« Pandora Papers » : la part d’ombre de Baker McKenzie, cabinet d’avocats « global » – Le Monde

Par Maxime Vaudano , Jérémie Baruch , Anne Michel et Sydney Freedberg (ICIJ)

Publié aujourd’hui à 18h30, mis à jour à 20h54

C’est la Rolls-Royce des cabinets d’avocats. Baker McKenzie. La première des « firmes globales », capable d’intervenir dans tous les domaines du droit sur les cinq continents. Une marque à la réputation irréprochable, représentée par près de 5 000 avocats dans 46 pays, dans laquelle les clients les plus prestigieux peuvent placer leur confiance les yeux fermés. Un réseau puissant d’« anciens », qui, à la manière de la banque Goldman Sachs, occupent désormais les fonctions publiques les plus éminentes – comme Christine Lagarde, patronne du cabinet entre 1999 et 2005, et désormais présidente de la Banque centrale européenne.

Mais « BMK » a aussi une part d’ombre, que dévoile l’enquête « Pandora Papers », conduite par Le Monde avec le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) : celle d’un pilier du monde de la finance offshore, cette économie parallèle qui bénéficie aux individus et entreprises en quête d’opacité ou de défiscalisation. Des milliers de documents confidentiels obtenus par l’ICIJ détaillent comment le cabinet aide ses clients à profiter des avantages de l’industrie offshore, tout en contribuant à influencer les réglementations dans un sens favorable à leurs intérêts.

Les « Pandora Papers », c’est quoi ?

« Pandora Papers » est une enquête collaborative menée par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) en partenariat avec 150 médias internationaux, dont Le Monde. Elle repose sur la fuite de près de 12 millions de documents confidentiels, transmis par une source anonyme à l’ICIJ, provenant des archives de quatorze cabinets spécialisés dans la création de sociétés offshore dans les paradis fiscaux (îles Vierges britanniques, Dubaï, Singapour, Panama, les Seychelles…).

Cinq ans après les « Panama Papers », l’enquête révèle l’ampleur des dérives de l’industrie offshore et de ses sociétés anonymes. Elle montre comment ce système profite à des centaines de responsables politiques, et comment de nouveaux paradis fiscaux prennent le relais à mesure que les anciens se convertissent à la transparence.

A lire : « Pandora Papers » : plongée mondiale dans les secrets de la finance offshore

Bien que les archives internes de Baker McKenzie ne figurent pas dans la fuite des « Pandora Papers », le groupe est mentionné indirectement dans plus de 7 500 documents provenant de cabinets offshore installés au Panama, à Chypre ou aux îles Vierges britanniques (British Virgin Islands, BVI). On y découvre que « BMK » leur a délégué la création et l’administration de centaines de sociétés-écrans pour le compte de ses clients, évitant ainsi de se compromettre directement. Des sociétés qui se révèlent souvent être des coquilles vides, simples structures d’interposition destinées à profiter des avantages des paradis fiscaux dans lesquelles elles sont enregistrées.

Sollicité par l’ICIJ, le cabinet a refusé de s’étendre sur la raison d’être de ces sociétés offshore, en renvoyant la responsabilité aux intermédiaires ou aux clients finaux. Mais plusieurs documents des « Pandora Papers » interrogent. Comme cet échange d’e-mails, en 2008, entre le bureau de « BMK » en Floride et un prestataire offshore, autour d’une société ouverte aux BVI pour le compte d’un riche Canadien, qui souhaite clairement « se protéger des taxes foncières américaines ». Ou, quatre ans plus tard, lorsqu’un employé du cabinet participe au transfert aux BVI des sociétés d’un milliardaire américain jusqu’alors installées au Panama, au moment même où la pression internationale sur ce pays s’intensifie.

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