Nomination d’Eric Dupond-Moretti : les coulisses de la surprise du chef – Le Parisien

Tout commence au début du printemps, dans une France toujours confinée. En son palais de l’Elysée, Emmanuel Macron réfléchit. Il sait qu’il va devoir remanier son gouvernement. Parmi les postes dont il est sûr qu’il faudra pourvoir, il y a celui de garde des Sceaux. C’est à ce moment-là qu’une idée commence à germer dans l’esprit du président. Il ne veut plus rien de lisse. Il acquiert la conviction que les Français ont besoin de quelqu’un qui incarne avec force ce poste de ministre de la Justice, si important dans un Etat de droit. Il regrette le caractère un peu effacé de Nicole Belloubet, même s’il lui reconnaît une puissante expertise technique.

Il veut désormais une personnalité qui saura s’imprimer dans la rétine du plus grand nombre. Son esprit s’arrête sur un nom. Eric Dupond-Moretti! A l’époque, il n’en parle à personne ou presque. L’hypothèse n’est testée que devant quelques rares hommes de confiance. Certains le regardent incrédules, d’autres au contraire l’encouragent et le confortent dans son intuition.

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« Le président voulait de grandes figures, des ministres archétypes de l’imaginaire français parce que nos concitoyens veulent retrouver des repères politiques, culturels et sociaux », raconte l’un des rares à qui l’idée a été soumise. Plusieurs semaines s’écoulent sans que le sujet ne soit plus évoqué au palais.

Le «oui mais» du ténor

Début mai, peu après le début du déconfinement, Dupond-Moretti a le sentiment que quelque chose de bizarre est en train de se jouer. Des proches du chef de l’Etat l’interrogent incidemment sur sa vision de la justice, sur ce qui, à ses yeux, mériterait d’être réformé. Mais voilà, tout cela s’arrête là… Jusqu’à la semaine dernière.

A l’Elysée, Emmanuel Macron et Jean Castex ont commencé à gratter le plan de table du nouveau Conseil des ministres, en tête à tête, dans le plus grand secret, alors qu’Edouard Philippe est toujours à Matignon. C’est à ce moment-là que le chef de l’Etat décroche son téléphone et appelle Eric Dupond-Moretti. Veut-il être ministre de la Justice? L’avocat est surpris. Il pense à son cabinet qu’il faudrait quitter, il pense aussi aux aspects financiers (un ministre gagne beaucoup moins qu’une star des prétoires) et puis surtout il dit en substance au président de la République qu’il ne viendrait pas pour faire du casting et qu’il faut se mettre d’accord sur un scénario. Chiche.

Après avoir raccroché, Dupond-Moretti se lance illico dans la rédaction d’un pavé. C’est la mise au propre d’un projet mûri de longue date par l’avocat. Un plan précis, détaillé, ambitieux pour la Justice qu’il fait parvenir au chef de l’Etat. Peut-être trop ambitieux, au point qu’Emmanuel Macron lui dit qu’il va falloir se concentrer sur deux ou trois axes, pas davantage, dont la réforme du Parquet (d’ailleurs annoncée dès mardi lors de la passation de pouvoirs), pour espérer aboutir à quelque chose dans le temps utile très court qu’il reste d’ici la fin du quinquennat.

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Puis, alors qu’arrive le week-end, Eric Dupond-Moretti, à qui on avait demandé de rester joignable, se met à douter. Il voit passer, en fin de semaine dernière, des noms dans la presse pour remplacer Nicole Belloubet. François Molins, l’ancien procureur de la République de Paris, Noëlle Lenoir, ancienne ministre sous Raffarin, Frédéric Thiriez, ex-président de la Ligue de football professionnel, ou même le député LR Guillaume Larrivé, mais pas trace de son nom à lui!

«Secouer l’administration judiciaire»

Cependant, les choses s’accélèrent soudain. Samedi et dimanche, trois rendez-vous s’ajoutent à l’agenda d’Eric Dupond-Moretti. D’abord à Matignon avec Jean Castex mais aussi avec Nicolas Revel, le puissant directeur de cabinet du Premier ministre, fraîchement nommé, et ancien compagnon de route d’Emmanuel Macron à l’Elysée à l’époque du quinquennat Hollande. Les deux entretiens se passent très bien. Revel et Castex sont emballés, séduits. « Il a passé des grands oraux en quelques sortes et il a convaincu tout le monde », raconte un conseiller du Palais. Le troisième rendez-vous a lieu dimanche. Eric Dupond-Moretti arrive à l’Elysée en fin de matinée, au premier étage, pour une ultime rencontre avec… le président de la République.

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Emmanuel Macron reçoit la star du barreau et lui répète qu’il veut en faire un ténor de la politique. Il sera donc bien ministre de la Justice si tout se passe bien d’ici le lendemain. La confirmation définitive arrive à l’avocat lundi à la mi-journée via un coup de téléphone de l’Elysée. « Emmanuel Macron attend beaucoup de lui, il espère qu’il va secouer l’administration judiciaire, faire bouger les choses, raconte un très proche du chef de l’Etat, en somme il attend d’Eric Dupond-Moretti qu’il fasse du Dupond-Moretti, qu’il soit une grande voix. »

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