Mort de Zineb Redouane à Marseille : une expertise exonère le policier qui a tiré la grenade – Le Parisien

Pendant plus d’un an, ils ont visionné les moindres vidéos, analysé les angles de tir ou des traces de brûlures. Pourtant, le rapport balistique réalisé par deux experts devrait attiser la colère des proches de Zineb Redouane, cette femme de 80 ans morte le 2 décembre 2018 après avoir été atteinte, chez elle, la veille, par une grenade lacrymogène en marge d’une manifestation des Gilets jaunes à Marseille (Bouches-du-Rhône).

Selon les conclusions de ce rapport de 73 pages rendu le 20 mai et que nous avons pu consulter, « l’arme a été utilisée selon les préconisations et les procédures d’emploi en vigueur dans la police nationale ». Pour les experts, il n’y a ainsi « aucun argument permettant de dire que Mme Redouane ait pu être aperçue par le fonctionnaire de police lors du départ du coup de feu. » Et de conclure que la grenade « a atteint la victime de manière totalement accidentelle, au cours de la progression ascensionnelle du projectile ».

Le 1er décembre 2018, pour l’acte 3 des Gilets jaunes, des manifestants défilent dans le centre de Marseille. L’ambiance est tendue, les CRS sont pris à partie et multiplient les tirs de grenades lacrymogènes. Au quatrième étage de son immeuble, Zineb Redouane ferme les volets de son appartement lorsqu’elle est heurtée par un projectile. Selon sa fille, avec qui elle était au téléphone, l’octogénaire assure alors avoir été visée par un policier.

Le lendemain, la retraitée décède au bloc opératoire de l’hôpital de la Timone. « Un choc opératoire », affirme alors le procureur de Marseille. Depuis, l’avocat de la famille, Me Yassine Bouzrou, a obtenu le dépaysement du dossier pour la « sérénité » de l’information judiciaire et « dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice ». Le magistrat qui avait été chargé du début de l’enquête avant qu’elle ne soit confiée à un juge d’instruction marseillais, le 4 décembre, était présent sur les lieux de la manifestation dans le cadre de ses fonctions.

Une utilisation du Cougar «selon les règles d’usage»

Le rapport d’autopsie – qui n’a pas été transmis aux experts balistiques – évoque, de son côté, des « fractures de l’ensemble de l’hémiface droite » et des « fractures costales ». En se basant sur les photos de la victime et un rapport d’autopsie provisoire, les experts concluent que la grenade lacrymogène aurait donc frappé en premier le thorax de la victime, avant de lui percuter le menton. Une opinion accentuée par l’absence d’impact sur la fenêtre de l’appartement de la Marseillaise. Les nombreux clichés effectués pour leur mission leur permettent aussi de confirmer « l’explosion de la grenade à l’intérieur de l’appartement. » Une grenade qui, selon eux, « est entrée en contact avec la victime à une vitesse de 27 m/s, soit 97,2 km/h ».

Pourtant, malgré ces conclusions éloquentes, les experts semblent dédouaner le CRS à l’origine du tir d’une responsabilité dans la mort de l’octogénaire. Après avoir analysé de nombreuses caméras de vidéosurveillance, ils ont ainsi réussi à déterminer la position du tireur – qui, paradoxe, n’a toujours pas été identifié –, et donc la trajectoire du projectile qui a touché Zineb Redouane.

Selon eux, la grenade a en effet été tirée à 37 m de la victime, « avec une angulation d’environ 40° ». Les experts estiment ainsi que « l’utilisation du Cougar a été effectuée selon les règles d’usage ». Ils affirment aussi que vu la position du tireur, l’obscurité, les gaz lacrymogènes qui noyaient la rue, « il n’y a aucun argument permettant de dire que Mme Redouane ait pu être aperçue par le fonctionnaire de police lors du départ du coup de feu. »

L’avocat de la famille demande la radiation de l’expert

« Il s’agit d’un tir qui a atteint Mme Redouane dans sa phase montante, c’est donc un tir tendu face à un immeuble d’habitation. Comment peut-il être considéré comme réglementaire ?, réagit Me Yassine Bouzrou, l’avocat de la famille. « Nous allons demander la radiation de l’expert. Nous avions raison de considérer qu’il était impossible, dans ce dossier, d’obtenir justice à Marseille à la suite des propos mensongers de l’ancien procureur », estime-t-il.

« Nous espérons que les juges lyonnais traiteront ce dossier en toute indépendance, insiste l’avocat. Tous les mensonges, dissimulations de preuves et les faux en écritures publiques dans ce dossier constituent une association de malfaiteurs en vue d’exonérer le policier qui a tué Zineb Redouane. » Un policier qui ne s’est toujours pas manifesté auprès de sa hiérarchie ou de l’Inspection générale de la police nationale.

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