Meurtre d’Alexia : au premier jour de son procès, Jonathann Daval confronté à ses mensonges – Le Parisien

Les clichés s’enchaînent et conduisent pas à pas la cour d’assises de la Haute-Saône dans le bois de la Vaivre, sur la commune d’Esmoulins. Des traces de pneus dans la boue, le long d’un chemin herbeux, des branches d’arbre et puis, entre deux troncs, une forme noire, carbonisée. La salle retient son souffle et Jonathann Daval, jugé depuis ce lundi 16 novembre à Vesoul pour le meurtre de son épouse Alexia, en octobre 2017, se tasse sur son siège au point de disparaître complètement derrière son pupitre.

Les images de la dépouille, découverte deux jours après sa pseudo-disparition, signalée le 28 octobre 2017 par son mari, sont d’une violence inouïe. Les parents et la sœur de la victime ont quitté la salle, pour ne pas les affronter. Jonathann, lui, semble s’essuyer les yeux un instant, avant de se redresser.

« Il faut vraiment se rapprocher pour voir qu’il s’agit d’un corps humain », relève Matthieu Husson, le président de la cour d’assises, à mesure que les clichés se font plus précis, jusqu’à ce plan rapproché du visage d’Alexia, méconnaissable. Posé dans son sac mortuaire, ce qu’il reste du corps de la jeune femme de 29 ans ressemble à une poupée désarticulée, ses membres rétractés sous l’effet de la chaleur.

«Le seul impliqué»

On comprend mieux pourquoi l’informaticien, désormais âgé de 36 ans, et mis en examen depuis ses aveux, en janvier 2018, a eu tant de mal à reconnaître cet aspect du dossier. Il avait fallu un échange d’une intensité rare avec ses beaux-parents Isabelle et Jean-Pierre Fouillot, lors d’une reconstitution en juin 2019, pour qu’il admette avoir traîné là le corps de son épouse au petit matin, avant d’y mettre le feu à l’aide d’un briquet et d’une bombe de mousse expansive en guise de chalumeau.

Celle-ci avait été retrouvée entamée à son domicile et le bouchon, sous le bras droit d’Alexia. Longtemps, l’accusé avait pourtant maintenu ses dénégations, laissant planer le doute d’une complicité, ce qu’il a exclu lundi matin à l’ouverture de son procès. « Maintenez-vous être impliqué dans la mort de votre épouse, et être le seul impliqué ? », l’a interrogé le président.

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« Oui », a simplement soufflé Jonathann Daval d’un air apeuré, scruté par les nombreux journalistes présents et les proches d’Alexia, dont dix-huit se sont constitués partie civile. Attentifs, ils écoutent le directeur d’enquête remonter le fil des trois mois d’investigations qui avaient permis de confondre celui que toute la famille, et en premier lieu les Fouillot, voyait alors comme le gendre idéal.

Trois mois de manipulation

Il y a, bien sûr, les premières contradictions de ce mari un peu trop paniqué, venu en pleurs expliquer aux gendarmes de Gray que sa femme n’est pas rentrée de son jogging entamé deux heures et demie plus tôt : ces appels qu’il lui aurait passés, mais dont on ne retrouvera pas trace. Sa description de la nuit précédente, lors de laquelle les époux seraient rentrés à 23h30 pour ne plus ressortir. Une assertion infirmée par le témoignage d’un voisin et le mouchard GPS de sa voiture. Sa façon d’évoquer d’emblée ses problèmes d’érection et ces « crises d’hystérie » d’Alexia qu’aucun proche n’a jamais constatées. Et bien sûr, cette morsure et cette griffure, attribuées à sa femme dans un moment de crise, la veille…

« A partir de là, l’hypothèse du mari est envisagée », euphémise à la barre le directeur d’enquête. « Mais on n’avait pas tous les éléments » nécessaires à une interpellation, justifie-t-il, questionné sur la longueur des investigations qui mobiliseront jusqu’à dix-sept gendarmes à temps plein.

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Parmi ces actes d’enquête, les écoutes téléphoniques laissent entrevoir comment l’accusé a pu manipuler, trois mois durant, sa belle famille. Il s’avère ainsi que le mari éploré qu’ils passent leur temps à consoler ne pleure jamais au téléphone… à part avec eux. Une particularité qui frappe tellement les enquêteurs qu’ils consignent cette remarque par écrit, ajoutant même qu’il change de voix quand il les a au bout du fil.

« Et quelle est sa réaction quand on lui parle de l’enquête ? », demande Me Caty Richard, avocate de plusieurs parties civiles, à l’une des gendarmes chargées de ces écoutes. « Il coupe court, il dit qu’il ne sait pas… » Parfois, aussi, il leur ment. A Isabelle Fouillot, il prétendra ainsi qu’il est disculpé par l’analyse du bol alimentaire, un examen qui permet d’estimer l’heure de la mort en fonction de l’état de digestion du dernier repas. « Une chose est sûre, les heures que j’ai détaillées sont bonnes. Je n’ai rien à me reprocher », lui affirme-t-il avec aplomb. Rien de plus faux en l’occurrence.

L’hypothèse d’un viol post-mortem

Mais au rang de la duplicité, c’est un aspect bien plus sensible qu’ont abordé les avocats de la partie civile lundi, évoquant la possibilité d’un viol post-mortem par Jonathann Daval, qui prétend au contraire avoir tué sa femme lors d’une dispute portant sur son refus d’avoir une relation sexuelle. Des traces de son sperme ont en effet été retrouvées dans le corps, sur le short et la culotte d’Alexia, en dépit d’une intense carbonisation à cet endroit.

« Quand vous constatez cela, cela vous évoque quoi ? », questionne ainsi Me Gilles-Jean Portejoie, avocat des parents d’Alexia. Le directeur d’enquête rappelle les déclarations de l’accusé, qui avait parlé d’un rapport trois jours plus tôt. « Mais il l’a changée pour s’habiller en joggeuse », rappelle le pénaliste. « Il dit qu’elle avait enfilé ce short en arrivant chez eux… », tempère l’enquêteur. « Je vais vous dire ce que je pense, lance l’avocat, c’est qu’il y a eu une relation sexuelle après la mort d’Alexia ! »

Les avocats de Jonathann Daval secouent la tête, outrés. « On ne peut pas laisser dire n’importe quoi. Jamais en trois ans d’instruction il n’a été demandé d’acte d’enquête à ce sujet ! », s’emporte Me Randall Schwerdorffer, son médiatique défenseur, rappelant qu’aucun signe évident de violence sexuelle n’a été décelé et que son client n’est pas jugé pour ces faits. « Pour un homme être impuissant, c’est plutôt gênant, non ? Alors quand on nous parle de viol post-mortem… », ironise-t-il, chassant une question qui sera sans doute de nouveau abordée mardi avec la déposition du médecin-légiste. Le procès de Jonathann Daval, qui encourt la réclusion criminelle à perpétuité, est prévu jusqu’à vendredi.

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