Patrice Alègre : qui est le tueur en série toulousain qui veut sortir de prison ? – Ouest-France éditions locales

Le tueur en série, condamné à la réclusion à perpétuité pour cinq meurtres précédés de viol en 2002, espère désormais un aménagement de peine et une sortie sous bracelet électronique. Retour sur le parcours de Patrice Alègre qui a marqué les esprits des Français au tournant du siècle.

« L’étrangleur de Haute-Garonne », le « tueur aux yeux clairs »… Le meurtrier et violeur Patrice Alègre a glacé les esprits à la fin des années 1990 et au début des années 2000. À l’époque, l’homme était décrit comme charmeur, joli garçon mais ne supportant pas qu’une femme lui dise non, un « monstre ».

Ce fils d’un CRS et d’une coiffeuse a été condamné, en 2002, à la réclusion à perpétuité assortie d’une période de sûreté de 22 ans pour cinq meurtres précédés de viol et pour un sixième viol. Comme la loi l’y autorise à l’issue de la période de sûreté, il va demander aujourd’hui, à l’âge de 51 ans, un aménagement de peine, comme une sortie sous bracelet électronique.

À l’ouverture de son procès en 2002, Ouest-France le comparait alors à un autre tueur en série français, celui de « l’Est parisien » qui avait été jugé un an auparavant : « À la différence de Guy Georges, Alègre n’est pas un rôdeur à l’affût de proies anonymes. Il agresse des jeunes femmes qu’il connaît et qui l’accueillent sans méfiance. Puis, il tente d’effacer les traces, maquille la scène, au point que deux des meurtres avaient été classés parmi les suicides. »

Étranglées et violées

Ses crimes, il les a commis entre 1989 et 1997. Le 5 septembre 1997, Patrice Alègre, 29 ans, est arrêté en région parisienne. Il reconnaît avoir, la veille, assassiné Isabelle Chicherie, « jeune femme timide et gentille. Il l’a sauvagement violée et étranglée avant de mettre le feu à son appartement », poursuit Ouest-France. Isabelle était employée à la SNCF et avait rencontré Alègre en Espagne : elle l’a hébergé chez elle.

Lui est alors déjà recherché par les enquêteurs après la mort de Mireille Normand, 35 ans, dont le corps a été retrouvé enterré, chez elle à Verdun (Ariège), en juillet 1997. Étranglée et violée. Elle avait croisé Alègre lors d’un barbecue. Et avait accepté de le loger contre des services de bricolage. Après la découverte du corps, des témoins ont reconnu le suspect sur des photos, présentées par les gendarmes.

Il faut aller du côté de Toulouse pour remonter vers la jeunesse de Patrice Alègre et ses premiers crimes. C’est non loin de là qu’il a grandi, à Saint-Geniès-Bellevue (Haute-Garonne). Travaillant au buffet de la gare de Matabiau, à Toulouse, il y rencontre la première femme qu’il va étrangler et violer, Valérie Tariote, 21 ans, une collègue. C’est en février 1989. Valérie avait refusé d’aller plus loin avec lui. Les policiers ont assuré à ses parents que la jeune femme s’était suicidée.

Laure Martinet, étudiante de 19 ans, est sa deuxième victime connue. Elle habitait aussi à Saint-Geniès-Bellevue : il l’a martyrisée, violée et tuée après l’avoir prise en stop et avoir essayé de l’embrasser en 1990. À ce moment-là, il vient d’avoir une petite fille, née d’une relation qui durera sept ans avec sa compagne. En février 1997, il a étranglé puis violé Martine Matias, à Toulouse, avant de mettre le feu à son appartement. Comme pour les autres, il dit avoir dérapé lorsqu’elle a refusé ses avances.

