Marie Laforêt, la « Fille aux yeux d’or », est morte – Le Monde

L’actrice et chanteuse Marie Laforêt , ici en janvier 1972, est morte à l’âge de 80 ans, le 2 novembre 2019.

La « Fille aux yeux d’or » les a définitivement fermés. La chanteuse et actrice Marie Laforêt est morte samedi à Genolier, en Suisse, a annoncé sa famille, dimanche 3 novembre. Elle était âgée de 80 ans. Les causes de la mort de l’interprète des Vendanges de l’amour ou de Viens, viens n’ont pas été précisées. Elle a joué dans 35 films et vendu plus de 35 millions d’albums, au long d’une existence bien peu rectiligne.

Marie Laforêt, de son vrai nom Maïtena Doumenach, est née le 5 octobre 1939 à Soulac-sur-Mer, en Gironde. A l’âge de 3 ans, dira-t-elle trente-cinq ans plus tard, elle est violée par un voisin : « Impossible d’en parler pendant des décennies. » « Sans ce viol, soulignera-t-elle, je n’aurais pas fait un métier public qui allait à l’encontre de ma timidité naturelle. J’ai choisi un métier exutoire. »

Nouvelle Vague

Après guerre, sa famille s’expatrie dans le Nord, puis à Paris. Un temps tentée par le couvent, la jeune Maïtena suit alors de brillantes études au lycée Jean-de-La Fontaine. De plus en plus attirée par les arts dramatiques, la jeune femme s’inscrit au prestigieux concours « Naissance d’une étoile », organisé par Europe 1 en 1959. Le réalisateur Louis Malle la repère, et lui offre un rôle dans son film Liberté, qui ne verra finalement jamais le jour.

C’est dans Plein soleil, de René Clément, que Marie Laforêt fait sa première apparition au cinéma. Déjà, aux côtés d’Alain Delon, la jeune femme aux yeux jaune-vert crève l’écran. Elle n’a alors que 20 ans, mais la comédienne fait irruption dans la Nouvelle Vague. Sous le ciel italien de l’île d’Ischia, elle incarne Marge, indolente amante aux gambettes dorées, souvent vêtue d’une marinière rouge et blanche ou moulée dans un short en jean.

Après une première invitation au Festival de Cannes en 1959, la jeune femme enchaîne les rôles. Elle se marie avec le réalisateur Jean-Gabriel Albicocco, qui la fait tourner dans deux de ses films : La Fille aux yeux d’or, en 1961, d’après le roman d’Honoré de Balzac, puis Le Rat d’Amérique, où elle partage l’affiche avec Charles Aznavour.

Lire aussi Marie Laforêt, polyglotte et polymorphe

« Je n’ai pas une voix, j’ai un timbre »

Elle joue ensuite dans Joyeuses Pâques et Flic ou voyou, de Georges Lautner, avec Jean-Paul Belmondo, Les Morfalous, d’Henri Verneuil, La Chasse à l’homme, d’Edouard Molinaro, Fucking Fernand, de Gérard Mordillat (nominée pour le César du meilleur second rôle féminin), ou encore Tangos, l’exil de Gardel, de Fernando Solanas (prix du jury 1985 à Venise). Elle a aussi été dirigée par Chabrol, Granier-Deferre, Deville, Mocky et d’autres…

Mais réduire Marie Laforêt au cinéma serait un blasphème. En 1963, la jeune femme sort son premier 45 tours : Les Vendanges de l’amour, écrit par Danyel Gérard. Le succès est immédiat, et les tubes s’enchaînent : Ivan, Boris et moi, Il a neigé sur Yesterday (chanson-hommage aux Beatles), Viens sur la montagne, Marie douceur, Marie colère, Que calor la vida

Tout en se tenant à l’écart du showbiz, elle remplit l’Olympia en 1969, tourne dans le monde entier. « Je n’ai pas une voix, j’ai un timbre », notait-elle pourtant, minimisant son talent personnel et ajoutant, comme pour bien montrer qu’elle n’était dupe de rien, ne pas « avoir honte de faire ce que je fais : interpréter au premier degré des chansons populaires ».

Dans les années 70, Marie Laforêt expérimente, et devient pionnière dans la World Music, puisant son inspiration dans les folklores américain et européen. Petit à petit, elle renonce aux enregistrements, privilégie l’écriture – elle écrit ses propres chansons mais aussi un livre remarqué : Contes et légendes de ma vie privée. Marie Laforêt s’installe ensuite à Genève (elle obtient la double nationalité franco-suisse), où elle ouvre une galerie d’art.

En 1994, elle publie une compilation de ses chansons en quatre volumes, parcourant ses trente ans de carrière. Elle fait aussi du théâtre : en 2000, elle interprète une bouleversante Maria Callas (nominée aux Molières).

« Ma carrière est de bric et de broc »

Marie Laforêt en septembre 2015 au Théâtre des Bouffes Parisiens pour son spectacle « Marie chante Laforêt ».

Marie Laforêt fait parler d’elle en 2002 pour d’autres raisons qu’artistiques : elle est liée par un de ses époux à la famille de Didier Schuller, l’ancien directeur de l’office HLM des Hauts-de-Seine condamné dans une affaire de financement occulte. Elle témoigne de sa peur dans l’émission de Thierry Ardisson, sur Canal+ et en tire un livre : Panier de crabes.

Mariée cinq fois, Marie Laforêt a eu trois enfants avec Judas Azuelos, homme d’affaires d’origine marocaine juive, puis avec Alain Kahn-Sriber, homme d’affaires et collectionneur d’art. Sa fille, Lisa Azuelos, réalisatrice du film LOL, avec Sophie Marceau, ne cachait pas les difficiles relations avec sa mère ; laquelle, de son côté, admettait avoir été parfois trop absente avec ses enfants.

Personnalité complexe, intello pas du tout féministe, Marie Laforêt était tout à la fois modeste, snob et gouailleuse, dotée d’un humour corrosif. « J’aime bien les gens qui ont une angoisse », disait-elle. De son physique exceptionnel, traits purs et sensuels, cheveux longs romantiques, elle affirmait qu’il ne lui avait pas toujours porté chance. « Ma carrière est de bric et de broc, mais ma vie est remplie du début à la fin », assurait-elle.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *