L’exposition Vermeer, les copyrights abusifs et le domaine public

 

«La jeune fille à la perle» (vers 1665), de Johannes Vermeer, Mauritshuis (Wikimedia Commons, domaine public)

En ce moment se tient à Amsterdam une exposition Vermeer au Rijskmuseum: l’occasion rarissime de voir, pour ceux qui ont pu réserver (l’expo se tient jusqu’en juin, mais affiche complet), rassemblés la majorité des tableaux (on connaît 34 peintures seulement du maître néerlandais du XVIIe siècle), habituellement disséminés entre musées et collections publiques.

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Du Rijksmuseum au Louvre, des pratiques aux antipodes

A cette occasion, Douglas McCarthy, un spécialiste de l’open access dans la culture, s’est livré sur son site à un travail instructif: il a comparé, pour chacun des 28 tableaux exposés actuellement, la présence ou non d’un droit revendiqué par l’institution propriétaire de l’œuvre pour sa reproduction numérique.

La moitié exactement des tableaux font l’objet d’une telle revendication: sous forme de copyright pour 8 tableaux, de licences Creative Commons non commerciales pour 6 autres, le tout dans neuf institutions différentes (dont le musée du Louvre pour un tableau, “La Dentellière”).

Cinq autres musées ne prétendent pas à ce droit, soit en indiquant que l’œuvre est dans le domaine public, soit en précisant la placer sous une licence Creative Commons CC0 (ce qui revient pratiquement au même).

On constate ainsi que les deux musées les mieux dotés, le Rijksmuseum et la National Gallery of Art de Washington (4 tableaux chacun) – le premier mène depuis une décennie une remarquable politique de diffusion et partage libre – placent tous deux leurs œuvres sous CC0.

Douglas McCarthy souligne, dans son analyse, que dans la totalité des pays où se trouvent les musées qui ont prêté des œuvres à l’exposition, la protection par copyright (ou droit d’auteur dans un pays comme la France) est de 70 ans après la mort de l’auteur. Johannes Vermeer étant mort en 1675, voilà plus de 347 ans, cette restriction par les deux tiers des musées prêteurs est on ne peut plus contestable. Ce que des juristes appellent le copyfraud

En 2017, Calimaq (alias Lionel Maurel, juriste et bibliothécaire), avait précisément critiqué la politique du Louvre à propos, déjà, d’œuvres de Vermeer:

«Pour ce qui est de cette exposition Vermeer, la question de la propriété incorporelle ne se pose pas, car les œuvres présentées appartiennent toutes au domaine public et devaient donc pouvoir être reproduites librement. Le fait que des propriétaires privés possèdent les supports des œuvres ne leur permet nullement de supprimer cette liberté.»

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Œuvres de Johannes Vermeer par titre, dans Wikimedia Commons

Position officielle de la fondation Wikimedia sur la reproduction des œuvres d’art non couvertes par le droit d’auteur

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