Logiciel libre à l’Education nationale: une question, une non-réponse et des éléments

 Salle de classe en école primaire (2007). Photo: Marianna / Wikimedia Commons) / licence CC by-sa

On peut poser des questions dans le cadre de sa profession – c’est un des charmes du métier de journaliste, où on peut tenter perpétuellement d’assouvir sa curiosité (et ainsi celle de ses lecteurs ou auditeurs) – ou d’un mandat, par exemple électif. Tout dépend ensuite en face de la volonté ou pas de répondre.

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Une réponse brumeuse

Exemple de réponse faiblarde cette semaine à l’Assemblée nationale, où la commission des affaires culturelles tenait, mercredi 23 septembre, une session de ses «rendez-vous du numérique éducatif», avec les responsables du Centre national d’enseignement à distance (CNED), du Laboratoire d’innovation et numérique pour l’éducation (LINE) et de la Direction du numérique pour l’éducation (DNE).

Une captation vidéo de trois heures de cette réunion est en ligne, et on y trouve – signalée par Alexis Kauffmann, cofondateur de Framasoft, cette question, à 51 min 30, de la députée (PCF) Elsa Fancillon:

«Il y a l’éducation au numérique, qui est à mon avis une question plus centrale que l’éducation par le numérique. Je vous ai peu entendus sur la place des géants du numérique, parce que pour moi l’éducation au numérique c’est avant tout, et ça doit être central, l’éducation à la liberté, et donc quelle place le service public du numérique peut-il donner au logiciel libre, à l’étude des programmations etc.?»

Comme le remarque Alexis Kauffmann, «malheureusement, la question elle a pas été répondue» (pour ceux qui se demanderaient d’où vient cette expression, explication).

Voici en effet l’embryon de réponse à la députée, de Jean-Marc Merriaux, directeur général de la Direction du numérique pour l’éducation (à 1 h 00 min 30 sec). La DNE fait partie du ministère de l’Education nationale, avec «pour mission l’impulsion et l’accompagnement de la transformation numérique du système éducatif, au bénéfice de la communauté éducative comme des agents»:

«Il est certain que les GAFAM ont été fortement utilisés pendant la période, même s’il est plus difficile de savoir exactement comment ils ont été utilisés. Mais je pense qu’en effet la question du discernement, la question de cette capacité à pouvoir aussi développer l’esprit critique, à pouvoir faire cette éducation au numérique est absolument centrale. Je tiens juste à préciser que depuis 2015, tout ce qui a été mis en place dans les différents programmes va dans le sens d’un renforcement de l’éducation au numérique (…) Il y a aujourd’hui un certain nombre de piliers, il nous faut toujours aller plus loin, mais il y a quand même des bases pour nous permettre de construire une éducation au numérique renforcée.»

Avec cette réponse claire et précise, nous voilà rassurés… Bon, au-delà de ce trollage, pour en savoir plus on lira avec profit cet article du Monde sur la suite Apps.education, des outils numériques pour les enseignants, sortis au printemps «grâce» au coup d’accélérateur du confinement. Et là, il y a (enfin) du Libre:

«Sept solutions sont privilégiées: Peertube, pour la diffusion de vidéos, Nextcloud, pour le stockage et le partage de documents, Etherpad et Codi-MD pour l’édition de texte en mode collaboratif, Discourse, pour la mise en place de forums, Jitsi pour les appels en vidéoconférence; seul un service de création de blogs a été conçu par l’éducation nationale.»

“Magnifique surprise”

Et ces commentaires en mai sur le podcast de l’April, avec Christian, un des administrateurs de l’association libriste:

«On a eu la magnifique surprise de voir qu’une plateforme, apps.education.fr, a été ouverte et propose donc six services numériques libres majeurs en ligne. Six, on a l’impression que ce n’est pas beaucoup, mais en fait ce sont six produits vraiment bien choisis, très pertinents et tout à fait adaptés aux besoins des enseignants et des élèves. (…)

Il faut savoir qu’à l’origine c’était un projet qui était déjà en cours mais qui devait être mis en ligne expérimentalement pour l’année prochaine. Donc oui, au sein du ministère de l’Éducation il y a des gens qui essaient de construire des solutions et de faire ça bien, notamment avec du logiciel libre, qui travaillent, qui ont des projets, des plannings. Du coup, là ils se sont retrouvés confrontés à l’urgence sanitaire et à se demander ce qu’ils pouvaient faire. Ils ont essayé de monter la plateforme tout de suite pour la mettre en ligne. Il se trouve pour que pour y arriver ils ont utilisé des centres de serveurs d’OVH et de Scaleway notamment. Du coup ils ont monté une énorme plateforme avec des centaines de serveurs pour pouvoir proposer ces services à l’ensemble des académies du ministère de l’Éducation nationale.»

Une nouvelle positive donc, même si avec 16.000 comptes (pour 850.000 enseignants) créés fin mai, le bilan semblait maigre, rapporte Le Monde. Mais l’hébergement, réalisé en urgence, est temporaire et la migration à venir n’a sans doute pas encouragé l’adoption de cette plateforme. L’Education nationale se désintoxiquera-t-elle des GAFAM (et notamment de leur M…)? La question, elle n’est pas encore répondue.

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