Napoléon : les commémorations du bicentenaire de la mort d’une figure toujours contestée commencent – Le Monde

Le baldaquin du chœur cache l’escalier menant au tombeau de Napoléon Ier, où son corps a été définitivement déposé en 1861, sous le dôme de l’hôtel des Invalides, à Paris.

C’est un anniversaire qui ravive les controverses autour d’une figure complexe et incontournable de l’histoire de France. Emmanuel Macron célèbre, mercredi 5 mai, le bicentenaire de la mort de Napoléon. Le 5 mai 1821, l’empereur meurt à l’âge de 51 ans loin des siens et de son pays à Sainte-Hélène, île perdue de l’Atlantique sud où les Britanniques l’ont envoyé en exil après sa dernière défaite, à Waterloo.

Deux cents ans plus tard, Emmanuel Macron déposera mercredi après-midi une gerbe au pied de son tombeau, sous la majestueuse coupole des Invalides. Juste avant, le chef de l’Etat prononcera un discours à l’Institut de France pour « regarder en face » Napoléon, à savoir les pages « les plus lumineuses » comme « les plus sombres » de son héritage, a précisé le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal.

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L’exercice est délicat. Car cette « figure majeure de l’histoire » est « contestée depuis toujours », rappelle l’Institut. Et elle continue à enflammer les débats entre ses défenseurs, qui louent le stratège militaire et l’initiateur de « l’Etat moderne », et ses critiques, qui l’accusent d’avoir provoqué des centaines de milliers de morts lors de ses campagnes militaires et d’avoir rétabli l’esclavage.

Face à un héritage aussi controversé, les chefs de l’Etat se sont gardés de prendre position sur Napoléon depuis que Georges Pompidou a célébré en 1969 le bicentenaire de sa naissance à Ajaccio, sa ville natale. « Il n’est pas de nom plus glorieux que celui de Napoléon. Parti de rien, démuni de tout, il a tout obtenu », avait résumé le président gaulliste.

Le monument menant à la crypte où repose le corps de  Napoléon Ier, sous le dôme de l’hôtel des Invalides, à Paris.

En marquant cet anniversaire, Emmanuel Macron « ne se dérobe pas », affirme l’Elysée, qui souligne sa volonté de « regarder l’héritage » en étant « ni dans l’hagiographie, ni dans le déni, ni dans la repentance », que ce soit sur Napoléon ou sur l’action de la France en Algérie et au Rwanda, les deux dossiers mémoriels délicats dont il s’est saisi.

Dénoncer l’esclavage

« Commémorer signifie se souvenir ensemble, mais pas honorer », précise l’historien Frédéric Régent. « Grâce à cette commémoration, la plupart des Français vont apprendre que Napoléon a rétabli l’esclavage » en 1802, huit ans après son abolition, a ajouté ce spécialiste de l’histoire coloniale sur Franceinfo. Dans son discours, Emmanuel Macron « dira que l’esclavage était une abomination, y compris dans le contexte de l’époque », selon l’Elysée.

Cette condamnation est particulièrement attendue en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion, où de nombreux habitants sont descendants d’esclaves. « Nul victime ne peut célébrer son bourreau, à moins d’être aliéné et fou à lier », affirment le Comité international des peuples noirs, le FKNG et le Mouvement international pour les réparations (MIR), qui dénoncent, dans un communiqué, des hommages à un « raciste liberticide ».

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Dans les autres points négatifs de l’héritage napoléonien, le chef de l’Etat pourrait pointer l’énorme bilan humain de ses campagnes militaires, comme celle de Russie, et le coup d’Etat du 18 brumaire, qui marqua, le 9 novembre 1799, la fin de la Révolution française. Parallèlement, le chef de l’Etat devrait saluer en Napoléon l’organisateur de l’Etat moderne avec la création du code civil, des lycées, de la Cour des comptes, du Conseil d’Etat ou des préfets…

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Fascination

Sur le plan politique, le débat sur l’opportunité de commémorer Napoléon est resté feutré, marqué par quelques critiques d’élus de gauche, qui regrettent l’absence de célébration des 150 ans de la Commune par le président, tandis qu’à droite certains auraient souhaité donner plus d’ampleur à l’anniversaire. Quelques élus mais aussi des nostalgiques de l’Empire se sont retrouvés dans la matinée devant les Invalides et au pied de la colonne Vendôme, dans le centre de Paris, pour saluer celui qui « a tant fait pour le pays » et « tant donné au monde », selon Marine Le Pen.

A Fontainebleau, plusieurs reliques liées à Napoléon devaient être mises à l’encan mercredi par la maison de ventes Osenat, dont un mouchoir, une bande en batiste tachée du sang utilisée pour son autopsie ou un fin collier formé de fils d’or et de ses cheveux. Témoignant de la fascination que suscite toujours l’empereur, le bicentenaire est l’occasion de la sortie d’une multitude de nouveaux ouvrages sur Napoléon, auquel sont déjà consacrés des milliers d’essais et de romans. Annoncée comme l’une des « stars » de la saison culturelle, « L’exposition Napoléon », qui retrace les grandes étapes de sa vie, accueillera le public à la Grande Halle de La Villette à partir du 19 mai, jour de la réouverture des musées.

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Le Monde avec AFP

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