Nanoparticules et vaccins contre le Covid-19 : cinq questions pour démêler le vrai du faux – Le Monde

Une séquence vidéo, très partagée sur Facebook résume les inquiétudes concernant le vaccin et les nanoparticules. Le médecin réanimateur Louis Fouché, figure de proue de la fronde antimasques à Marseille, est interrogé sur les dangers possibles des vaccins contre le Covid-19. Selon lui, les vaccins de Pfizer/BioNTech et Moderna, utilisant la technologie innovante de l’ARN messager, conduiraient à se faire injecter des nanoparticules :

« C’est tellement un jeu d’apprentis sorciers qu’il y a des gens qui proposent de mettre des nanoparticules avec. Et là le but n’est pas clair (…), ça rejoint la notion de traçage : c’est d’essayer de faire un certificat vaccinal sous-cutané, un peu comme une puce RFID, mais sous la forme de nanoparticules qui fluorescent. »

Nanoparticules, traçage, puce RFID, carnet vaccinal sous-cutané, etc. : en quelques phrases, Louis Fouché condense l’argumentaire, devenu classique, de nombreux opposants aux vaccins (dont des personnalités publiques, comme Kim Glow ou François Asselineau) persuadés de voir, au travers des nanoparticules, une marche forcée vers un contrôle de la population.

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  • C’est quoi, les nanoparticules ?

Les nanoparticules sont des particules infiniment petites dont le diamètre est généralement compris entre 1 et 100 nanomètres (nm) – un nanomètre est égal à un milliardième de mètre. A titre de comparaison, le diamètre d’un atome d’hydrogène est de l’ordre du picomètre (un millième de nanomètre), une cellule est de l’ordre du micromètre (1 000 nm) ; alors qu’un cheveu peut mesurer entre 80 000 et 100 000 nanomètres de large.

Les nanoparticules peuvent être produites par des procédés chimiques, physiques, ou biologiques, naturels ou non. On peut distinguer trois catégories :

  • les nanoparticules d’origine naturelle, issues par exemple de feux de forêt ou de fumées volcaniques ;
  • les nanoparticules non intentionnelles, issues de procédés de combustions, comme celles qui sont rejetées par les moteurs diesel, ou les fumées de soudage ;
  • les nanoparticules intentionnelles/manufacturées : fabriquées pour leurs nouvelles propriétés, comme par exemple le dioxyde de titane utilisé dans l’industrie alimentaire pour donner de la brillance aux bonbons.

Les nanoparticules ont été mises en évidence il y a une cinquantaine d’années par des physiciens qui ont observé qu’un même matériau pouvait prendre des propriétés différentes lorsque sa taille décroissait. L’acquisition de ces propriétés nouvelles a ouvert un champ pour la recherche, et le développement des nanotechnologies a suscité beaucoup d’espoir, notamment dans le domaine de la cancérologie.

De par leur multiplicité, leur capacité à infiltrer l’organisme, et le peu de connaissances scientifiques disponibles, les nanoparticules suscitent pourtant des inquiétudes. Les associations de défense de consommateurs et les organismes de sécurité sanitaire alertent depuis plusieurs années. En 2018, l’UFC-Que Choisir avait révélé qu’elles étaient présentes dans de nombreux produits (aliments, produits de beauté, médicaments), sans que l’on connaisse précisément leurs conséquences sur la santé.

En octobre dernier, une étude a montré que des nanoparticules de dioxyde de titane, présentes dans des bonbons ou dentifrices, pouvaient atteindre l’environnement du fœtus pendant la grossesse. Une étude de 2017 pointait déjà des risques de troubles immunitaires et de lésions précancéreuses.

L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) a mis en garde sur les dangers de l’inhalation des nanoparticules en milieu industriel issues de certaines activités (fonderie, soudage, métallisation, etc.) :

« Les études épidémiologiques […] suggèrent la possibilité de survenue d’effets respiratoires (réactions inflammatoires, obstruction réversible des petites voies aériennes) et cardiovasculaires (affections ischémiques myocardiques), notamment chez les personnes fragilisées. »

  • Y a-t-il des nanoparticules dans les vaccins développés contre le Covid-19 ?

Les nanoparticules sont au cœur des technologies employées par plusieurs candidats-vaccins. Ceux qui reposent sur l’ARN messager développés par Pfizer/BioNtech et Moderna, et qui pourraient être prochainement administrés en France, utilisent des nanoparticules lipidiques. Comme l’explique au Monde Camille Locht, microbiologiste et directeur de recherche Inserm à l’Institut Pasteur de Lille, les chercheurs véhiculent l’ARN messager dans des nanoparticules lipidiques (de la graisse) qui permettent de l’encapsuler et de le protéger de la destruction une fois dans l’organisme :

« Si l’on injecte directement l’ARN messager, il va être détruit. Avec les nanoparticules, l’ARNm se retrouve entouré d’une couche de lipides. Une fois qu’il est introduit, les nanoparticules peuvent fusionner avec la membrane de la cellule, et ainsi injecter l’ARN pour qu’il puisse être traduit et produire l’antigène, la substance active du vaccin. »

D’autres types de nanoparticules sont également employés. C’est le cas du candidat vaccin sous-unitaire protéique développé par l’entreprise américaine Novavax. « La société utilise des petites sphères de lipides pour mettre non pas l’ARN, mais l’antigène dedans, indique le professeur Locht. Cela permet de faire venir l’antigène directement aux cellules qui sont importantes pour l’induction de la réponse immunitaire. »

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  • Faut-il les craindre dans les vaccins anti-Covid-19 ?

