« Nous étions tabassés deux fois par jour » : en Russie, les droits systématiquement bafoués des prisonniers de guerre ukrainiens – Le Monde

Une prisonnière ukrainienne libérée s’effondre dans les bras d’un militaire à son arrivée à Zaporijia, en Ukraine.

Passages à tabac quotidiens, nourriture infecte, lumière allumée 24 heures sur 24 et absence complète d’hygiène. C’est l’épreuve qu’a endurée pendant cinq mois et demi Viatcheslav Gorban, un prisonnier de guerre ukrainien en Russie. Cet ingénieur en métallurgie de 50 ans avait choisi de prendre les armes le 24 février pour défendre sa ville, Marioupol, après que Vladimir Poutine eut lancé ses troupes sur l’Ukraine. Le Monde l’avait rencontré deux jours plus tard, alors qu’il montait la garde à l’entrée de l’hôpital militaire, quelques heures avant que le port industriel ne soit encerclé par les forces russes.

Libéré le 1er novembre dans le cadre d’un échange de prisonniers avec la Russie, Viatcheslav Gorban a littéralement fondu. « J’ai perdu 23 kilos sur 85 », explique-t-il d’une voix égale. Il est actuellement hospitalisé à Dnipro pour des problèmes de thyroïde mais devrait sortir « dans une semaine ». Son caractère n’a pas changé : calme, retenu, déterminé. Endurci par les épreuves. Avant d’être fait prisonnier, il a passé deux mois et demi dans l’enfer d’Azovstal, cette usine sidérurgique où il avait autrefois travaillé et qui s’était transformée en dernier bastion de la résistance ukrainienne.

Au moment de la reddition d’Azovstal, il décline son identité à des employés du Comité international de la Croix Rouge (CICR) et donne le numéro de téléphone de sa fille pour que ses proches soient prévenus du sort qui l’attend. « Je n’ai plus jamais revu de membres d’ONG jusqu’à ma libération », note l’ancien prisonnier.

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Interrogé par ses geôliers russes, il explique s’être engagé dans la défense territoriale, un corps non professionnel. Cela lui permet d’échapper au traitement plus cruel subi par les membres du Régiment Azov, objets d’une haine particulière des autorités russes. Au bout de deux semaines, il est transféré avec 74 autres prisonniers de guerre vers la Russie, pour être incarcéré à la maison d’arrêt de Taganrog.

« Nous sommes arrivés tôt le matin, les yeux bandés et mains attachées. L’accueil fut brutal. Nous avons traversé un “couloir humain”. Les coups pleuvaient de tous les côtés. On a subi de nombreux interrogatoires, menés par toutes les structures de sécurité russes : FSB, comité d’enquête, police, etc. Ils m’ont pris un échantillon d’ADN, fait une photo 3D, ils ont pris mes empreintes digitales », poursuit-il d’une voix toujours égale.

« Violence gratuite et sans objet »

Débute un calvaire de quatre mois. « Nous étions tabassés deux fois par jour. Cellule par cellule. Les gardiens nous sortaient tous les cinq en même temps. Face au mur, les jambes écartées, ça durait cinq minutes environ. Ils nous frappaient avec les poings, les pieds et des matraques. Pas pour qu’on parle ou qu’on fasse quoi que ce soit, c’était une violence gratuite et sans objet. Tous n’étaient pas battus de la même manière. Ceux qui portaient des tatouages avec des symboles ukrainiens étaient bien plus frappés que les autres. Moi, je ne suis pas tatoué. Ils m’ont quand même cassé trois côtes. » A cela s’ajoute l’obligation de chanter l’hymne national russe et d’autres chansons patriotiques. « Il ne fallait pas chanter mais hurler l’hymne russe. C’était du harcèlement moral. »

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