Mort de Ruth Bader Ginsburg : quel est le rôle de la Cour suprême des États-Unis ? – Le Figaro

«Parmi les trois pouvoirs, le président peut faillir sans que l’État souffre, parce que le président n’a qu’un pouvoir borné. Le Congrès peut errer sans que l’Union périsse. Mais si la Cour suprême venait à être composée d’hommes imprudents ou corrompus, la Confédération aurait à craindre l’anarchie ou la guerre civile», résumait ainsi Alexis de Tocqueville en 1848, dans son ouvrage De la démocratie en Amérique.

Vendredi 18 septembre, la doyenne de la Cour suprême, Ruth Bader Ginsburg, s’est éteinte à l’âge de 87 ans, emportée par un cancer du pancréas. Nommée en 1993, la juge «dissidente» était devenue l’icône des progressistes Outre-Atlantique. Les hommages populaires se sont multipliés à Washington, devant le siège de la Haute Cour.

La disparition de la juge «RBG», comme elle avait été surnommée, laisse ainsi vacant un poste doté de grands pouvoirs. Comment fonctionne l’institution-clé de la politique américaine ? Faisons le point.

Quels sont le pouvoirs de la Cour suprême ?

«Justice égale selon la loi» («Equal Justice under Law»), telle est la devise de la Cour suprême des États-Unis. Fondée en 1789, elle est la plus haute juridiction du pays. La Cour suprême a pour mission de trancher en dernier recours, pour ou contre, des décisions prises au sein d’un des cinquante États du pays ou par l’État fédéral.

C’est un élément fondamental de l’équilibre des pouvoirs dans le pays. L’institution-clé de la politique américaine doit en outre statuer sur la conformité des textes de loi, décrets présidentiels ou décisions, avec la Constitution américaine de 1787. Elle est au sommet de la hiérarchie juridictionnelle fédérale. Tous ses jugements sont rendus, à la majorité, sans l’opportunité d’y faire appel. Chaque année, l’institution se prononce environ sur une centaine de cas.

La Haute Cour tient un rôle primordial dans les débats de sociétés. Ce tribunal de dernier ressort a le pouvoir de statuer dans la définition des droits des libertés comme le droit à l’avortement, le mariage homosexuel, l’immigration, le port d’armes ou encore le réchauffement climatique. Par ailleurs, elle modèle à long terme le fonctionnement institutionnel des États-Unis, en se prononçant sur les pouvoirs du président, le financement des campagnes électorales et sur le droit de vote.

Qui nomment les juges de cette institution-clé ?

La jurisprudence de la Cour suprême a des conséquences importantes aux États-Unis. Neuf magistrats fédéraux (les «Justice») siègent à la Cour suprême, dont un faisant office de président (le «Chief Justice»). Ces juges sont nommés à vie par le président des États-Unis, avant le consentement du Sénat.

Le processus de nomination des juges est teinté de politique. Parmi les juges occupant actuellement un siège à la Cour, cinq ont été nommés par des présidents républicains et quatre par des démocrates. Depuis le début de son mandat, le président Donald Trump a nommé deux juges conservateurs : Neil Gorsuch en 2017 et Brett Kavanaugh en 2018.

Les juges de la Cour occupent leur fonction aussi longtemps qu’ils le souhaitent. À l’instar du président américain, ces magistrats ne peuvent être écartés par le Congrès qu’après une procédure de destitution («impeachment»). Aucune juge n’a été évincée par une telle procédure à ce jour.

Quel enjeu pour la présidentielle américaine ?

Dans plusieurs décisions emblématiques rendues en juin-juillet 2020, la position progressiste a prévalu. À titre d’exemple, la Cour suprême a récemment voté en faveur des droits LGBTQ+. Le droit fédéral proscrit désormais la discrimination au travail fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Un sérieux revers pour le président Donald Trump, qui affichait clairement ses réticences. Par ailleurs, une autre décision rendue au mois de juin, a déclaré inconstitutionnelle la loi de Louisiane imposant des conditions pratiquement impossibles à remplir pour les docteurs qui pratiquent des avortements.

La nomination d’un nouveau juge pourrait alors avoir une incidence sur le droit américain. La disparition de Ruth Bader Ginsburg donne au président Donald Trump l’occasion d’ancrer solidement la Cour à droite. À travers la nomination d’un juge à la Cour suprême, les présidents pensent à la place qu’ils laisseront dans l’Histoire, en espérant ainsi que leurs politiques continueront de vivre au-delà de leur mandat.

Dans les prochaines semaines, une bataille politique devrait s’engager entre administration Trump et les démocrates américains. Ces derniers espèrent que le futur juge soit nommé après la présidentielle du 3 novembre. Un souhait qu’avait notamment émis Ruth Bader Ginsberg, peu avant sa disparition.

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