Mobilisation pour l’hôpital à Paris : Pourquoi une infirmière a-t-elle été interpellée pendant la manifestation ? – 20 Minutes

Des violences ont éclaté en marge de la manifestation des soignants — ESTELLE RUIZ / HANS LUCAS / AFP
  • Une infirmière fait partie des 31 personnes interpellées en marge de la manifestation des soignants.
  • Son interpellation a suscité de nombreuses réactions.
  • Un nouveau rassemblement est prévu ce mercredi à 16 heures devant le commissariat du 7e arrondissement de Paris.

La scène a été filmée sous différents angles. Mardi après-midi, alors que la manifestation des soignants est sur le point de s’achever, une femme vêtue d’une blouse blanche a été interpellée sans ménagement par des policiers puis maintenue au sol par plusieurs policiers.

Après avoir passé près de 24 heures en garde à vue, cette infirmière en gériatrie est convoquée le 25 septembre devant le tribunal correctionnel de Paris pour « outrage sur personne dépositaire de l’autorité publique »,« rébellion » et « violence sur personne dépositaire de l’autorité publique » n’ayant pas entraîné d’incapacité temporaire de travail (ITT), a-t-on appris auprès du parquet. Des vidéos la montrent, en effet, jeter ce qui semble être des morceaux de bitume en direction des forces de l’ordre. 20 Minutes fait le point sur cette affaire.

Du doigt d’honneur à l’interpellation

Les différentes vidéos, dont certaines sont devenues virales sur les réseaux sociaux, permettent de reconstituer précisément le déroulé de cette séquence. A 16h50, le journaliste de Civicio, qui se présente comme un « média ardent et indépendant », filme cette femme vêtue d’une blouse blanche, Farida, s’approcher d’un groupe de CRS et de policiers de la préfecture de police en faction aux abords de la place des Invalides (A 3h47 sur cette vidéo). Elle leur fait un doigt d’honneur, s’éloigne quelques instants, ramasse des morceaux de bitume et les jette à deux reprises en direction des forces de l’ordre. A cette heure-ci, cela fait près d’une heure que des violences ont éclaté en marge de la manifestation des soignants. Dans la foule, on aperçoit quelques blouses blanches mais également de nombreux individus tout de noir vêtus.

Cinquante secondes plus tard, sur la même vidéo, on voit les forces de l’ordre mener une charge et très rapidement quatre fonctionnaires l’interpellent brutalement. « C’est musclé parce qu’ils vont la chercher au sein d’un groupe violent », assure une source au sein de la préfecture. Et d’insister : « Au moment de son interpellation, cette femme est clairement identifiée comme ayant participé à ces violences. » La suite de l’interpellation est filmée par le journaliste de Brut, Rémy Buisine. Sur ces images, on voit très nettement la soignante traînée au sol sur les genoux sur plusieurs mètres par l’un des fonctionnaires. Le journaliste affirme qu’elle a été attrapée par les cheveux, les policiers, eux, indiquent avoir saisi la lanière de son sac à dos. La scène, brève et un peu floue, ne permet pas d’être catégorique sur l’une ou l’autre de ces affirmations.

Alors qu’elle est assise de force au pied d’un arbre, un homme, probablement un policier en civil, intervient : « Pas de violence, on est filmés », glisse-t-il. Rapidement, une petite dizaine de fonctionnaires encerclent la soignante pour la menotter alors qu’elle réclame sa ventoline. « On va vous mettre à l’abri des gaz, on va vous la donner », répond l’un d’eux après cinq ou six demandes. Au total, l’interpellation dure un peu plus de deux minutes. « C’est long pour une interpellation, reconnaît cette même source au sein de la préfecture. Mais pour moi, il n’y a aucune violence visible. Peut-être que ces policiers se savent filmés et qu’ils prennent toutes les précautions. » Farida, la seule soignante interpellée parmi les 31 personnes qui le furent au cours de la manifestation parisienne – 27 ont été placées en garde à vue – repart néanmoins vers le commissariat avec une plaie au niveau du front. Sur le chemin, alors qu’elle tente de donner son nom, un policier lui met brièvement la main sur la bouche pour l’empêcher de parler, avant de se raviser.

Rassemblement de soutien

Quelles qu’en soient les circonstances, l’interpellation d’une infirmière après la crise du Covid a particulièrement choqué l’opinion. « Cette femme, c’est ma mère. 50 ans, infirmière, elle a bossé pendant 3 mois entre 12 et 14 heures par jour. A eu le Covid. Aujourd’hui, elle manifestait pour qu’on revalorise son salaire, qu’on reconnaisse son travail. Elle est asthmatique. Elle avait sa blouse. Elle fait 1m55 », s’est indignée sa fille sur Twitter. Et de préciser : « Rien ne justifie de TOUTE FAÇON une telle interpellation. Pas quand on est désarmée, pas en blouse, pas quand on fait 1m55, pas face à autant de robocop. »

Si certains internautes ont mis en doute sur les réseaux sociaux la profession de cette femme, une source judiciaire a confirmé à 20 Minutes sa qualité d’infirmière. Selon Benjamin Amar, porte-parole de la CGT et figure du syndicat dans le Val-de-Marne, la quinquagénaire travaille depuis près de 17 ans au sein de l’assistance publique. « Elle est actuellement en gériatrie au CHU Paul Brousse, elle a un parcours professionnel exemplaire, elle a travaillé non-stop pendant le Covid et maintenant qu’elle crie sa colère, elle est traînée par terre, violentée », déplore le syndicaliste. Une nouvelle manifestation est prévue devant le commissariat à 16 heures ce mercredi. Contacté, son avocat n’a pas souhaité réagir.

Le responsable de l’unité de police a, de son côté, déposé une plainte dans la matinée pour « outrage », « rebellion » et « participation à un attroupement en vue de commettre des violences ».

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