. Mardi 30 juin, à Pékin, sous la bannière du faucille et du marteau, les parlementaires au garde à vous de l’Assemblée suprême du peuple, ont voté à l’unanimité une loi de «sécurité nationale», offrant des moyens de répression sans précédent dans l’île rétive, piétinant sa semi-autonomie, garantie jusqu’en 2047 par un traité conclu avec Londres. La chambre d’enregistrement du régime a accouché au forceps, d’une législation contre le «séparatisme» et la «subversion», sans aucune consultation des 7,5 millions d’habitants de la plaque tournante financière.

Le texte, qui vise également à lutter contre le «terrorisme» et la «collusion avec des forces extérieures et étrangères», a été voté en 15 minute, à l’issue d’une procédure expresse et opaque de six semaines, pour permettre son entrée en vigueur dès le 1er juillet, date anniversaire de la rétrocession du territoire à la Chine, selon la presse hongkongaise. Tout un symbole. «Leur objectif est de gouverner Hongkong par la peur», a dénoncé Joshua Rosenzweig, d’Amnesty International.

Par ce coup de force institutionnel, Pékin contourne le système législatif hongkongais, garant de l’État de droit qui a permis à la cité de prospérer, attirant les entreprises du monde entier depuis le 19e siècle. «On assiste à une bifurcation du système juridique hongkongais sous le Diktat du Parti», juge Cora Chan, juriste à l’Université de Hongkong (HKU). Le cadre hérité de l’époque britannique ancré dans les valeurs «libérales des Lumières» cède progressivement le pas à celui du continent, «d’origine marxiste léniniste», selon l’expert.

L’effet dissuasif s’est immédiatement fait sentir sur les leaders du mouvement pro démocratie, qui redoutent d’être à la merci d’une arrestation, suite à l’entrée en vigueur du nouvel arsenal répressif. Les jeunes chefs de file du Parti Demosisto, dont l’emblématique Joshua Wong ont annoncé mardi, la dissolution de leur formation dans la foulée du vote, «étant donné les circonstances». Cette formation avait été créée à l’issue du mouvement des «parapluies» qui avait occupé le centre ville plusieurs semaines en 2014, réclamant des réformes démocratiques. De nombreux activistes ont effacé à la hâte leurs comptes sur les réseaux sociaux, de peur qu’ils ne se retournent contre eux. Le texte «ne visera qu’une très petite minorité de personnes», a déclaré Carrie Lam, la cheffe de l’exécutif, tentant de rassurer l’opinion.

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Des activistes ont réaffirmé leur détermination à poursuivre la lutte, certains appelant à manifester le 1er juillet, en dépit des interdictions de rassemblement édictées au nom de la lutte antiépidémique. «Je vais continuer à défendre ma maison, Hongkong, jusqu’à ce qu’ils me réduisent au silence et m’éliminent de cette terre», a écrit Joshua Wong, sur Facebook.

La décision d’imposer ce texte mainte fois rejeté par la rue depuis 2003, trahit l’incapacité de Pékin à reprendre la main sur une opinion hongkongaise rétive, à l’issue de la plus grave crise politique qui a secoué l’île depuis la rétrocession. Après des mois de résistance émaillés de violence dans la rue en 2019, et couronné par un triomphe électoral des forces pan démocrate lors du scrutin local de novembre dernier, «le régime communiste redoute de perdre la face à Hongkong», estime Peter Gries, sinologue à l’Université de Manchester. Après avoir vu le projet de loi d’extradition judiciaire repoussée l’an dernier, le pouvoir redouble d’autoritarisme, de crainte d’étaler son impuissance aux yeux d’une opinion continentale «patriotique», ulcérée par la «chienlit» hongkongaise, et travaillée au corps par les organes de propagande. Un enjeu de politique intérieure sensible pour le président Xi Jinping, champion d’une renaissance nationaliste décomplexée, et qui fait face à des difficultés économiques profondes, en pleine pandémie du Covid. «Le Parti craint qu’Hongkong ne devienne un base de subversion menaçant son emprise sur le continent», juge Chan. Les slogans de cette jeunesse éduquée, ayant accès à une presse libre, et soutenue par une société civile vivace, allant des ONG aux Églises, et soutenus publiquement par les États-Unis font figure d’épouvantail aux yeux d’un régime dictatorial ne tolérant aucune voix discordante.

Pékin franchit donc le Rubicon, ignorant les mises en garde timides des États-Unis et de l’Europe, au risque de saper l’avenir de la plaque tournante qui joue toujours un rôle clé dans le financement de ses grandes entreprises. Avant même le vote, Washington a annoncé une levée partielle des privilèges économiques de l’île, interdisant l’exportation de produits sensibles, et des restrictions de visas contre certains officiels. La Chine a immédiatement promis des «représailles», faisant craindre une nouvelle escalade entre les deux premières puissances mondiales.

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