Marseille : Malgré des marques à l’encolure, des chevaux Sanofi se sont retrouvés dans nos assiettes – 20 Minutes

Des champs de courses à l’assiette, en passant par plusieurs années dans une ferme-laboratoire de Sanofi Pasteur. Le tribunal correctionnel de Marseille s’est intéressé ce mardi, au deuxième jour d’un nouveau procès sur un trafic de viande de cheval, à la destinée de 185 chevaux dits « réformés » de Sanofi. Et qui se sont retrouvés pour beaucoup dans la filière alimentaire, bien que portant des marques identifiables à leur entrée à l’abattoir : des traces visibles d’injections au niveau de l’encolure côté gauche, et des marques sur la croupe, au fer jusqu’à l’été 2012, puis à l’azote. Un « S » du nom de Sanofi.

« J’ai un très beau client à qui je dois beaucoup, il m’a permis de gagner de l’argent », confie à la barre Fabrice Daniel, à propos de Sanofi qui lui achetait des chevaux pour la fabrication de sérums anti-venins équins, avant de les lui revendre quelques années plus tard après bons et loyaux services. La ferme Sanofi, située à Alba-la-Romaine, en Ardèche, est un client de longue date de la famille. Comme son père avant lui, Fabrice Daniel, marchand de chevaux installé dans le Gard, fournit à Sanofi des trotteurs français venant de Normandie. Par lots de 20 à 25 chevaux, au rythme de trois fois par an.

« La galère des chevaux sans papiers »

En 2004, la règle du jeu change pour la revente des chevaux réformés. « Avant, j’achetais plus cher et je les faisais abattre, raconte Fabrice Daniel. Après, par principe de précaution, ils ont décidé qu’ils étaient interdits d’abattage. » Dès lors, Sanofi les vend pour une bouchée de pain, 10 euros, et mentionne « interdit d’abattage » sur le carnet de l’animal et la facture établie au nom de la société de Fabrice Daniel. Sur les 185 chevaux cédés par Sanofi en 2011 et 2012, les enquêteurs n’ont retrouvé la trace que de 113 chevaux. Parmis eux, au moins 29 chevaux ont fini à l’abattoir de Narbonne, par l’intermédiaire de Patrick Rochette, grossiste en viande et considéré comme le principal acteur de la fraude jugée ces jours-ci à Marseille.

« Vous savez que son activité principale, c’est la boucherie ? », interroge la présidente du tribunal Céline Ballerini. « Il ne m’a jamais dit que c’est pour l’abattage, jamais je n’aurais pensé, se défend tant bien que mal le marchand de cheval, à qui il est aussi reproché des castrations illégales. « J’aurais informé au minimum Sanofi. Si j’avais eu un doute, j’aurais réagi », ajoute-t-il au cours d’une laborieuse audition. L’affaire est dans tous les cas juteuse pour lui, avec des chevaux Sanofi achetés 10 euros et revendus… au prix du poids en kilo de viande, soit entre 250 et 300 euros.

De son côté, Patrick Rochette reconnaît les faits. Sur la quarantaine de chevaux Sanofi achetés à Fabrice Daniel, 29 ont donc été abattus à Narbonne, sur la foi d’un faux inséré dans le carnet d’identification : « J’ai changé la feuille où était écrit interdit d’abattage, et on en mettait une vierge », admet-il. Selon lui, les autres chevaux ont été exportés en Espagne, pour la selle. Plus tôt dans la matinée, Patrick Rochette s’est longuement expliqué à la barre sur les mécanismes de la fraude au cheval impropre à la consommation. « On a joué avec les papiers, c’est vrai on a fauté », a-t-il reconnu. Et aussi : « Toute la vie, cela a été la galère avec ces chevaux sans papiers. »

« De jolis chevaux, très bien soignés, gras, vendeurs »

« On a du mal à comprendre pourquoi vous ne vous posez pas de questions par rapport au risque sanitaire, lui demande Céline Ballerini à propos des chevaux Sanofi. Ce dossier a une connotation de santé publique, pourquoi vous n’avez pas eu cette barrière ?  » La présidente du tribunal lui rappelle les récents scandales sanitaires, les conséquences négatives sur l’image de la filière chevaline. Et les questions qui se posent sur « les effets à long terme » de la consommation de la viande des chevaux Sanofi, « même si l’expertise judiciaire montre qu’a priori, à court et moyen terme, il n’y a pas de danger pour la consommation humaine ».

Pour Patrick Rochette, les trotteurs Sanofi sont avant tout « de jolis chevaux, très bien soignés, gras, vendeurs ». « Dans ma tête, ces chevaux avant on les tuait, c’étaient des chevaux extraordinaires de viande, dit-il. Jamais j’ai pensé à empoisonner quelqu’un. » A cette vision, toute commerçante, la présidente du tribunal oppose les photos montrant l’encolure abîmée des chevaux Sanofi. A tel point que des bouchers se sont étonnés de recevoir des carcasses incomplètes.

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