Mr. Mercedes : une adaptation en demi-teinte
Mr. Mercedes est le premier volet d’une trilogie de Stephen King, mettant en scène Bill Hodges, Jerome Robinson et Holly Gibney. Si le roman est très bien écrit, son adaptation en série n’est pas exactement une réussite.
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Une trame trop éloignée du roman
J’aime beaucoup Stephen King et je pense avoir vu la plupart des adaptations cinématographiques ou télévisuelles qui ont été faites de ses romans. Quand j’ai vu que Mr. Mercedes allait être disponible sur Disney+, je me suis précipitée dessus (ndlr. dispo aussi sur Prime).
J’ai eu du mal à venir à bout des 10 épisodes de la première saison et je n’ai pas réellement commencé la deuxième. En premier lieu, les scénaristes se sont beaucoup trop éloignés de l’histoire originale. La trame est identique, mais certains détails ont été rajoutés, dénaturant l’idée générale du roman. Ainsi, la voisine qui drague Bill Hodges n’apparaît pas dans le roman et on se demande à quoi elle sert dans la série.
Dans le roman, Jerome est décrit comme beau et grand. Sans vouloir faire offense à Jharrel Jerome, il n’est pas beau. Sa sœur Barbara n’apparaît quasiment pas dans la série, alors qu’elle est un des personnages essentiels dans l’intrigue. La fin est différente entre la série et le roman et on peut supposer qu’adapter strictement la fin du roman aurait coûté trop cher à la production. Mais, il n’empêche que cela est dommage de l’avoir changé.
Si Barbara est injustement éclipsée dans la série, Lou Linklatter et le supérieur hiérarchique de Brady Hartsfield ont une place bien supérieure à celle accordée dans le roman original, où ils font surtout de la figuration. C’est pourquoi on peut parler d’adaptation en demi-teinte. Les scénaristes se sont trop éloignés du roman.
Geekeries inutiles
La place accordée à l’informatique est aussi plus importante dans la série que dans le roman. Dans le roman, Bill reçoit une lettre manuscrite de la part de Mr. Mercedes. Dans la série, il reçoit un email, avec une vidéo GoPro du massacre au City Center. La vidéo s’efface après le visionnage, rendant impossible toute récupération d’information.
Cela est possible sur WhatsApp. La messagerie propose une fonctionnalité « view once » qui permet d’effacer automatiquement les vidéos après qu’elles ont été visionnées. Il existe aussi des liens expirables ou des services tiers. Mr. Mercedes ou plutôt Brady Hartsfield est très doué en informatique donc, on peut partir du postulat qu’il a codé son propre outil. Mais, cela n’était pas nécessaire.
Globalement, l’histoire originale est bien pourvue en geekeries et c’est grâce à Jerome puis à Holly que Bill arrive à mettre la main sur Brady. Là encore, tout n’a pas vraiment été respecté. Jerome n’apparaît pas comme un grand professionnel de l’informatique, alors qu’il est décrit ainsi dans le roman et c’est bien dommage. Tout comme la surabondance de piratages en tout genre, pour tenter de faire perdre l’esprit à Bill Hodges.
Surtout, l’insertion des vidéos du massacre du City Center n’est pas indispensable. C’est brutal et inutile. Bill Hodges pense déjà au suicide avant que Brady ne vienne le narguer. Cet ajout ne fait que rendre la série plus glauque.
Jeu de miroirs
L’histoire — dans la série et le roman — commence par un massacre. Nous sommes dans une ville de l’Ohio, ravagée par le chômage en raison de la crise économique de 2008. Un forum de l’emploi s’ouvre en ville, avec un slogan alléchant « des emplois garantis pour tous ». Pour être sûrs de décrocher un poste, les chômeurs commencent la file d’attente au milieu de la nuit.
Les heures s’égrènent, les chômeurs grelottent dans le froid, ne tenant que par l’espoir de trouver un travail, qui va leur permettre de ne pas perdre leur maison, de nourrir leur famille, de ne pas sombrer dans la délinquance, de retrouver un peu de dignité.
Là-dessus, débarque Mr. Mercedes avec sa grosse voiture et il fonce dans le tas. C’est en cela que l’histoire est une histoire d’horreur. La violence est arbitraire, brutale et purement gratuite. Mr. Mercedes ne s’en prend pas à des gens qui ont fait de mauvaises choses ou qui sont puissants. Il s’en prend à des « misérables » et fondamentalement, des gens qui lui ressemblent.
Ce qui est dommage est que la série ne s’attarde pas sur les raisons profondes de l’acte de Mr. Mercedes. C’est beaucoup plus transparent et explicite dans le roman. On comprend comment et pourquoi il bascule. Cela ne l’est pas dans la série, peut-être parce qu’elle est trop longue. En s’attardant sur des détails sans intérêt et en insérant des éléments qui n’étaient pas présents dans l’histoire originale, on perd la psychologie du personnage. Or, il était essentiel de la mettre en avant parce qu’elle fonctionne en miroir avec Bill Hodges. La série laisse croire que Bill pense au suicide parce que Mr. Mercedes prend contact avec lui alors que c’est l’inverse. Paradoxalement, c’est Mr. Mercedes, en s’approchant inéluctablement de la mort qui en éloigne Bill.
Cahier des charges ?
L’histoire en elle-même est glauque. Il n’y a que deux éléments lumineux dans l’histoire : Janey et Jerome. Janey disparaît malheureusement. Quant à Jerome, il est dommage de l’avoir relégué dans un coin en lui faisant perdre tout l’humour et la bonne humeur qu’il incarne dans le roman.
On a l’impression que les scénaristes ont donné cette caractéristique à Ida dans la série, alors que ce personnage n’existe pas du tout dans le roman. Il y a bien une voisine un peu farfelue, mais elle apparaît en pointillés, sans être un élément important.
Par ailleurs, la série traîne en longueur. Certains aspects sont inutilement développés et n’apportent rien à l’histoire. On a la sensation que les scénaristes avaient un cahier des charges indiquant qu’il fallait absolument faire dix épisodes par saison et qu’ils ont cherché avec quoi remplir les trous.
Doit-on laisser sa chance à Mr. Mercedes ? En fait, il est probable que cette série puisse plaire aux personnes qui n’ont pas lu les romans mettant en scène Holly Gibney. Si vous avez dévoré Mr. Mercedes, Carnets Noirs et Dernière Ronde, vous risquez d’être assez déçu par le résultat final. Notons également que la photographie beaucoup trop sombre de la série rend son visionnage assez difficile. Quant aux vidéos du massacre du City Center, elles sont déjà brutales et dans le contexte que nous connaissons actuellement, il est possible qu’elles soient trop difficiles à regarder.
Zapping Décrypté vous souhaite un joyeux Halloween.