“On a vécu un acte de guerre”: avant le procès de l’attentat de Nice, le témoignage déchirant de Cindy, qui a perdu six membres de sa famille – Nice matin

Nous, familles de victimes, espérons les faire revivre par le biais de cet hommage national. » Nice, 15 octobre 2016. Cindy Pellegrini, 34 ans, a la lourde tâche de lire la lettre rédigée par les proches endeuillés. Trois mois plus tôt, l’attentat sur la Prom’ a fait 86 morts. Six d’entre eux appartenaient à sa famille.

Sa maman, Véronique Lyon. Son frère, Michaël Pellegrini. Ses grands-parents, Christiane et François Locatelli. Et les beaux-parents de sa mère, Gisèle et Germain Lyon. C’est pour eux que Cindy Pellegrini viendra de Lorraine témoigner, lors du procès qui s’ouvre à Paris lundi. Elle est vice-présidente de l’association Mémorial des Anges, a présidé Promenade des Anges. Elle viendra raconter son drame personnel, emblématique de l’attentat du 14-Juillet.

Comment vous sentez-vous à l’approche du procès?

C’est un moment que j’appréhende énormément. On va forcément en reparler dans les médias, entendre des choses qui vont raviver des douleurs… On doit passer par là. Mais je sais que ça va être très compliqué à vivre. Depuis six ans, je vis des montagnes russes. C’est pourquoi j’ai longtemps hésité à aller témoigner.

Qu’attendez-vous de ce procès?

J’attends que les accusés prennent le maximum prévu légalement. Le but, c’est que la qualification de terrorisme soit retenue. C’est très important. On veut que justice soit rendue. Même si on sait que ça ne nous les ramènera pas.

Sera-t-il difficile de dissocier l’enquête antiterroriste de celle portant sur la sécurisation de la Prom’?

Je fais bien la distinction entre les deux. Pour moi, l’attentat résulte de deux choses: le manquement de sécurité ce soir-là, indéniable, et l’intention d’attentat terroriste. L’un ne va pas sans l’autre. Les victimes ne veulent absolument pas que la responsabilité de la Ville de Nice ou de l’État soient occultées. Pour moi, il doit y avoir deux procès.

Qu’espérez-vous de la part des accusés?

J’espère qu’ils prendront conscience du mal qu’ils ont pu faire autour d’eux. C’est pour ça qu’on va aller témoigner. Je veux leur dire qu’ils ont détruit une famille entière, leur dire qui ils étaient.

Redoutez-vous de venir témoigner?

Je le redoute, oui. Je le vois comme un hommage aux disparus, à mes proches, à ma famille. Je veux faire prendre conscience aux juges que ce qu’on a vécu, c’était un acte de guerre. Perdre six personnes de sa famille, ça arrive dans les pays en guerre. Et nous, on l’a vécu en France, un soir de fête nationale!

Cette étape peut-elle aider à votre reconstruction?

Ça ne va pas m’aider à me reconstruire. Je suis consciente que ça n’arrivera jamais. On sait qu’on devra toujours vivre avec.

Ce procès permet d’entretenir la mémoire de ce drame?

En étant loin de Nice, des fois, ça me rend triste de voir qu’on en parle beaucoup moins que par chez vous. On se dit que les gens sont passés à autre chose, alors que nous, on vivra toujours avec ce drame. Je n’étais pas sur place ce soir-là. Au départ, je ne voyais pas trop ce que je pouvais apporter au procès. En fait, j’ai pris conscience qu’il fallait raconter notre drame pour démontrer l’ampleur de cette tragédie. Faire prendre conscience aux juges des effets dévastateurs sur la vie des personnes décédées, mais aussi de ceux qui restent.

Vous le faites aussi à travers les associations de victimes?

Oui, je suis toujours vice-présidente de Mémorial des Anges, mémorial qui va malheureusement être installé à Paris. Nous sommes très déçus que ce ne soit pas à Nice, où a émergé l’idée. Nous n’avons pas été si soutenus que cela par la Ville. Nous sommes quand même émus que ce projet aboutisse, et fiers d’avoir pu faire quelque chose pour nos proches.

L’après-procès peut-il laisser un vide?

J’appréhende le verdict. Je ne voudrais pas que l’on replonge. Après V13 [le procès des attentats du 13-Novembre, ndlr], j’étais écœurée que des soi-disant victimes se disent soulagées que de petites mains retrouvent leur famille ce soir-là. J’espère que je n’entendrai pas ce genre de réaction, et qu’il n’y aura pas d’acquittement! Car ce soir-là, on a pris ma vie, aussi.

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