Liban : après les propos de Macron, les chiites répliquent vertement – Le Parisien

« Il a dit leurs quatre vérités aux hommes politiques corrompus et irresponsables, incapables de s’entendre sur un gouvernement alors que le pays coule sous leurs yeux, s’emporte Eliane, enseignante d’histoire dans une école catholique, entre deux cours en ligne, Covid oblige. Macron a nommé ceux qui dressent les obstacles, ce sont les chiites, Hezbollah en tête. »

Le président n’a épargné personne lors d’une conférence de presse consacrée au Liban dimanche soir, critiquant au passage l’ex-Premier ministre (musulman sunnite) Saad Hariri, accusé d’avoir introduit un facteur « confessionnel » dans le processus de formation du gouvernement. Mais il a surtout accablé le Hezbollah (parti musulman chiite). « Vous ne pouvez pas être à la fois une armée qui fait la guerre contre Israël, une milice qui participe au conflit en Syrie et un parti respectable au Liban! », a-t-il tancé le Hezbollah, avant de lui conseiller de « ne pas se croire plus fort qu’il ne l’est ».

Le parti pro-iranien et son allié chiite « Amal », dirigé par le chef du Parlement Nabih Berry, exigeaient le portefeuille des finances Ils insistaient aussi pour choisir leurs représentants au gouvernement, soupçonnant une intention de les écarter du pouvoir exécutif. Cette intransigeance a poussé le Premier ministre désigné, Moustapha Adib, à jeter l’éponge samedi dernier, et à précipiter une énième crise politique dans ce pays en plein marasme économique. Et frappé au cœur par l’explosion titanesque qui a dévasté le port de Beyrouth le 4 août dernier.

Un déchaînement de colère des chiites

« Le Hezbollah n’a jamais été aussi isolé, souligne Chafic Ghantous, employé dans une librairie du quartier de Gemmayzé, l’un des plus touchés par la catastrophe du 4 août. La France était encore le dernier pays occidental à lui parler, elle semble perdre patience ». Même ses plus proches alliés, comme le parti présidentiel (Courant patriotique libre, chrétien), se sont murés dans un silence embarrassé après la violente charge d’Emmanuel Macron. Recevant ce lundi l’ambassadeur français, le président Michel Aoun a réaffirmé son attachement à l’initiative française.

Celle-ci consiste à former un gouvernement de mission chargé de mener de profondes réformes afin de paver la voie à une aide internationale indispensable pour sauver le pays. Plan d’aide conditionnée à l’assainissement du système économique et financier, gangrené par une corruption endémique. La presse aussi a applaudi dans son ensemble aux propos du président français, à l’exception du quotidien Al-Akhbar, qui a dénoncé « l’impolitesse » de ses propos. « Emmanuel Macron s’est autoproclamé guide de la République libanaise », écrit ce journal proche du Hezbollah. Les chiites se défendent d’être les seuls responsables du blocage gouvernemental. Ils accusent l’ex-Premier ministre Saad Hariri de former en solo le cabinet et de céder aux pressions des Etats-Unis et de l’Arabie saoudite qui veulent écarter le Hezbollah du gouvernement.

La charge virulente et inattendue d’Emmanuel Macron contre le parti, très influent au Liban, a provoqué un déchaînement de colère des chiites. En quelques heures, le hashtag #Macronrespectezvoslimites a été partagé des milliers de fois sur Twitter. Les commentaires étaient parfois accompagnés de photos de l’attentat du Drakkar, perpétré le 23 octobre 1983 attribué au Hezbollah (mais pas revendiqué), qui avait fait 58 morts dans les rangs des parachutistes français déployés à Beyrouth. Ambiance… « Emmanuel Macron a abandonné son rôle d’arbitre au Liban et a décidé de prendre parti contre les chiites, il devra en subir les conséquences », regrette Ali Amhaz, courtier en assurance habitant la banlieue sud de Beyrouth, un fief du Hezbollah.

Leave a Reply

Discover more from Ultimatepocket

Subscribe now to keep reading and get access to the full archive.

Continue reading