M6 et TF1 débattent de leur fusion

Pour Gilles Pelisson, le projet de rapprochement entre les deux chaînes privées en clair « se fait au nom du soft power à la française. » Il justifie ce mouvement stratégique du fait de l’accélération du regroupement entre les géants des médias américains qui provoque déjà une raréfaction des contenus. Il ajoute « il y a des incendies des s’allument à nos frontières », qu’il pense pouvoir circonscrire car « nos groupes ont une carte à jouer très forte en France et dans la francophonie. » Parmi les principaux sujets, au-delà des programmes, il y a les enjeux autour de la technologie, des données et du streaming qui justifient le rapprochement car « en unissant nos forces on arrivera à rester dans la course et à développer nos plateformes, en particulier autour du streaming.»


Gilles Pelisson, PDG de TF1 – D.R.

De son côté, Nicolas de Tavernost, le PDG de M6, avoue que ce n’est pas facile de s’associer avec son concurrent « même s’il est sympathique », d’autant que « cela fait 35 ans que je lutte pied à pied contre TF1. » Selon lui, le projet de fusion trouve sa légitimité dans la nécessité d’accélérer sur le digital. A ce propos, il précise : « nous voulons aller encore plus loin, investir davantage dans le streaming, notamment dans la AVOD car c’est un moyen de consommer la télévision qui nécessite des moyens tout à fait considérables. » On l’aura compris, les deux groupes veulent unir leurs forces pour disposer de plus de moyens pour investir, « notamment dans le streaming quand on sait que dans 4 ans nos 40% de nos programmes seront regardés en non linéaire » précise le patron de M6.

Nicolas de Tavernost, PDG de M6 – D.R.

Le streaming est donc l’une des principales raisons de la fusion. Pourtant M6, TF1 et France Télévisions ont un service en commun. Pour les 3 actionnaires, le message concernant Salto est clair : « on y croit. Si la fusion se fait Salto aura un actionnariat différent d’aujourd’hui. Si la fusion ne se fait pas, on verra tous les trois comment poursuivre. »


Les participants de Médias en Seine, le 12 octobre 2021 – D.R.

Alors que l’Autorité de la Concurrence commence à instruire le dossier en procédant à des tests de marché afin de mesurer les impacts du rapprochement, les deux groupes justifient leur démarche pour éviter d’être marginalisés par les streamers américains. Selon Gilles Pelisson, on assiste actuellement à une éviction des acteurs locaux de l’audiovisuel au profit des streamers avec des conséquences déjà tangibles qui concernent entre autres la diffusion des programmes, les associations entre streamers qui contribuent à raréfier la disponibilité des lineup, l’exclusvité des talents qui signent des accords avec ces plateformes ou bien le renchérissement des coûts de production des séries.

Il est vrai que lorsqu’on examine la capitalisation boursière des deux groupes, qui réussissent par ailleurs une très belle année 2021, on constate l’écart avec les streamers : TF1 et M6 sont valorisées à eux deux, 4,3 milliards d’euros quand le seul Netflix a une capitalisation boursière de 302 milliards de dollars. La guerre du streaming aura donc bien lieu et les alliances qui se nouent outre-Atlantique et en Europe sont une étape de la reconfiguration de l’audiovisuel mondial à laquelle la France ne peut échapper. Reste maintenant à savoir comment le marché et les pouvoirs publics réagiront à la naissance de ce nouveau géant français.

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