Mali : quatre questions sur la mort du chef d’Aqmi, tué par l’armée française – franceinfo

Le chef d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), l’Algérien Abdelmalek Droukdal, a été tué par les forces françaises dans le nord du Mali, a annoncé la ministre des Armées, Florence Parly, vendredi.

“Un succès majeur”, pour Florence Parly. La ministre des Armées a annoncé, vendredi 5 juin, que le chef d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) avait été tué par les forces françaises dans le nord du Mali, près de la frontière algérienne. “Abdelmalek Droukdal, membre du comité directeur d’Al-Qaïda, commandait l’ensemble des groupes qaïdistes d’Afrique du Nord et de la bande sahélienne”, a précisé la ministre. Retour sur cette opération militaire française.

Que sait-on de cette opération ?

L’opération armée a été rendue publique dans la soirée du vendredi 5 juin, par ce tweet de Florence Parly.

Chef historique du jihad au Maghreb et mentor de plusieurs groupes jihadistes sahéliens, Abdelmalek Droukdal été tué jeudi à Talhandak, au nord-ouest de la ville malienne de Tessalit, selon l’AFP. “Plusieurs de ses proches collaborateurs” ont également été “neutralisés”, a assuré la ministre des Armées.

L’opération a été menée par les troupes françaises au sol et avec l’appui de l’aviation, selon le colonel Frédéric Barbry, interrogé par France 24. Elle a été réalisée avec l’aide des Etats-Unis. “L’US Africa Command a été en mesure d’apporter son aide, avec des renseignements (…) et un soutien pour bloquer la cible”, a déclaré à CNN le colonel Chris Karns, porte-parole du commandement de l’armée américaine en Afrique.

La France a également revendiqué vendredi soir la capture d’un “cadre important de l’EIGS”, l’Etat islamique au grand Sahara. Cette branche sahélienne du groupe terroriste Etat islamique a été désignée ennemi numéro un par Paris en janvier dernier, au  sommet de Pau qui réunissait le président français Emmanuel Macron et les chefs d’Etat du G5 Sahel (Mauritanie, Burkina Faso, Mali, Niger, Tchad).

Qui est le chef d’Aqmi abattu ?

Première caractéristique d’Abdelmalek Droukdal : sa longévité exceptionnelle à la tête d’un groupe terroriste. Le journaliste de France 24 Wassim Nasr le souligne dans ce tweet.

Né en 1971 dans un quartier pauvre de la grande banlieue d’Alger, le futur chef d’Aqmi fait des études scientifiques. Il a rejoint en 1993 les Groupes islamiques armés (GIA), pour lequel il était expert en explosifs. Pendant cette décennie, groupes islamistes et forces gouvernementales se sont affrontés dans une Algérie ravagée par la guerre civile et le terrorisme.

A la fin des années 1990, Abdelmalek Droukdal participe à la fondation du GSPC algérien (Groupement salafiste pour la prédication et le combat), qui refuse de rendre les armes, contrairement à d’autres groupes armés. Puis, dans les années 2000, il se rapproche d’Al-Qaïda, tandis que son influence s’accroît dans les pays voisins de l’Algérie, comme la Mauritanie, le Mali, le Niger, la Tunisie, la Libye. Son affiliation à l’organisation d’Oussama ben Laden est confirmée en 2006.

En janvier 2007, le GSPC change de nom et devient “Al-Qaïda pour le Maghreb islamique” (Aqmi). A la fin des années 2000, Droukdal, désormais fiché comme terroriste lié à Al-Qaïda par les Etats-Unis et l’ONU, domine le nord-est algérien, “rançonne les populations environnantes et harcèle les forces de sécurité”, déclare à l’AFP Jean-Pierre Filiu, spécialiste du Moyen-Orient et auteur des Neufs vies d’Al-Qaïda.

