Moscou espère pouvoir tirer profit de l’offensive turque dans le Nord syrien – Le Monde

La Russie pense pouvoir renforcer sa position dominante dans le règlement du conflit et favoriser un rapprochement des Kurdes avec Damas.

Par Publié aujourd’hui à 20h39, mis à jour à 21h01

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Le président turc Recep Tayyip Erdogan et son homologue russe Vladimir Poutine, le 16 septembre à Ankara.

En se proposant comme médiateur dans la crise, Moscou espère renforcer sa position dominante dans le dossier syrien. « Nous allons désormais défendre la nécessité d’établir un dialogue entre la Turquie et la Syrie », a affirmé jeudi 10 octobre Sergueï Lavrov, le ministre des affaires étrangères russe, tout en disant « comprendre l’inquiétude de la Turquie concernant la sécurité de ses frontières ». Dans un premier temps, Moscou s’était contenté de timides appels à la retenue, M. Poutine conseillant notamment à son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, de « bien réfléchir », lors d’un entretien téléphonique mercredi.

« La situation actuelle a tout pour renforcer Moscou, assure Alexandre Choumiline, directeur du Centre d’études sur le Moyen-Orient de l’Académie des sciences de Russie. La Russie sait tirer parti des erreurs des autres et prendre les espaces laissés vides, comme en 2013 après la décision de Barack Obama de ne pas frapper Damas [en dépit des “lignes rouges” fixées par les Etats-Unis]. Aujourd’hui, Washington est à nouveau en retrait et en position de faiblesse. Quant à la Turquie, elle va se retrouver de plus en plus isolée. »

Quand bien même les intérêts d’Ankara et de Moscou sont divergents sur la Syrie et leurs relations fluctuantes, la Russie peut ainsi se réjouir de voir une nouvelle faille se creuser entre Turcs et Américains, alliés au sein de l’OTAN. La décision turque de se munir du système de défense aérienne russe S-400 avait déjà provoqué une crise entre les deux pays, à l’été.

La priorité russe reste toutefois de protéger son allié Bachar Al-Assad, à Damas, et d’étendre le territoire contrôlé par ce dernier. Les derniers développements dans le nord du pays pourraient offrir là aussi une fenêtre d’opportunité. Moscou n’a jamais rompu le contact avec les groupes kurdes, essayant de les convaincre d’accepter une tutelle de Damas. La méfiance des Kurdes et l’intransigeance de Damas quant au degré de souveraineté accordé aux zones kurdes ont jusque-là fait échec à ce projet, mais la pression mise par l’offensive turque pourrait changer la donne. Sergueï Lavrov a ainsi affirmé, jeudi, vouloir établir des contacts entre Damas et les organisations kurdes.

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Les risques d’une déstabilisation rapide

« Les Kurdes sont pour Moscou une variable d’ajustement utile, comme ils le sont pour Washington, estime encore M. Choumiline. Et, dans la situation actuelle, Moscou est prêt à les abandonner face à des intérêts supérieurs. Ce fut déjà le cas début 2018 à Afrin, quand les forces russes ont laissé les YPG dans la ville face à l’opération turqueBouclier de l’Euphrate. »

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