Macron a promis un tournant vert, Castex n’en prend pas le chemin – Le HuffPost

POLITIQUE – “Le temps est venu de faire, d’agir.” C’est ce qu’avait déclaré Emmanuel Macron, le 29 juin dernier, émergeant opportunément d’un bosquet des jardins de l’Élysée, lors de son discours devant les citoyens de la Convention Climat. Un -énième- virage écolo incarné cette fois-ci par la reprise partielle des propositions des “150.”

Pas de quoi convaincre les Français selon les enquêtes d’opinion, ni les responsables verts galvanisés par leurs victoires aux municipales et encore moins les responsables d’ONG spécialistes de la question climatique. Récemment, c’est Laurence Tubiana, la cheville ouvrière de l’accord de Paris qui pointait “un gouffre abyssal entre le discours et les actes” en matière de transition écologique.

Chemin “vert”?

L’attente se fait donc pressante autour d’Emmanuel Macron et sa promesse de réinvention, d’autant que le chef de l’Etat a décidé de renouer avec la traditionnelle interview présidentielle du 14 juillet, boudée depuis 2017. Il s’attachera sans doute, face à Gilles Bouleau et Léa Salamé, à détailler les contours du chemin vert qu’il compte prendre pour les 600 jours restants de son quinquennat et à justifier son casting gouvernemental qui fait couler beaucoup d’encre.

Mais ce tournant vert annoncé peut-il s’opérer avec ou sans Jean Castex sur son porte-bagage? Depuis sa nomination, le nouveau Premier ministre ne montre pas une fibre verte particulière étincelante. Ses premières déclarations et ses premiers déplacements sont davantage consacrés à l’économie ou à la sécurité.

Jean Castex: “laïcité, responsabilité, autorité”

Laissant peu de place au suspense, la première interview de Jean Castex en tant que Premier ministre a rapidement donné le ton. Ses valeurs: la laïcité, la responsabilité et l’autorité.

”Mes valeurs c’est quoi? Peut-être la responsabilité. Dire qu’on ne peut pas tout attendre de l’État. La société n’est pas systématiquement responsable de ce qui va mal. (…) Mes valeurs c’est la laïcité, je ne peux pas admettre certains comportements, certaines déviances, certains communautarismes. Mes valeurs c’est l’autorité, gardienne des libertés fondamentales”, développait-il.

Quant à la transition écologique? “Ce n’est pas une option”, assurait simplement le nouveau chef du gouvernement estimant, peu bavard, que la question “transcende la classe politique.” Pas de quoi rassurer les tenants du tournant. 

“Ce Premier ministre n’a jamais démontré aucun intérêt sur les sujets écologiques. Il n’a pas été choisi pour ses convictions environnementales, c’est certain”, constate, auprès du HuffPost, Eva Sas, la porte-parole d’EELV. Car si les valeurs proclamées ne disent peut-être pas tout des priorités des responsables publics, les premiers jours d’actions, symboliques, les reflètent sans doutes davantage.

Castex sur le terrain (pas vert)

Et l’entrée en matière de Jean Castex se fait à un rythme très soutenu: un déplacement à Dijon, un autre à Bobigny, une visite de huit heures en Guyane, un Ségur de la Santé bouclé, une réforme des retraites remise sur la table: “Il a un bon physique, c’est un rugbyman. Normal qu’il entre tout de suite dans la mêlée”, commente d’ailleurs Jean-Michel Blanquer au Parisien.

Mais dans le pack, le chef du gouvernement a visiblement oublié la transition écologique. Gérald Darmanin a par exemple eu les honneurs d’une visite conjointe sur le thème de la sécurité à Dijon. Le nouveau garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti aussi, au tribunal de Bobigny. La ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, non. 

“Les premiers déplacements montrent des signes sur certains domaines, comme le régalien, l’économique, le social, mais toujours rien en matière d’écologie”, regrette Eva Sas, qui ajoute: “bien évidemment que les questions de sécurité sont importantes, comme les questions sanitaires économiques et sociales, mais on aimerait que les enjeux environnementaux soient pris en compte sur les mêmes niveaux. Pour le coup, il faut faire du ‘en même temps.’”

Et les responsables d’Europe Écologie les verts ne sont pas les seuls à regretter le profil du nouveau locataire de Matignon et les signaux qu’il envoie. 

Castex et Macron, un duo complémentaire?

“Jean Castex est sûrement quelqu’un de respectable et compétent, mais il ne m’apparaissait pas incarner ce changement écologique auquel aspire le pays”, expliquait le 11 juillet dernier dans Le Monde,  a directrice de la Fondation européenne pour le climat Laurence Tubiana. Son nom, associé à la COP21 de Paris, avait été cité parmi les possibles entrants dans le nouveau gouvernement.

Un Premier ministre muet sur ces sujets, de quoi affaiblir le “tournant écolo” d’Emmanuel Macron avant même qu’il ne soit dessiné? À l’Élysée, on veut croire au contraire à Jean Castex et à la complémentarité de son profil avec celui du président de la République. “Il est l’homme de la situation, connu pour travailler par le dialogue et dans un esprit de rassemblement”, décrypte une source à l’AFP, ajoutant: “il saura mettre en oeuvre les reconstructions évoquées par le chef de l’Etat dans ses dernières expressions dans le cadre du nouveau chemin.

Le pari Pompili 

Jean-Louis Touraine, le député LREM du Rhône confirme le côté “pragmatique” du nouveau chef du gouvernement. “Qu’il n’ait pas été précédemment beaucoup impliqué dans l’écologie, c’est le fruit du hasard de ses postes successifs”, explique l’ancien socialiste au HuffPost, voulant croire à “une ouverture d’esprit totale” sur ces questions et comptant également sur “la pression populaire” pour faire avancer Jean Castex. 

Il pourra compter en ce sens sur Barbara Pompili, désormais numéro trois du gouvernement et ancienne députée Europe Écologie les verts pour mettre en musique le renouveau promis par le chef de l’État.

De quoi donner un peu d’espoir aux tenants de l’écologie politique? “La question ce n’est pas Barbara Pompili ou autre, c’est la capacité d’action dans un gouvernement qui n’a aucune prise de conscience écolo. L’important c’est de gagner des arbitrages”, estime Eva Sas. Et d’ajouter une remarque cuisante: “quand elle était présidente de la commission du développement durable elle n’en a gagné aucun.” 

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