« L’urgence, c’est l’alternance », déclare Jordan Bardella, nouveau président du Rassemblement national, aux militants – Le Monde

Marine Le Pen accueille le nouveau président du Rassemblement national, Jordan Bardella, à la Mutualité, à Paris, samedi 5 novembre 2022.

Sans surprise, Jordan Bardella a accédé, samedi 5 novembre, à la présidence du Rassemblement national (RN), a annoncé la dirigeante sortante, Marine Le Pen, lors d’un congrès du parti à Paris. L’eurodéputé, qui assure l’intérim de la présidence du RN depuis un an, a obtenu 84,84 % des suffrages lors du vote, qui s’est déroulé dans la matinée. Jordan Bardella était opposé au maire de Perpignan, Louis Aliot (15,16 %), lors de ce scrutin organisé auprès des 40 000 militants revendiqués par le parti d’extrême droite.

Favori de l’élection, il est le premier « non-Le Pen » à diriger l’ancien Front national, créé en 1972 par Jean-Marie Le Pen. « Le 18e congrès du FN/RN est porteur des plus grands espoirs pour notre pays, tant qu’il en est temps. Bravo à Jordan, pensées nationales pour Marine », a réagi ce dernier sur Twitter.

Devant les militants, réunis à la Maison de la Mutualité (à Paris), Jordan Bardella a dit « mesurer la charge de cette nomination avec gravité et humilité ». « Je pense à deux femmes sans lesquelles je ne serais pas celui que je suis devenu aujourd’hui, a-t-il ajouté : tout d’abord, ma mère, qui m’a élevé dans la difficulté financière de Drancy, en Seine-Saint-Denis, (…) et la deuxième personne, vous l’avez deviné, c’est Marine Le Pen. (…) Je voudrais lui dire toute ma reconnaissance et ma fièreté. »

Le nouveau président du RN a également remercié les organisateurs du scrutin, puis son adversaire, à qui il a proposé la première vice-présidence du parti, « pour la tenue de cette campagne qui s’est déroulée dans un esprit fraternel ». Il s’est enfin adressé aux électeurs de Louis Aliot, affirmant qu’« ils ont toute leur place dans l’aventure qui vient ».

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Jordan Bardella a rappelé les principales grandes lignes du programme du RN, dont la lutte contre l’immigration. « Le peuple de France est forcé de subir une politique migratoire qu’[il] n’a pas choisie, a-t-il déclaré. La France ne doit pas être l’hôtel du monde. » En référence aux prochaines échéances électorales, il a ajouté : « L’urgence, c’est l’alternance. C’est notre ambition et c’est notre mission. »

Stratégie de banalisation

Ce changement à la tête du parti doit permettre à Marine Le Pen de se concentrer sur l’Assemblée nationale et ses ambitions élyséennes intactes. L’eurodéputé de 27 ans a annoncé à plusieurs reprises qu’il entendait soutenir une nouvelle candidature de Marine Le Pen à l’élection présidentielle de 2027. L’exclusion d’un député du RN pour des propos racistes vient toutefois perturber cette intronisation attendue.

Le RN semblait, en effet, rattrapé par ses vieux démons lorsque ses députés, Marine Le Pen comprise, ont été les seuls, vendredi, à rester assis au moment du vote dans l’hémicycle de l’exclusion temporaire de Grégoire de Fournas, élu de Gironde, après la vague d’indignation suscitée par ses propos racistes.

La stratégie de banalisation du parti, qu’a promis de poursuivre Jordan Bardella, s’en trouve ébranlée, d’autant que le député sanctionné a régulièrement affiché son soutien au candidat.

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Proche de Marine Le Pen

Initialement pourtant, le week-end devait être l’occasion d’orchestrer une transition tranquille dans un parti à l’histoire mouvementée. En effet, le résultat du vote des adhérents, qui a été révélé samedi matin à la Mutualité, à Paris, a mis fin à un faux suspense : après trois mois de campagne, nul n’imaginait que le président par intérim puisse échouer face à son rival, le maire de Perpignan, Louis Aliot.

Le nouveau président du Rassemblement national, Jordan Bardella, à la Mutualité, à Paris, samedi 5 novembre 2022.

Ce passage de relais à Jordan Bardella doit permettre à Marine Le Pen de se libérer des tâches internes parfois ingrates, alors que l’épicentre du RN se trouve désormais à l’Assemblée nationale, où la députée du Pas-de-Calais rayonne sur un groupe de 89 élus et consolide plus que jamais son assise politique et médiatique. « C’est avec une certaine émotion que je quitte aujourd’hui la présidence du Rassemblement national. Félicitations à notre nouveau président, Jordan Bardella, à qui je transmets aujourd’hui le flambeau », a déclaré Marine Le Pen.

Délestée de l’intendance du RN, en particulier de l’épineuse équation financière, elle pourra peaufiner une quatrième candidature à la présidentielle, que personne dans le parti n’ose remettre en cause.

Jordan Bardella, lui, va désormais devoir trouver sa place, alors que le parti a souvent réservé un sort cruel à ses numéros deux – « le destin de dauphin est parfois de s’échouer », avait résumé, en son temps, Jean-Marie Le Pen. Il a pour lui d’avoir connu une fulgurante ascension, entamée en 2019 lorsqu’il avait pris la tête de la liste du RN aux élections européennes, avant de rafler la présidence par intérim du parti l’année dernière.

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Une figure du RN dénonce un « rabougrissement » du parti

L’élection de Jordan Bardella n’a pas été au goût de tout de le monde. Le maire d’Hénin-Beaumont, Steeve Briois, figure du RN et soutien de Louis Aliot, a dénoncé un « rabougrissement » du parti après son exclusion de la nouvelle instance exécutive présidée par Jordan Bardella. Dans un communiqué, il a déclaré :

« Alors que depuis de nombreux mois je tire la sonnette d’alarme sur une potentielle “reradicalisation”, je ne peux voir dans mon éviction qu’une sanction pour avoir voulu sensibiliser sur un phénomène que les faits confirment, depuis les ronds de jambe faits à certains intégristes, jusqu’à l’adoption de positions droitardes, contraires à mon sens au “ni droite ni gauche” qui a prévalu pendant des décennies au Front national. »

Après son élection à la présidence du parti, samedi, Jordan Bardella a composé un nouveau bureau exécutif dominé par ses proches, bien qu’il ait offert la vice-présidence du parti à son adversaire, Louis Aliot. Faute d’avoir été nommé au puissant bureau exécutif, ce dernier a annoncé son refus de siéger, ainsi que M. Bardella le lui proposait, au bureau national – une instance au pouvoir bien moindre –, « ce qui n’aurait été qu’un prétexte pour ne pas avouer ce qui s’apparente davantage à un début de purge contre ceux qui défendent la ligne sociale », attaque-t-il.

« Je ne peux qu’y voir un rabougrissement, et j’espère que le RN n’est pas en train de céder au grand “compromis nationaliste”, cette stratégie d’union des droites radicales, qui a échoué à la présidentielle, plutôt que de l’ensemble des patriotes de droite comme de gauche », poursuit-il. Jordan Bardella, qui jure sa « fidélité » et sa « loyauté » à Marine Le Pen, est critiqué par ses détracteurs pour ses accointances avec les « identitaires » ou une trop grande mansuétude envers ceux qui étaient partis chez Eric Zemmour.

« Certaines outrances me donnent encore raison », affirme M. Briois, qui « regrette que des années de dédiabolisation soient en train d’être réduites à néant avec comme seul but de plaire à une minorité électorale, avec le risque d’une nouvelle mise à la marge du RN ».

Le Monde avec AFP et Reuters

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