Nouvelle-Zélande : Jacinda Ardern, Première ministre, femme et quadra, annonce sa démission surprise – Libération

La politique autrement

Très populaire à l’étranger, Jacinda Ardern a longtemps bénéficié d’un taux d’approbation record en Nouvelle-Zélande. Son parti et sa cote de popularité personnelle ont récemment chuté dans les sondages, alors que la situation économique se détériore.

«Je n’ai tout simplement plus assez d’énergie». C’est par des mots simples mais totalement inédits dans le monde politique que Jacinda Ardern, 42 ans, Première ministre de Nouvelle-Zélande depuis 2017, a annoncé sa démission ce jeudi, prenant son pays par surprise. Elle quittera ses fonctions le 7 février, à neuf mois des élections législatives dont elle ne mènera donc pas la bataille.

«Je suis humaine. Nous donnons autant que nous le pouvons et aussi longtemps que nous le pouvons, et puis c’est le moment. Et pour moi, ce moment est arrivé», a-t-elle expliqué devant ses camarades travaillistes. «Ces cinq années et demie ont été les plus épanouissantes de ma vie. Mais il y a aussi eu des défis à relever. Je sais ce que ce travail exige, et je sais que je n’ai plus assez d’énergie pour lui rendre justice. C’est aussi simple que cela», a-t-elle ajouté en annonçant sa démission.

Jacinda Ardern avait pris la tête d’un gouvernement de coalition en 2017, à 37 ans, devenant la plus jeune Première ministre de l’histoire du pays depuis 1856. Elle avait ensuite conduit le Parti travailliste de centre-gauche vers une victoire écrasante lors de l’élection suivante, trois ans plus tard. Durant son mandat, elle a été confrontée à la pandémie de Covid-19, à une éruption volcanique meurtrière et au pire attentat jamais perpétré dans le pays, le meurtre de 51 fidèles musulmans dans une mosquée de Christchurch par un suprémaciste blanc en 2019.

Elle est la deuxième cheffe du gouvernement du monde à avoir accouché pendant son mandat après la Pakistanaise Benazir Bhutto. Et elle avait fait sensation en amenant sa fille de trois mois, Neve, à la tribune des Nations unies en septembre 2018. «J’ai envie de normaliser ça, avait-elle fait valoir. En étant plus ouverte, cela pourrait créer un chemin pour d’autres femmes.»

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Très populaire à l’étranger, où elle a fait la couverture des magazines Vogue et Time, elle a longtemps bénéficié d’un taux d’approbation record en Nouvelle-Zélande également, où les médias ont parfois même parlé de «Jacindamania». Après avoir conquis un second mandat grâce à la victoire écrasante des travaillistes aux législatives de 2020, Ardern a connu ces dernières années une chute de popularité pour de multiples raisons : détérioration de la situation économique, baisse de la confiance en son gouvernement, résurgence de l’opposition conservatrice.

«Le pire poste politique»

Et le stress qu’elle a éprouvé ces dernières années l’a quelques fois fait vaciller. En décembre, au terme d’un échange musclé avec le dirigeant d’opposition David Seymour, ses marmonnements avaient été captés par son micro, toujours allumé : «Quel connard arrogant !» Elle avait su rattraper le coup, avec une bonne dose d’autodérision, en mettant aux enchères le compte rendu parlementaire où figurait l’injure afin de réunir des fonds pour lutter contre le cancer.

Née en 1980 à Hamilton, à 130 km au sud d’Auckland, Jacinda Ardern affirme que c’est la pauvreté qu’elle a vue dans l’arrière-pays de l’Ile du Nord qui a contribué à forger ses convictions de gauche. Fille d’un policier, elle a été élevée dans la foi mormone, à laquelle elle renonce dans les années 2000 en raison des positions de cette Eglise sur l’homosexualité.

Elle s’intéresse très tôt à la politique grâce à une tante, et entre dans les organisations des jeunesses travaillistes. Après ses études, elle travaille pour la Première ministre Helen Clark, puis à Londres pour Tony Blair. «Tout le monde sait que je viens d’accepter sans préavis le pire poste politique», déclare-t-elle en devenant la plus jeune cheffe de l’histoire centenaire du Parti travailliste.

Elle ne pensait pas si bien dire : à peine dix-huit mois après sa prise de fonction en tant que Première ministre, son pays subit une attaque terroriste. Un suprémaciste blanc ouvre le feu dans deux mosquées de Christchurch, tuant 51 personnes et en blessant 40. La réaction d’Ardern est saluée mondialement pour son empathie, notamment lorsqu’elle porte un foulard en présentant ses condoléances aux familles musulmanes.

Elle a également été applaudie pour ses actions politiques décisives, notamment les restrictions sur les armes à feu, et pour ses efforts visant à obliger les géants des réseaux sociaux à lutter contre les discours de haine en ligne. Sa politique sanitaire contre le coronavirus, qui l’a poussée à fermer les frontières de l’archipel, a en outre été très appréciée par les Néo-Zélandais.

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