Les théories selon lesquelles les nanoparticules des futurs vaccins constitueraient une technologie dangereuse, et un instrument de contrôle permettant de « localiser » grâce « à la 5G », circulent régulièrement sur les réseaux sociaux. Sur les risques associés aux nanoparticules dans les vaccins à ARN messager, Camille Locht assure que « ce n’est absolument pas dangereux, il n’y a aucun souci à se faire ». Le chercheur précise :

« Les nanoparticules dans les vaccins contre le Covid-19, injectées en quantité relativement faible, sont composées de lipides et conçues pour se dégrader progressivement. Ce sont des molécules qui sont tout à fait naturelles, car nos cellules sont toutes entourées de lipides. C’est quelque chose de biologiquement tout à fait normal. »

Les thèses conspirationnistes se nourrissent des incertitudes, et les nanoparticules leur offrent un terreau de choix : leur découverte est relativement récente, et l’on navigue dans le domaine de l’infiniment petit, avec des particules omniprésentes et invisibles. Or, selon le professeur Locht, « le fait que ce soit petit ne doit pas faire peur » :

« Une nanoparticule dans la recherche médicale, en particulier dans le domaine des vaccins, ce n’est pas plus petit qu’un virus avec lequel on est tout le temps en contact. »

De plus, le rôle majeur de la nanotechnologie dans le développement de vaccins contre le Covid-19 ne s’apparente en rien à un « jeu d’apprentis sorciers ». La société de biotechnologie allemande BioNtech a développé depuis une dizaine d’années son savoir-faire nanotechnologique au travers de traitements prometteurs contre le cancer.

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  • Quel est le lien entre les nanoparticules et le traçage sous-cutané ?

Les réfractaires aux vaccins anti-Covid-19 invoquent le risque de généralisation d’un carnet vaccinal sous-cutané, par le biais de l’injection de nanoparticules sous la peau. « Ce n’est pas de la science-fiction, les gens doivent ouvrir les yeux », avertit Louis Fouché. Qu’en est-il ? Un article du Monde publié en 2019 est souvent cité en exemple pour étayer cette allégation. Il rapporte que des ingénieurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) « ont inventé des nanoparticules injectables sous la peau qui émettent une lumière fluorescente invisible à l’œil nu, mais visible par un smartphone, et qui pourraient un jour servir à confirmer que la personne a bien été vaccinée ».

Ce projet, financé par la fondation Gates (par ailleurs partenaire du Monde Afrique), doit permettre aux pays en développement de disposer de carnets de vaccination, là où les dossiers médicaux sont généralement inexistants. Des enquêtes d’opinion ont été lancées au Kenya, au Malawi et au Bangladesh pour savoir si ces populations seraient prêtes à adopter ce type de carnet vaccinal. Les chercheurs, à la fin de 2019, espéraient le tester sur « des humains en Afrique dans les deux prochaines années ».

Mais, contrairement à ce qui est avancé, ce projet n’a ni vocation à pucer l’humanité ni à être utilisé dans le cadre du Covid-19. L’un des ingénieurs du MIT, Kevin McHugh, l’a confirmé auprès de Reuters en mars dernier : la technologie employée n’est « pas une puce électronique », et « il n’est pas prévu de l’utiliser pour le coronavirus ».

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  • Facebook a-t-il interdit d’affirmer que le vaccin contre le Covid-19 contient des nanoparticules ?

Plusieurs publications sur les réseaux sociaux ont relayé une information de BFM-TV selon laquelle Facebook interdirait « désormais d’affirmer que le vaccin contient des nanoparticules ». Cette annonce a provoqué la colère d’utilisateurs de la plate-forme : « Une censure de plus en plus violente qui ne se cache même plus. Nous sommes donc très officiellement interdits de dire la vérité sur Facebook », s’est indigné un internaute.

Le site de la chaîne d’information consacrait un article aux annonces de Facebook publiées le 3 décembre pour préciser ses actions de lutte contre la désinformation sur le Covid-19 (Le Monde est partenaire de la plate-forme pour vérifier des informations qui en sont issues). « Nous supprimerons les fausses allégations selon lesquelles les vaccins contre le Covid-19 contiennent des micropuces ou tout autre élément qui ne figure pas sur la liste officielle des composants des vaccins », a annoncé Facebook.

Or, à aucun moment Facebook n’évoque l’exemple spécifique des nanoparticules, ni même le terme. Et pour cause, les nanoparticules sont bel et bien employées dans certains vaccins, Dans une mise à jour publiée le 8 décembre, BFM-TV a finalement changé son titre : « Une première version de cet article évoquait l’interdiction de la mention de nanoparticules dans les vaccins. Dans un souci de clarté a été retenu l’exemple des micropuces, mis en avant par Facebook. »

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