L’île grecque de Kastellorizo, en première ligne face aux menaces de la Turquie – Le Monde

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Publié aujourd’hui à 06h30, mis à jour à 10h42

Rien n’indique que le chevalier Giorgis, qui terrassa à Lydda d’un unique coup d’épée ou de lance le célèbre dragon (en fait, un bandit perse appelé Nahfr), se soit un jour arrêté, au cours de sa vie aventureuse, à Megisti. Le nom de celui qui est devenu Saint-Georges pour les chrétiens est pourtant présent partout sur l’île, du monastère aux églises et aux bateaux, comme si l’évocation du saint patron des chevaliers était un gage de protection. Pour les habitants de l’île grecque la plus orientale de l’archipel du Dodécanèse – plus connue à l’étranger sous le nom de Kastellorizo, hérité des croisades et en vigueur jusqu’à ce qu’Athènes lui redonne en 1957 son nom grec antique de Megisti –, le dragon s’appelle aujourd’hui Recep Tayyip Erdogan.

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Le président turc a soudainement ravivé les tensions avec la Grèce, cet été, en ordonnant à ses navires de mener une campagne d’exploration gazière en Méditerranée orientale. Des avions de combat sillonnent aussi le ciel. Par ailleurs, M. Erdogan ne cache pas, dans des discours aux relents nationalistes et expansionnistes qu’il affectionne, qu’il trouverait logique qu’un îlot perdu en mer si loin de la Grèce continentale et si proche des côtes de Turquie revienne un jour, comme ce fut le cas durant le règne ottoman, dans le giron turc. Il a promis à la Grèce, en cas d’impasse politique sur les questions de souveraineté maritime, d’« amères expériences » et « la ruine ».

Militaires grecs et touristes débarquant dans le port de Megisti, sur l’île de Kastellorizo, le 28 août 2020.

Dans les tavernes du port de Megisti, l’évocation de Recep Tayyip Erdogan fait sourire… Il y a des décennies que les Kastelloriziens sont persuadés d’en avoir fini avec les conflits armés, et cela fait désormais des années qu’ils ont pris l’habitude, sans trop s’en soucier, d’entendre le président turc ruminer ses rengaines néo-ottomanes. Pour eux qui vivent loin d’Ankara et d’Istanbul, la Turquie est incarnée par la bourgade de Kas, que l’on aperçoit nettement de Megisti et où, en temps ordinaire, les îliens vont chaque jour se promener au bazar.

Destin tragique

« On vit depuis longtemps au rythme de ces tensions entre Ankara et Athènes, mais ici, les relations entre les populations grecque et turque sont excellentes », raconte Stratos Amygdalos, maire adjoint et porte-parole de Megisti. « Avec Kas, nous sommes comme des villes jumelles. Nous sommes amis », dit-il en sirotant un café glacé à la terrasse de son bistrot, le Stratos. Il faut dire que les habitants des deux rives ont tout pour vivre dans la tranquillité. D’un côté, Kas, située dans la province d’Antalya, sur la côte Turquoise, est devenue un lieu prisé à la fois pour la plongée sous-marine et pour ses activités culturelles, attirant artistes et bohèmes turcs. De l’autre, Kastellorizo peut sans aucun doute prétendre au statut d’île paradisiaque. Elle est un pont entre deux mondes, comme en témoignent un fort des chevaliers de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, des églises orthodoxes et une mosquée ottomane, et ces maisons colorées d’inspirations variées. Son charme attire des voyageurs du monde entier, dont, désormais, des princes et des milliardaires qui ancrent leurs yachts au large. Elle est devenue fort prospère après avoir été engloutie par les guerres au fil des siècles.

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