Meurtre d’Élodie Kulik : «Je ne sais pas, je n’y étais pas», clame Willy Bardon – Le Parisien

« Quand est-ce que vous allez m’entendre? Parce que là, les ragots, ça commence à me peser… » Il est pour le moins inhabituel qu’un homme suspecté de meurtre contacte de lui-même les enquêteurs. C’est pourtant ce qu’a fait Willy Bardon en 2012, alors que les membres de son entourage étaient interrogés, les uns après les autres. La conversation téléphonique, diffusée mercredi 4 décembre lors du procès devant la cour d’assises de la Somme, laisse une drôle d’impression.

Cet homme de 45 ans y est jugé depuis le 21 novembre. Il est accusé d’avoir tué et violé Élodie Kulik en janvier 2002, en compagnie de son ami d’alors, Grégory Wiart, identifié tardivement par son ADN, mais mort entre-temps.

À l’époque de ce coup de fil, Willy Bardon s’étonne surtout de ce que la sœur de sa maîtresse soit convoquée dans le cadre des investigations, au sujet d’une rumeur d’agression sexuelle qu’il aurait commise à son encontre. « Ça devient n’importe quoi, moi je veux porter plainte contre X », explique-t-il au gendarme lors d’un dialogue assez surréaliste. « Bon ben, de toute façon, vous savez où me trouver, merci bien ! », conclut-il après avoir laissé, le plus naturellement du monde, son numéro de téléphone et son adresse.

« Les gendarmes voulaient ma tête »

Dans un autre appel, qu’il sait probablement sur écoute − il en profite pour insulter les enquêteurs −, sa femme lui apprend qu’il est désormais suspecté du meurtre d’Élodie Kulik. « Mais j’ai rien à voir là-dedans, moi », proteste-il, semblant tomber des nues. « Ils n’ont qu’à prendre mon ADN et qu’on en finisse! », lâche-t-il, en colère. Les comparaisons ne donneront rien. C’est en effet un autre élément qui lui vaut de répondre aujourd’hui du crime, une bande-son glaçante de 26 secondes, celle d’Élodie Kulik appelant les secours, sur laquelle on distinguerait sa voix en arrière-plan.

Six personnes sont venues à la barre dire qu’ils avaient identifié Willy Bardon. La présidente lui rappelle que lui-même, en garde à vue, avait pensé reconnaître sa voix. « À force qu’on vous dise : c’est votre voix, c’est votre voix… j’ai fini par dire qu’il y avait un timbre qui ressemblait. On vous met tellement la pression… », répète-t-il, expliquant d’ailleurs avoir fourni des enregistrements datant de l’époque du meurtre, pour comparaison. « La juge a refusé, puis la cassette a été perdue », déplore-t-il, soupçonnant une manœuvre. « Les gendarmes voulaient ma tête ».

On en vient aux éléments de personnalité, et cet appétit sexuel revendiqué par l’accusé. Me Didier Seban, avocat de Jacky Kulik, lui parle de ces « gang bangs », des orgies auxquelles il a participé lors de déplacements à Paris. « C’est la partie violente qui vous attire ? », l’attaque l’avocat, tentant un parallèle avec le viol en réunion subi par Élodie Kulik. « Il n’y a jamais eu de violence dans ces trucs-là », répond-il, interloqué. Et son fantasme de faire l’amour à sa maîtresse quand elle avait ses règles − là encore, une résonance avec le cas d’Élodie ? Pas le moins déstabilisé, Bardon rétorque, avec son franc-parler habituel : « Écoutez, ça ne s’est jamais produit. J’ai pas eu ma Ferrari non plus, et pourtant j’en veux une ! »

« Ça fait quoi quand personne ne vous croit ? »

« Élodie Kulik, il lui est arrivé quoi à votre avis ? », tente encore Me Seban. « Je ne sais pas, je n’y étais pas ». « Vous avez des souvenirs ? », insiste l’avocat. « Non ! Je le crierai jusqu’à la fin, je suis étranger à ces faits », répète l’accusé sur tous les tons. « Ça fait quoi d’être accusé d’un crime aussi atroce ? Ça fait quoi quand personne ne vous croit ? » D’un ton solennel, Me Gabriel Dumenil, l’un de ses avocats, entend rappeler aux jurés que l’accusé, contre lequel les preuves manquent, encourt la réclusion criminelle à perpétuité. « C’est horrible », s’émeut Willy Bardon, avouant sa « peur ».

« La douleur de Monsieur Kulik, on pourra jamais la comprendre, lance-t-il à ce père meurtri, qui, dans la matinée, a rendu hommage à sa fille devant la cour. Mais moi aussi j’ai de la douleur, moins forte, mais elle m’écrase ». Willy Bardon l’assure : s’il est acquitté, il voudra trouver la vérité. « Je me battrai aux côtés de Monsieur Kulik, même s’il ne veut pas de moi ». Le verdict est attendu vendredi dans la soirée.

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