Macron : «Mayotte, c’est la France jusqu’au bout» – Libération

La séquence se voulait impressionnante. A son arrivée à Mayotte, Emmanuel Macron a quitté Petite-Terre, où se trouve l’aéroport à bord d’un intercepteur de la police des frontières. Pour rejoindre Grande-Terre, l’armada présidentielle, survolée d’un hélicoptère, était composée de onze embarcations, dont les deux vedettes de la gendarmerie maritime. But de la manœuvre : montrer la détermination de Paris pour lutter contre l’immigration clandestine en provenance des Comores voisines. A Mayotte, près de la moitié de la population est composée d’étrangers, dont plus de 50% sont en situation irrégulière.

Arrivé au débarcadère de Mamoudzou, le chef-lieu, petite déconvenue pour le chef d’Etat. La foule attendue, invitée à grand renfort de panneaux publicitaires par le maire (DVG), est absente. Seules les femmes, habillées de saris multicolores, employées au centre d’action communale de Mamoudzou, jouent du m’biwi, en tapant sur des morceaux de bambous. Julien Kerdoncuf, le jeune sous-préfet à la lutte contre l’immigration clandestine, un poste créé sur mesure dans le 101e département d’outre-mer, les encadre. Comme le souffle un policier municipal armé d’un LBD, «les Mahorais ne sont pas venus car ils en ont assez des promesses non tenues». Les membres du Collectif des citoyens de Mayotte, qui reprochent à l’Etat son inaction, sont empêchés de dérouler leurs banderoles. Leur présidente, Estelle Youssoufa, tombée à terre, est même interpellée et conduite au commissariat.

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«Déséquilibrer un territoire»

Après une revue des unités engagées dans l’opération Shikandra, du nom d’un poisson agressif, Emmanuel Macron remercie «les 1 500 soldats, marins, gendarmes, policiers, douaniers, agents de l’Etat qui sont mobilisés». Mais malgré les moyens engagés, les kwassa, ces barques à moteur où s’entassent les «boat people» comoriens, continuent aujourd’hui encore d’accoster, de nuit, sur les rives du département. On estime entre cinq et dix par jour le nombre d’embarcations clandestines tentant de gagner l’eldorado français. «On n’a pas encore constaté de diminution, malgré l’accord de coopération signé avec les Comores, selon lequel nos voisins doivent tenter d’arrêter les départs», confie-t-on à la préfecture. Paris a annoncé sa volonté d’effectuer 25 000 reconduites par an. «Nous sommes en ligne avec ces objectifs», a assuré Emmanuel Macron dès sa descente d’avion. L’immigration, quand elle n’est pas maîtrisée, peut déséquilibrer un territoire.» Depuis une petite scène, il a ensuite affirmé : «La sécurité sera au rendez-vous. C’est ce qui est dû à Mayotte.»

«800 classes nouvelles» 

Dans un silence assourdissant et sous un soleil de plomb, le chef de l’Etat tente de galvaniser les quelques badauds : «La France, c’est la sécurité, la France, c’est l’éducation, la France, c’est la santé !» Il promet de construire d’ici la fin du quinquennat de nouvelles écoles, au total «800 classes nouvelles» dans le petit archipel, ce qui permettrait, peut-être, d’éviter à plusieurs communes de recourir au système des rotations : une salle pour deux classes à tour de rôle. «Les mamans ont le droit d’avoir ici des enfants qui soient élevés, éduqués et qui puissent bâtir un avenir.» Dans le cadre du «contrat de convergence» signé entre l’Etat et Mayotte, 170 millions vont être engagés dans la santé, notamment dans l’agrandissement de l’unique hôpital, dont la maternité est submergée par le nombre de parturientes dont une très grande majorité sont sans papiers. Au 1er janvier 2020, Mayotte sera par ailleurs dotée d’une Agence régionale de santé, dirigée par Dominique Voynet, l’ancienne ministre de l’Environnement de Lionel Jospin.

Enfin, question très attendue par les Mahorais, Emmanuel Macron confirme qu’il est favorable à l’agrandissement de la piste de l’aéroport de Pamandzi, ce qui permettrait de relier Mayotte et la métropole avec des plus gros avions, sans escale. «On vous a déjà fait le coup des études d’impacts, pas besoin de nouvelles pour savoir qu’on fera la piste longue», assure Emmanuel Macron, qui parle d’un investissement de 200 millions d’euros. Avant de préciser dans la foulée qu’une étude va quand même «être lancée pour savoir comment faire»… C’est la fin du discours, le président de la République recueille enfin des applaudissements nourris quand il se lance en shimaoré. «Maore na farantsa pakatcho», assure-t-il. «Mayotte, c’est la France jusqu’au bout.»

Laurent Decloitre Envoyé spécial à Mayotte

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