Municipales à Paris : Agnès Buzyn, une médecin rattrapée par la politique – Le Parisien

C’était il y a 17 mois, et ce 17 septembre 2018, Samir Mesbahy avait eu le nez creux. Dans les locaux du Parisien-Aujourd’hui en France, réuni avec cinq autres lecteurs autour d’Agnès Buzyn, ce médecin hospitalier avait tenu à ajouter au vaste entretien une toute dernière question : « La Parisienne que vous êtes va-t-elle se présenter à la mairie de Paris? » Avec une mine mi-surprise, mi-flattée, la ministre de la Santé avait laissé de la liberté à son destin : « Sincèrement, je n’ai aucune idée de ce que je ferai après mon ministère et ça n’a aucune importance. Ma carrière a été tellement différente de ce que je projetais que j’ai arrêté de faire des plans sur la comète. »

A la galaxie des possibles, la médecin de 58 ans a finalement choisi ce dimanche celle de la politique. Un domaine dans lequel l’ancienne belle-fille de Simone Veil est novice, elle qui n’a jamais été confrontée aux urnes. « Et alors ? Cela ne l’empêche pas d’être la candidate idéale pour Paris, rétorque Yann Bubien, l’actuel directeur général du CHU de Bordeaux qui fut au ministère son directeur de cabinet adjoint pendant plus de deux ans. Elle est compétente, bosseuse, bienveillante, parle anglais couramment… » défend-il, sans tarir d’éloges.

D’autres sont beaucoup moins tendres. « Échec » par ici, « délirant », par là… « Quelle irresponsabilité », s’étrangle le sénateur écologiste (soutient d’Anne Hidalgo) et médecin généraliste Bernard Jomier, pointant le départ d’une ministre sous les feux des projecteurs, en pleine crise mondiale du coronavirus, auquel elle devait consacrer une grande réunion le matin du 18 février, au 7e étage du 14 avenue Duquesne où elle a(vait) son bureau.

«C’est une sacrée technicienne»

C’est là qu’Agnès Buzyn s’est fait connaître du grand public, en mai 2017 en se voyant offrir le très beau et très large portefeuille des Solidarités et de la Santé. Mais la quinqua à l’allure sage, n’avait pas attendu l’élection d’Emmanuel Macron pour gravir de prestigieux étages. La professeure Buzyn (comme en témoigne la plaque encore apposée sur son ancien bureau de l’hôpital Saint-Antoine, à Paris), hématologue reconnue par ses pairs, fut tour à tour à la tête d’instituts importants, comme celui de sûreté nucléaire (IRSN) ou de lutte contre le cancer (Inca) puis présidente de la Haute autorité de santé (HAS), avant de devenir ministre.

« C’est une sacrée technicienne », disent en chœur ceux qui la côtoient. « Une technocrate, plutôt! Elle préfère les institutions au terrain », réplique Hugo Huon, infirmier et président du collectif Inter-Urgences, reconnu comme l’un des initiateurs du grand mouvement de grève qui secoue l’hôpital public depuis près d’un an.

Des crises, cette fan de rock et de métal (son groupe préféré est Linkin Park), en a connues de nombreuses depuis son entrée sur la scène gouvernementale : des urgences, de la psychiatrie, du Levothyrox… Sur le plan personnel, son mari Yves Lévy a fini par renoncer à briguer un nouveau mandat à la tête de l’Inserm après le déclenchement d’une polémique sur le risque de conflit d’intérêts avec le ministère occupé par son épouse.

Un capitaine qui abandonne son navire en pleine tempête

Agnès Buzyn, c’est aussi celle qui, dès son arrivée, a réussi le tour de force de passer à onze le nombre de vaccins infantiles obligatoires pour lutter notamment contre le retour de la rougeole. Ou encore de dérembourser l’homéopathie, une mesure qui sera totalement effective le 1er janvier 2021. « Elle a géré deux canicules de main de maître », poursuit Yann Bubien.

« Tous ses dossiers, elle les a menés avec talent, attention, écoute », abondait ce dimanche le député Olivier Véran, devenu quelques heures plus tard… son successeur. Mais pour Hugo Huon, le compte n’y est pas. « Elle est le capitaine de bateau qui abandonne son navire en pleine tempête. » L’avenir dira si la médecin a eu raison de se piquer à ces nouveaux vents.

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