Mort d’un livreur à Paris : l’autopsie fait état d’«une fracture du larynx», la famille dénonce les policiers – Libération

«Je suis le père de Cédric Chouviat, on a assassiné mon fils. Emmanuel Macron, je vais en guerre contre vous, contre votre Etat.» Deux jours après le décès du coursier de 42 ans à Paris, à la suite d’un contrôle de police, les avocats et la famille de la victime ont tenu une conférence de presse ce mardi. Ils ont annoncé avoir porté plainte pour «violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique ayant entraîné la mort sans intention de la donner». Quelques heures plus tard, le parquet de Paris a annoncé l’ouverture d’une information judiciaire, du chef «d’homicide involontaire».

Samedi, Arié Alimi, avocat de la famille Chouviat, lance un appel à témoin sur les réseaux sociaux. L’idée est de rassembler le maximum de témoignages et de vidéos de la scène. Or, il est très rapidement en mesure de dresser une chronologie des événements qui, selon lui, «mène vraisemblablement Cédric à la mort». «Ce qui est sûr, reprend l’avocat, c’est qu’elle ne correspond en rien à la communication officielle de la police.» Une version «inexacte» qui a pour «intention d’induire en erreur non seulement la famille, mais aussi l’opinion publique», insiste Me Alimi. Contactée par Libération, la préfecture de police de Paris n’a pas donné suite à nos sollicitations.

«Irrespectueux et agressif»

Vendredi, vers 9h30, Cédric Chouviat s’engage en scooter sur quai Branly (XVarrondissement). A l’intersection de l’avenue Suffren, il est arrêté pour un contrôle de police. Selon les policiers, il téléphonait en conduisant. «Peu probable, rétorque Arié Alimi, puisqu’il porte alors un casque avec un micro intégré.» Une source policière affirme à l’AFP que l’homme de 42 ans se braque. «[Cédric Chouviat] a eu un ton irrespectueux et agressif […], il s’est mis à insulter les policiers, qui ont décidé de l’interpeller pour outrage. Il a résisté lors de l’interpellation et a fait un malaise cardiaque.»

A l’appui de vidéos filmées par des automobilistes et des passants, Arié Alimi oppose un tout autre récit. Sur l’une d’entre elles, diffusée lors de la conférence de presse, on y voit Cédric Chouviat filmer les policiers. «D’après plusieurs témoins, c’est à ce moment qu’un officier le saisit par le cou et le fait tomber au sol», poursuit le conseil. Dans une deuxième vidéo, ce père de cinq enfants, encore casqué, est au sol, face contre terre, écrasé par trois fonctionnaires. Cette pratique porte un nom : le placage ventral ou décubitus ventral. Elle est largement décriée pour sa dangerosité. Malgré des signes d’épuisement, les policiers maintiennent le livreur au sol. Quelques minutes plus tard, ils comprennent que le visage de Cédric Chouviat est bleu : il est en arrêt cardiaque. Inconscient, il est emmené à l’hôpital Georges-Pompidou. Et décède dans la nuit de samedi à dimanche.

«Une technique d’immobilisation létale»

Mardi, les premiers éléments de l’autopsie communiqués au parquet faisaient état d’une «manifestation asphyxique avec une fracture du larynx». Toutefois, les médecins relèvent «un état antérieur cardiovasculaire». Dans les prochaines heures, des investigations médico-légales complémentaires seront diligentées pour préciser ces premiers résultats. Lors de l’instruction, les juges devront déterminer un éventuel lien de causalité entre l’intervention policière et le décès du coursier. Mais d’ores et déjà, les avocats de la famille dénoncent le recours au placage ventral, une pratique «dangereuse, interdite dans plusieurs pays européens», à l’origine du décès d’Adama Traoré en 2016. Ce mardi soir, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a réagi auprès de l’AFP aux premiers éléments de l’autopsie, considérant qu’ils «soulèvent des questions légitimes, auxquelles des réponses devront être apportées en toute transparence».

En France, le débat autour du plaquage ventral est ancien. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné l’Hexagone en 2007 dans une affaire similaire. En 2011, Amnesty International dénonçait les dangers de ce geste, répertoriant cinq décès entre 2004 et 2009. En février dernier, une proposition de loi déposée par La France insoumise demandait, elle, l’interdiction de cette «technique d’immobilisation létale.» Toutefois, l’Assemblée nationale l’a rejeté. «Le gouvernement n’a pas envie de se mettre les policiers à dos, dénonce Arié Alimi. En plus, les syndicats font pression. Finalement, la parole du policier est plus importante que la sécurité du citoyen.»
Donia Ismail

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