En 2011, alors que Ben Laden est tué au Pakistan, Droukdal reprend son autonomie. L’émir d’Aqmi cherche à élargir ses activités au Sahel en s’alliant au groupe jihadiste Ansar Dine qui prend pendant quelques mois, en 2012, le contrôle du nord du Mali. Son emprise locale est plus évanescente, son autorité s’effrite. Il se fait plus rare, voire totalement silencieux, entre 2012 et 2015. En 2016, des journaux algériens affirment qu’il s’est enfui en Tunisie. Depuis, il se cachait.

Est-ce un coup dur porté à Aqmi ?

“C’est un beau résultat, estime Jean-Pierre Filiu, mais ça ne règle pas le problème du Sahel.” La mort d’Abdelmalek Droukdal semble néanmoins un coup symbolique fort. Isolé en Algérie, il gardait des capacités de financement des réseaux sahéliens et un véritable rôle de chef, bien que de plus en plus contesté, indique à l’AFP une source proche du renseignement français. Sa mort, et celles à confirmer d’autres cadres d’Al-Qaïda, pourrait désorganiser ce mouvement qui rivalise avec la filiale sahélienne de l’Etat islamique (EIGS).

Spécialiste des mouvements jihadistes, le journaliste de France 24 Wassim Nasr, interrogé par franceinfo, est du même avis. Il considère que “la mort de Droukdal est d’une grande importance tactique et militaire, mais aussi politique”, si elle est confirmée par les jihadistes eux-mêmes. Selon lui, la mort d’Abdelmalek Droukdal “va envenimer la situation entre Al-Qaïda et l’Etat islamique”. En effet, il y avait une exception au Sahel où ces deux groupes ne se combattent pas. La mort des grands chefs, des anciens, va acter la confrontation”. Il rappelle toutefois que “dans les mouvances jihadistes, la mort d’une personne est importante à court et moyen terme, mais après, elle est remplacée”.

Abdelmalek Droukdal avait reçu l’allégeance de plusieurs groupes jihadistes actifs au Sahel, rassemblés depuis 2017 au sein du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, également appelé JNIM). Cette alliance revendique depuis trois ans les principaux attentats dans le Sahel.

L’armée française va-t-elle se retirer du Mali ?

L’opération Serval au Mali a été lancée en 2013 sous François Hollande, rappelle Public Sénat, pour “stopper la progression de colonnes jihadistes qui contrôlent le nord du Mali. La capitale Bamako menace de tomber dans leurs mains.” En 2014, Serval est remplacée par l’opération Barkhane. Elle s’étend alors à l’ensemble de la bande sahélo-saharienne.

Sept ans après, l’armée française est toujours présente dans cette partie du monde. En janvier dernier, Emmanuel Macron lui a demandé de se concentrer sur la zone des trois frontières entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, qui est grande comme la France. Composée de plus de 5 000 militaires, la force Barkhane multiplie les offensives ces derniers mois. L’objectif est d’enrayer la spirale des violences qui, mêlées aux conflits intercommunautaires, ont fait 4 000 morts au Mali, au Niger et au Burkina Faso l’an dernier.

Avec quel succès ? Une source proche du dossier affirme à l’AFP que quelque 500 jihadistes ont été récemment “neutralisés” (tués ou capturés) au Sahel par les militaires français. Parmi eux, plusieurs figures importantes : cadres religieux, commandants, recruteurs, logisticiens… Mais il est difficile de se battre, notait Public Sénat en février dernier, “contre un ennemi qui a, de fait, une meilleure connaissance du terrain, est capable de se noyer dans la population locale, un ‘ennemi volatile’. D’autant que la pauvreté fait le terreau du terrorisme. On comprend pourquoi les attaques continuent.”

L’armée française va-t-elle rester encore longtemps là-bas ? Selon Florence Parly, l’opération qui s’est soldée par la mort d’Abdelmalek Droukdal a été menée par “les forces armées françaises, avec le soutien de ses partenaires”. Des “partenaires” qui ne seraient pas capables pour l’instant de prendre le relais, estime Le Figaro“L’autonomie des Forces armées maliennes ou des Forces armées nigériennes est la condition principale d’un désengagement français dans la région, écrit le journal. Pour l’heure, elles n’étaient pas en mesure seules d’assurer le contrôle des territoires perdus.”

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