« Il avait les yeux révulsés »

Quelques jours plus tard, il y aura Émilie. Elle, il lui a laissé la vie sauve après l’avoir violée deux fois. Au procès, elle raconte ce qui s’est passé ce 21 février 1997 après que des amis communs lui ont présenté Patrice Alègre dans un bar. À l’issue d’une soirée alcoolisée, il la ramène en voiture et elle s’endort. « Je me suis réveillée alors qu’il était sur moi, en train de m’étrangler. Je l’ai griffé. Je me suis dit : « C’est la fin ». Il avait les yeux révulsés, c’était un animal. »

Bernard Le Solleu, journaliste qui était au procès pour Ouest-France, écrit en 2002 dans son compte rendu de la journée d’audience consacrée aux analyses des experts psychiatres et psychologues : « Alègre ne présente aucune pathologie. Il n’est ni schizophrène ni paranoïaque. Il appartient, comme Guy Georges, à la catégorie des psychopathes : des meurtriers organisés, capables de préparation et de dissimulation. Contrairement à ce qu’ils affirment, ils n’obéissent pas à une pulsion irrépressible. » Un peu plus loin, il cite un expert : Patrice Alègre « est bien plus qu’un pervers sexuel. Il est habité par un désir de détruire. Il n’y éprouve pas de plaisir sexuel vraiment ». Les experts parlent de « matricides déplacés » pour expliquer les meurtres.

Me Pierre Alfort, qui le défend à nouveau pour sa demande d’aménagement de peine, plaide alors : « Ses crimes sont monstrueux. » Puis il nuance : « Je préférerais, Patrice, que vous soyez un monstre, ce serait plus simple, plus rassurant. Mais les monstres n’existent pas. » L’avocat s’adresse au jury d’assises : « Vous avez devant vous un homme à l’enfance fracassée par son père, un homme dont la mère a complètement « implosé ». C’est ça qui fait peur. C’est un homme. Qui fait le mal et qui est capable de faire bien aussi. »

Patrice Alègre n’a effectivement pas eu une enfance facile. Non désiré, il a grandi entre un père violent qui donne des coups au foyer et une mère alcoolique dont il entend les amants défiler à la maison. Déscolarisé à 12 ans, il enchaîne les larcins, vole, consomme et vend cannabis et cocaïne. À seize ans et demi, il tente d’étrangler sa petite amie du moment lors d’une fête de village.

La « deuxième affaire Alègre »

Condamné pour 5 meurtres et six viols, Patrice Alègre a bénéficié d’un non-lieu pour cinq autres affaires de meurtres ou assassinats et pour un viol, commis entre 1987 et 1992, dont la mort de la prostituée Line Galbardi dans un hôtel du quartier de la gare de Toulouse en 1992. Ce dossier avait lancé la « deuxième affaire Alègre », au printemps 2003.

Une tempête médiatique se déchaîne alors visant l’ancien maire de Toulouse, Dominique Baudis, et Marc Bourragué, ex-substitut toulousain, accusés à tort par Alègre d’être les commanditaires de crimes que lui-même aurait commis. Une lettre de confessions du tueur est même lue à l’antenne de Canal + par l’animateur Karl Zéro : Alègre y reconnaît le meurtre de Line Galbardi et d’un travesti, Claude Martinez.

Deux ex-prostituées mettent, elles, en cause des notables toulousains – politiques, magistrats, policiers. Il est question de parties fines, de réseaux de prostitution et de corruption. Dominique Baudis, qui est alors président du Conseil supérieur de l’audiovisuel, avait révélé lui-même qu’il était cité dans le dossier, lors d’une interview au journal télévisé de TF1. Lors de cet entretien dont de nombreux téléspectateurs se souviennent, affecté et marqué, il dénonce une « machination ». Patrice Alègre s’est ensuite rétracté.

Cette « deuxième affaire Alègre » s’est terminée par un non-lieu définitif en 2005. Les ex-prostituées ont été condamnées pour dénonciation calomnieuse.

Après 22 ans en détention, Patrice Alègre a recontacté son avocat pendant l’été. Ce 6 septembre 2019, sa période de sûreté s’achève. Son avocat compte déposer une demande d’aménagement de peine. « En toute hypothèse, ce sera une demande de placement sous bracelet électronique, mais au préalable il y aura une expertise psychologique et psychiatrique pour déterminer si cet homme est susceptible de sortir », a souligné Me Pierre Alfort. Les juges devront ensuite estimer si Patrice Alègre est aujourd’hui un homme dangereux ou pas.

Partager cet article Patrice Alègre lors de son procès en 2002.

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