Mythomane point com

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Qui imagine se faire passer pour une victime d’un attentat terroriste ? Dans l’absolu, personne. Et pourtant, c’est ce qui est arrivé après les attentats du 13 novembre.

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Mensonge

Tout commence le 13 novembre. Les attaques terroristes qui ont endeuillé la France ont pris les gens par surprise, faisant un très grand nombre de victimes, directes et indirectes. Comment les recenser ? Comment vérifier la véracité de leur histoire ? Comment exclure ou inclure a priori une victime de terrorisme ? Benoîtement, on peut se dire qu’on se contente de reconnaître comme victime de terrorisme les personnes qui peuvent prouver qu’elles étaient sur les lieux et qui ont un dommage physique. Sauf que les choses sont plus compliquées.

Pour commencer, un dommage n’est pas que physique : il peut être moral ou financier. Durant les attentats du 13 novembre, certaines personnes n’ont pas été physiquement blessées, mais elles sont cependant marquées à vie. Tout comme les victimes du 14 juillet. Elles ont développé des troubles de stress post-traumatiques, qui les empêchent partiellement ou totalement de retrouver une vie normale. Dès lors, le dommage est constitué, le préjudice existe.

De la même manière, se restreindre à demander des preuves matérielles d’une présence sur les lieux est une gageure : une partie des attaques a eu lieu dans la rue. Pourquoi poser cela en préambule ? Pour comprendre comment de fausses victimes ont réussi à tromper, pendant un temps, de réelles victimes du terrorisme.

Facebook et construction d’une nouvelle identité

Suite aux attentats, des associations et des groupements plus informels ont vu le jour, pour permettre aux victimes de parler, de vider leur sac, de se soutenir mutuellement. Ces groupements se sont matérialisés en premier sur Facebook. Durant les premiers jours, les groupes étaient publics, ouverts à tous. Mais, pour protéger la vie privée des victimes, les administrateurs ont fait le choix de restreindre les accès.

Trop tard : la mythomane dont il est question dans le livre était déjà là. Elle-même n’est pas une victime directe. Son meilleur ami l’est, et elle dit qu’il est toujours hospitalisé. Dès lors, elle se montre chaleureuse, elle aide, elle offre du soutien moral et sur le moment, personne ne se soucie de la véracité de son histoire. D’autant que son profil Facebook semble vaguement tenir la route, qu’elle se montre aux évènements physiques, peu nombreux, et on comprend pourquoi.

Si elle s’en était tenue à une identité numérique, il est fort probable que la supercherie aurait pu tenir encore très longtemps. On se souvient tous de cette personne, qui se faisait passer pour une Américaine, assistante parlementaire d’un membre du Congrès américain. Cette personne a même réussi à tromper des journalistes de grands médias. On serait mal avisé de jeter la pierre à l’association qui l’a cru, car le fonds dédié à la prise en charge des victimes — un organisme de l’Etat — a aussi avalé son histoire. Qui aurait pu imaginer que tout était bidon ?

Facteur humain

En informatique, on dit souvent que l’erreur se situe dans l’interface chaise-clavier, façon de dire que ce sont les humains qui sont les premières sources d’erreur. Dans l’histoire qui nous intéresse, c’est exactement ce qui s’est passé. La mythomane en a voulu progressivement plus : un emploi, de l’argent, de l’affection. Et si, au début, tout le monde était ravi de son aide, petit à petit, les choses se sont tendues.

Son comportement est devenu erratique, au point d’éveiller les soupçons des dirigeants de l’association. Ils ont donc enquêté, en commençant par son profil Facebook. Petit à petit, les mensonges sont découverts, y compris par les autorités.

On ne dévoile pas de grands secrets du livre : c’est une enquête journalistique, on sait dès le départ que la personne dont il est question est une mythomane. Ce qui est intéressant, c’est le cheminement, la construction, puis l’enquête. Est-on à l’abri ?

Absolument pas.

Vigilance

Le cas dont il est question dans le livre est le 13 novembre. Mais des personnes qui se font passer pour ce qu’elles ne sont pas, cela arrive tous les jours. Et malheureusement, la démocratisation du web a largement permis aux mythomanes et aux escrocs en tout genre de prospérer. On en parle relativement peu dans la catégorie des « cyber-risques ». La fraude à l’amitié, ce n’est pas assez « sexy ». Ce n’est pas assez racoleur et puis les victimes l’ont bien cherché. Si elles avaient cherché des amis dans le monde physique, ça ne serait jamais arrivé, pense-t-on.

Rien n’est plus faux, et les faits-divers sont remplis de victimes d’escroquerie de ce genre, où les victimes ont rencontré leur escroc dans le monde physique. Un seul exemple : Christophe Rocancourt. Les escrocs ont un atout dans leur manche : ils savent raconter de belles histoires, qui tiennent en apparence la route. Vérifier chaque point de détail d’une histoire, comme un enquêteur de police, demande énormément d’énergie et, selon les domaines, de connaissances dont tout le monde ne dispose pas.

Sur le web, ce type d’escrocs demande généralement de l’argent, même si ce n’est pas systématique (par exemple, la personne qui s’est fait passer pour une assistante parlementaire d’un membre du Congrès américain). Le système des cagnottes est parfait pour un pot commun, pour offrir un gros cadeau, mais comment vérifier que la personne qui demande des fonds parce qu’elle est au bord du précipice est réellement au bord du précipice ? Personne n’irait demander « montre-moi les documents de l’administration attestant que tu as épuisé tes droits sociaux ».

La mythomane du Bataclan est un bon livre d’enquête. Bien qu’il se focalise sur les victimes des attentats du 13 novembre, le propos est plus large. Il montre comment une personne, qui n’est pas forcément plus intelligente que les autres, arrive à en manipuler d’autres. Ne vous attendez pas à découvrir une grande criminelle. Vous serez même assez surpris de la médiocrité du personnage. Et c’est finalement ce qui est le plus effrayant.

La mythomane du Bataclan est disponible en version papier ainsi qu’en version numérique.

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