
« Nous arrivons quand le mal est fait : la justice applique la loi, elle ne la fait pas » – Le Monde

La procureure de la République de Bobigny, Fabienne Klein-Donati, publie Poursuivre, aux Editions des Equateurs (240 pages, 18 euros), dont les droits d’auteur sont reversés à l’association Hors la rue, qui soutient les mineurs étrangers en danger. Elle répond aux critiques contre la justice et revient sur son expérience en Seine-Saint-Denis, notamment face à la violence accrue chez les mineurs.
Mercredi 19 mai, des milliers de policiers se sont rassemblés devant l’Assemblée nationale et ont hué le ministre de la justice et l’institution judiciaire. Assiste-t-on à un face-à-face dangereux entre police et justice ?
Ce n’est pas un face-à-face. C’est une partie des policiers qui invective et voudrait faire croire qu’eux feraient bien leur travail, et que nous le bâclerions derrière. Mais cette fracture police-justice ne correspond pas à ce que l’on vit tous les jours. Tout le monde œuvre dans le même objectif, chacun avec ses compétences. Il n’y a pas deux camps.
Cela vous choque-t-il qu’un ministre et des élus se joignent à une telle manifestation ?
Défendre la cause des policiers agressés me semble tout à fait légitime. Que des politiques manifestent pour cela ne me choque pas. Mais ils représentent la République : ils devraient donc se démarquer lorsqu’il y a des attaques contre elle et ses institutions. C’est une façon d’instrumentaliser la justice, comme si elle était la seule coupable de tous les maux de la société. Il faut bien noter que, pour la délinquance, nous arrivons en bout de course. Bien sûr, nous travaillons aussi sur la prévention, mais, malheureusement, nous arrivons quand le mal est fait. Et qui travaille sur la racine des problèmes ? La justice applique la loi, elle ne la fait pas. Tous ces élus qui étaient dans la rue, ce sont eux qui font la loi.
Dans la manifestation, on entendait crier à la « justice laxiste », aux peines trop faibles…
Tout ça, c’est de l’invective à des fins démagogiques et préélectoralistes. A chaque campagne électorale, il y a un fait divers susceptible d’interroger les questions de sécurité. Et lorsqu’on parle de la sécurité, on met en cause la justice. Mais qui s’interroge sur les causes de l’insécurité, la montée de la violence ou de telle forme de délinquance ?
On ne se pose pas la question du pourquoi, on attaque directement la fin de la chaîne. Il faudrait pourtant entrer dans l’analyse, cesser les contre-vérités et retrouver de la nuance. Ici, au parquet de Bobigny, on enregistre 200 000 procédures au pénal chaque année. Alors oui, il y a des choses que nous pourrions mieux faire. Mais, dans la masse de ce que nous traitons, n’oublions pas tout ce qu’on traite bien.
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