Municipales à Paris : pourquoi Macron s’est-il mêlé du duel Griveaux-Villani ? – Le Parisien

Affront. Offense. Et même injure. Voilà les substantifs utilisés ce lundi matin pour décrire la scène étrange qui s’est déroulée dimanche soir à l’Elysée. Le chef de l’Etat dégage une heure dans son agenda pour recevoir Cédric Villani, le candidat dissident à la mairie de Paris, qui, depuis début septembre, plombe les chances de la République en Marche et de son champion désigné, Benjamin Griveaux. Plombé, alors que depuis des mois on disait la capitale prenable, voire acquise, tant la maire actuelle était devenue impopulaire et tant le parti du président avait réalisé des scores canons à Paris lors de la présidentielle, des législatives et même des européennes.

Une heure d’échange sous les ors du palais de l’Elysée pendant laquelle Emmanuel Macron demande à Cédric Villani de se ranger derrière Benjamin Griveaux. Le dissident attend quelques minutes à peine, puis se jette sur les micros les plus proches pour réaffirmer sa volonté d’aller au bout tout en actant une « divergence majeure » avec le chef de l’Etat. Ce qui, sous la Ve République, est une démarche à la fois rare et pouvant justifier une sanction politique. D’ailleurs, il était en passe d’être exclu du parti macroniste ce lundi matin. Sauf qu’au passage l’autorité du président est au minimum écornée, au pire purement et simplement bafouée. Alors pourquoi diable Emmanuel Macron a-t-il mis en scène cette convocation sans avoir, au préalable, l’assurance qu’elle serait couronnée de succès?

Des monstres

Il y a trois raisons pour expliquer une situation aussi inconfortable. D’abord, le problème avec le darwinisme, si cher à Emmanuel Macron, c’est qu’il crée des monstres. Au mois de septembre lorsque Cédric Villani est passé à l’acte, le chef de l’Etat a choisi d’attendre. Son parti avait désigné son candidat : l’un de ses grognards, l’un de ses plus fidèles lieutenants, l’un des « mormons » qui ont fait la campagne de 2017, puis porté la parole du gouvernement… Et pourtant Macron ne dit rien pour affirmer publiquement son soutien à Benjamin Griveaux.

Il y a bien eu cette sortie devant les parlementaires macronistes dans les jardins du ministère des relations avec le Parlement mi-septembre : « Quand certains disent que les commissions nationales d’investitures sont illégitimes, ils oublient qu’ils en sont issus », avait déclaré le président, ajoutant : « Ce qui est mortel en politique, c’est la division. » Nous avions tous bien compris que c’était Cédric Villani qui était durement visé. Sauf que dans la foulée, le cabinet du président envoie un SMS à l’intéressé affirmant le contraire, et Cédric Villani de le rendre évidemment public sans attendre.

Résultat : l’ambiguïté demeure et on comprend qu’Emmanuel Macron préfère laisser les sondages faire le travail à sa place. Problème : l’écart ne se creuse pas clairement au fil des semaines entre les frères ennemis. Et Villani se sent conforté dans son aventure. Le problème avec le darwinisme, c’est qu’il crée des monstres, on vous dit !

Deux idées mortifères

Alors pourquoi faire maintenant ce qu’il aurait dû faire dès le mois de septembre ? Parce qu’en attendant de longues semaines, Emmanuel Macron a laissé s’installer deux idées mortifères. La première : qu’il ne soutenait pas Benjamin Griveaux. La seconde : qu’il n’accordait, au fond, pas grande importance aux élections municipales dans leur ensemble. Mortifère parce que lorsque vous dites à votre électorat que vous ne soutenez pas réellement votre champion et que, de surcroît, vous vous fichez un peu de l’élection elle-même, eh bien l’électeur reçoit le message cinq sur cinq et a tendance à opter pour la seule solution rationnelle, voter pour quelqu’un d’autre.

Voilà pourquoi Emmanuel Macron n’avait plus le choix. A force d’attendre, il s’est retrouvé contraint d’intervenir, mais trop tard, et avec un effet peut-être positif pour Benjamin Griveaux, mais sûrement néfaste pour lui-même et son autorité.

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