L’infection de Macron au Covid, une entorse à l’exemplarité sanitaire? – BFMTV

Cette semaine, le président a organisé des repas de travail auxquels ont participé plus d’une dizaine de personnalités politiques. À rebours, s’agacent certains, des règles imposées aux Français.

Argument convaincant ou joker paresseux? Jeudi après-midi, quelques heures après le diagnostic positif d’Emmanuel Macron au Covid-19, Christophe Castaner a sorti les rames. À l’Assemblée nationale, le président du groupe La République en marche a été interrogé au sujet des repas de travail organisés la veille et l’avant-veille par le chef de l’État. Des réunions auxquelles a été conviée plus d’une dizaine de personnalités politiques, à l’heure où les Français se voient rabâcher la limite des six personnes attablées afin de limiter la circulation de la maladie.

“Quand vous êtes femme ou homme public, vous êtes amené à côtoyer peut-être un peu plus de monde”, a expliqué Christophe Castaner.

“Plus de monde”, c’est l’ensemble des barons de la macronie, réunis mercredi soir à l’Elysée. D’après Le Point, qui a révélé l’information, il y avait là – entre autres – le Premier ministre Jean Castex, le secrétaire général de la présidence Alexis Kohler, le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand, le patron du MoDem François Bayrou, les conseillers Stéphane Séjourné et Thierry Solère, l’ex-conseiller Philippe Grangeon… Dans le contexte sanitaire actuel, cela fait effectivement un peu de monde.

Précautions

La conduite des affaires de l’État est un passe-droit récurrent, invoqué à de nombreux moments de notre Histoire pour justifier telle ou telle exception à la norme. En l’espèce, l’entourage du président de la République a expliqué que les règles de distanciation avaient été scrupuleusement respectées. La disposition de la salle, détaillée par BFMTV, est censée illustrer concrètement cette distanciation.

À ce stade de la pandémie de Covid-19 toutefois, et au vu des précautions exigées de la part des Français par l’exécutif, difficile de savoir si cette excuse peut être entendue, malgré son caractère parfaitement légitime. D’autant plus que, dîner oblige, il y a nécessairement eu un laps de temps où les convives ne portaient plus leur masque.

Sur les réseaux sociaux, les contempteurs d’Emmanuel Macron se donnent un malin plaisir à relayer un propos de Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale, tenus sur France Inter le 29 octobre:

“Il ne suffit pas d’avoir peur, d’être en colère, il faut aussi faire attention. Car si vous (…) ou moi-même, nous sommes malades demain, c’est parce qu’à un moment donné, nous n’aurons pas fait aussi attention que nécessaire.”

Hypocrisie?

Contacté par BFMTV.com, un ancien membre du gouvernement d’Édouard Philippe juge le parallèle totalement décalé. “C’était une réunion de travail, il faut arrêter… Si on continue à insister là-dessus, on fout Le Pen au pouvoir, moi je vous le dis”, entame-t-il, plutôt agacé.

“Dans les entreprises ou dans les médias où je me rends, je vois bien qu’il y a des réunions de travail à plus de dix. Si le président s’était tapé la cloche avec ses potes artistes, avec Stéphane Bern, Bernard Montiel, là oui, ce serait un énorme problème. Il se serait fait défoncer et c’est normal”, poursuit ce macroniste des origines.

À gauche, certains n’ont pourtant pas pris de pincettes, à l’instar d’Eric Coquerel, député La France insoumise de Seine-Saint-Denis.

“Brunch tragique à l’Élysée: le sommet de l’État en isolement. Mais que fait la police? Un irresponsable, porteur du Covid apprend-on, organise un déjeuner de plus de 10 personnes, sur invitation contrainte et pourtant sans protection barrière, rue du fbg St-honoré”, a tweeté l’élu LFI, avant d’expliquer qu’il s’agissait là d’un trait d’ironie.

Son collègue François Ruffin est allé encore plus loin ce vendredi, ciblant “des mecs (qui) gloutonnent des fruits de mer à 10 jusque minuit passé! Pendant que pour nous, pour les gens normaux, c’est pas plus de 6 à table même pour le Réveillon!”

“Il y a une loi pour les humains et au-dessus des lois Jupiter et les héros de l’Olympe. Le séparatisme, c’est eux”, condamne le député de la Somme.

Pas un “citoyen lambda”

À droite, de tradition plus verticale et régalienne, on se montre beaucoup plus compréhensif. “Je ne lui reproche pas du tout les repas à plus de dix. Il est président de la République, pas citoyen lambda. Ce n’est pas entendable par les Français, mais c’est la réalité”, tranche Pierre-Henri Dumont, député Les Républicains du Pas-de-Calais, auprès de BFMTV.com.

Ce vendredi matin sur RTL, la ministre déléguée à la Citoyenneté Marlène Schiappa, n’a pas invoqué cette dichotomie entre pouvoir exécutif et citoyens ordinaires.

“On est vraiment dans des choses différentes. La règle des six à table, c’est vraiment pour les moments conviviaux, pour les fêtes, etc. Là il s’agissait (…) d’un instant de travail, une réunion de travail au cours de laquelle il s’avère que les participants dîné parce qu’il était tard”, a-t-elle défendu.

Cité plus haut, son ancien collègue gouvernemental estime qu’il faut arrêter de “se raconter des histoires” et que “le prisme déformant des réseaux sociaux” fausse les perceptions. Et de conclure:

“Les Français ne sont pas idiots, vous savez. Ils se disent, ‘bah Macron est comme nous quoi, il bosse’. Et puis vous pensez qu’il respectent à la virgule le confinement? Vous n’avez pas fait un dîner à plus de six, vous?”

Jules Pecnard Journaliste BFMTV

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