Macron : les défis de la fin du quinquennat – Le Monde

Editorial du « Monde ». En renouant, pour la première fois depuis le début de son quinquennat, avec la traditionnelle interview télévisée du 14-Juillet, Emmanuel Macron jouait gros. Il lui fallait tout d’abord réaffirmer pleinement l’autorité présidentielle mise à mal par la crise provoquée par le Covid 19. Certes, le changement de premier ministre, intervenu le 3 juillet, a constitué un signal fort : Edouard Philippe ne pouvait continuer à servir à Matignon, car, même si sa loyauté n’était pas en cause, sa popularité ascendante et supérieure à celle du président risquait de phagocyter la fin du quinquennat.

Synthèse : Masques obligatoires et plan de relance… Ce qu’il faut retenir des annonces d’Emmanuel Macron

Encore fallait-il donner un sens à cette séparation. Tout en remerciant son ancien premier ministre d’avoir su mener pendant trois ans des réformes qui ont « redonné de la force et de la crédibilité » au pays, Emmanuel Macron a vanté « la pâte humaine » de Jean Castex, ce qui était une façon de souligner en creux les carences de son prédécesseur. Le tout a été énoncé avec suffisamment de doigté pour que la rupture soit interprétée comme un divorce à l’amiable.

Il fallait ensuite que le président de la République donne un sens au « nouveau chemin » qu’il tente de définir depuis mars, au prix de nombreux tâtonnements. Le remaniement ministériel de la semaine dernière a été interprété comme un coup de barre à droite avec une forte prime aux fidèles de Nicolas Sarkozy. Emmanuel Macron s’en est vigoureusement défendu, assurant qu’il continuait à croire au « dépassement » et que son choix, comme en 2017, s’était porté sur « les meilleurs ». Il a dû, cependant, défendre Gérald Darmanin, dont la nomination au ministère de l’intérieur, alors qu’il est accusé de viol par une plaignante, suscite l’indignation des féministes. Il n’est pas sûr que « la présomption d’innocence », invoquée comme l’un des « principes fondamentaux » de la démocratie, suffise à calmer la fronde.

Mea culpa

Récusant tout changement de cap pour la fin de son quinquennat, Emmanuel Macron devait enfin convaincre les Français qu’il est capable de les unir, après les avoir divisés pendant trois ans. Pour tenter d’y parvenir, Emmanuel Macron a abondamment usé de l’autocritique. Il a infléchi sa politique fiscale à la marge en différant la suppression de la taxe d’habitation pour les plus riches. Il a aussi plaidé la méprise sur la finalité de son projet qui, assure-t-il, ne consiste pas à « adapter la France à la mondialisation », mais à la rendre « plus forte et plus indépendante ».

Mais cela fait des mois qu’il s’adonne, en vain, au mea culpa. Son va-tout, il est donc allé le chercher dans le contexte, cette très grave crise sanitaire et économique qui risque de précipiter un million de personnes dans le chômage d’ici un an. En s’appuyant sur une manne exceptionnelle d’argent public – les centaines de milliards des plans de soutien et de relance de l’économie –, en se servant autant qu’il le peut du levier européen, le président de la République espère rassembler les syndicats réformistes et les bonnes volontés autour de la réinvention du modèle social français : 8 milliards d’euros vont être débloqués pour augmenter les salaires des soignants, 30 milliards d’euros seront dégagés pour financer l’activité partielle et la formation comme alternatives aux licenciements, un « cinquième risque » dépendance vient d’être créé.

Si près de la présidentielle, le pari de reconstruire un nouveau modèle social à la faveur de la crise apparaît aléatoire. Conscient de l’hostilité des partenaires sociaux, M. Macron n’a pas abordé de front le financement du régime des retraites, en déficit de 30 milliards d’euros. Il n’a pas non plus évoqué le remboursement de la dette Covid, qui reste le grand tabou de la période. Pour que le dialogue soit fécond, il lui faut d’abord regagner la confiance des acteurs. Il dispose de peu de temps pour cela.

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Le Monde

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