Mort du comédien Roger Carel : il était une voix – Le Parisien

Une voix pour raconter toute une vie. Probablement la vôtre. La nôtre. Celle de nos émotions d’enfant dans les dessins animés, puis d’adolescent ou d’adulte découvrant et revoyant des classiques américains, avec toujours sa voix. On ne la reconnaissait pas toujours d’un film à l’autre car il savait la modeler comme de la pâte à modeler verbale justement, montant très haut pour slalomer dans les aigus, mais une fois qu’on sait, c’est presque un choc : sa voix était là, tout le temps.

Roger Bancharel, dit Carel, est décédé le 11 septembre à l’âge de 93 ans. Une information confirmée par son fils joint par Le Parisien, et par la mairie d’Aigre (Charente), où le comédien nous a quittés. « Nous n’avons pas souhaité communiquer sur son décès, pour préserver son épouse, fortement bouleversée. Nous ne souhaitions pas qu’elle soit assaillie de messages par les gens de la profession, ou des journalistes », explique son fils. Les obsèques du célèbre comédien ont eu lieu ce jeudi dans la plus stricte intimité familiale. Il reposera dans le caveau familial de Villejésus (Charente).

De Mickey Mouse à C-3PO de «Star Wars»

Roger Carel a énormément joué au théâtre et cinéma, mais c’est une légende du doublage. Un original de la version française. Astérix, c’est lui. Mickey Mouse, lui pendant longtemps. Kaa le serpent dans « Le Livre de la jungle » qui chante « Aie confiance… », encore lui. Comme Pongo des « 101 dalmatiens », et à la fois Roquefort la souris craintive et le chien Lafayette des « Aristochats ». Vous le remettez, ou plutôt vous la remettez ?

Encore des indices, comme on remonte le temps. Le robot C-3PO de « Star Wars » à la voix de majordome anglais et au maintien très raide, formant un duo comique avec l’autre robot petit gros R2-D2, vous vous souvenez de ce timbre élégant, amusant à force de courtoisie appuyée dans les situations les plus désespérées ou comiques ? Alf l’extraterrestre. Winnie l’Ourson mais aussi Porcinet et Coco Lapin car c’était une troupe à lui seul.

Choisi par Charlie Chaplin

Son empreinte vocale revient comme la bande originale de mille souvenirs. Un fil que l’on ne cesse de remonter, une bobine qui file dans les entrailles de la télé et ses trésors familiaux : Kermit la grenouille du « Muppet Show », Wally Gator, Mister Magoo, Maestro… Ce magicien traverse « Harry Potter » à travers le timbre français du professeur de potions Horace Slughorn.

Et les classiques ? Ce ton de Jack Lemmon, notamment dans « Certains l’aiment chaud » – même si quand le personnage doit prendre une voix de femme, Roger Carel a quand même dû se faire aider d’un deuxième doubleur – Peter Sellers dans toutes ses comédies dont « La Panthère rose », et le meilleur pour la fin, « Le Dictateur », quand Charlie Chaplin a décidé de refaire le doublage, et l’a choisi personnellement.

C’est du moins ce que Roger Carel a raconté, dans ses interviews et ses mémoires, « J’avoue que j’ai bien ri ». Il les a publiées à même pas 60 ans, en 1986. C’est que la carrière était déjà immense. Quasiment l’intégrale Disney, « le pactole » comme il disait.

Une « gueule »

Le grand prêtre du dessin animé voulait devenir curé, sa première vocation de petit séminariste. Quitte à prêcher, autant jouer : il apprend l’art du comédien aux côtés de Michel Piccoli et d’Anouk Aimée, fait ses classes au cours Simon, et se produit à la fois au théâtre et au cabaret, comme la génération des Poiret et Serrault. « Presque toute ma vie, j’ai dormi quatre heures par nuit », souriait cette voix que personne ne voulait entendre se taire.

C’est au théâtre qu’il est repéré pour ses capacités de doubleur, cette modulation de caméléon, une technique aussi. Il en parlait comme un musicien décryptant chaque note sur une portée. Il s’attribue des personnages, comme Hercule Poirot, qu’il double au cinéma avec Peter Ustinov, mais aussi dans ses incarnations télévisées. Jerry dans les différents films de Jerry Lewis aussi, même quand le personnage change de patronyme.

Bien sûr qu’il avait aussi un visage, et même une « gueule » comme on dit chez les comédiens. Il a joué Molière, Courteline et Feydeau, Ionesco, et plus de cent rôles au théâtre et à la télévision. On l’aperçoit dans le cinéma d’Audiard – « Elle cause plus… elle flingue » -, de Tchernia, d’Yves Robert. Dans les années 1980, il participe régulièrement aux Grosses Têtes de Philippe Bouvard, sur RTL, où il amuse la galerie par ses bruitages aux côtés de Jacques Martin. Homme de radio, encore. Et de culture. Le roi de la VF préférait regarder les grands films en VO. Ultime coquetterie d’un second rôle, à jamais le premier des doubleurs.

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