Municipales : pour certains élus, revoter en juin serait trop risqué – Le Parisien

Chafia Zehmoul ne s’est toujours pas remise du premier tour des élections municipales, le 15 mars. A la tête d’une liste de la société civile à Saint-Fons (Rhône), dans la banlieue de Lyon, la jeune femme a vu ses troupes durement frappées par le Covid-19. Plusieurs de ses colistiers ont été contaminés durant la campagne, ainsi qu’elle-même, restée alitée pendant trois semaines. Sur l’ensemble de son équipe (y compris les proches), c’est au total une vingtaine de personnes qui ont été touchées par le coronavirus. Deux militants sont décédés.

La jeune femme n’oubliera sans doute jamais : « Je me suis sentie responsable, je ne dors plus depuis le 16 mars. » Elle a déposé plainte contre le gouvernement pour avoir organisé ces élections en pleine épidémie.

Alors, repartir en campagne pour un second tour au mois de juin, si le gouvernement décidait d’opter pour cette date, pas question! Encore bouleversée par la « catastrophe humanitaire » qu’elle vient de traverser, Chafia Zehmoul ne cherche même pas à savoir ce qu’elle fera avec son score de 10,74 % qui l’autorise à se maintenir au second tour. « On va faire comment pour revoter en juin? s’alarme-t-elle. C’est bien trop tôt, c’est une aberration, car le coronavirus est encore là et je refuse même de remettre mes enfants à l’école. »

La crainte d’un dépouillement à « haut risque »

Dans la banlieue parisienne, cet élu de gauche est lui aussi en colère. Du strict point de vue politique, il aurait pourtant tout intérêt, souligne-t-il, à un second tour en juin. La raison est simple : maire adjoint sortant d’une importante commune proche de Paris, notre homme n’a raté avec sa liste que de quelques points, le 15 mars, sa réélection dès le premier tour. Le second tour devrait être une formalité. Il n’est pourtant pas favorable à un retour aux urnes dès juin.

« Le 15 mars, il n’y avait encore en France qu’une centaine de morts et 5000 contaminés et malgré cela trois personnes qui ont participé au dépouillement dans notre ville ont été contaminées, dit-il. En juin, on en sera à près de 30 000 morts, le virus toujours là et le ministère de l’Intérieur n’a pas encore évoqué le moindre protocole sanitaire pour procéder à un dépouillement qui sera à haut risque. »

Chargé de défendre six plaintes représentant une soixantaine de plaignants sur la base de l’article 123-7 du Code pénal (« entrave aux mesures d’assistance »), l’avocat Nabil Boudi assure que le gouvernement, en s’abstenant de reporter un vote qui a soumis les candidats à un risque qu’il connaissait, s’expose lui-même à une sanction pénale. « Les Britanniques, eux, ne se sont pas posés de question et ont décidé de reporter leurs élections municipales à l’année prochaine », souligne-t-il. Tout en assurant que ses clients, « encore traumatisés par ce qu’ils ont vécu, sont bien sûr très hostiles à un second tour en juin. »

« On peut organiser un deuxième tour sécurisé »

Mais d’autres politiques ne sont pas de cet avis. Le président de LR, Christian Jacob, a ainsi été clair : « Si on est capables d’ouvrir les écoles, les collèges, les lycées, les commerces, je ne vois pas au nom de quoi le deuxième tour ne pourrait pas se tenir en juin ! »

Tout en précisant attendre l’avis du conseil scientifique, Rémi Féraud, président du groupe PS au Conseil de Paris, partage le même point de vue. « Oui, il n’aurait pas fallu tenir le premier tour dans les conditions où on l’a tenu. Cependant, il ne faut pas regarder l’épidémie dans le rétroviseur, mais en perspective. Avec des précautions comme le gel, les masques et les gestes barrière, on peut organiser un 2e tour sécurisé en juin. »

En attendant la décision du gouvernement sur la date du second tour, la Cour de justice de la République a commencé à instruire les plaintes déposées par les élus frappés par le coronavirus.

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