L’exécutif à l’offensive face à Orange dans le dossier de l’entretien du réseau cuivre

L'exécutif à l'offensive face à Orange dans le dossier de l'entretien du réseau cuivre

Si la présidence de l’Arcep est actuellement vacante après le départ de Sébastien Soriano, le sujet de la bascule du cuivre vers la fibre n’a jamais été aussi brûlant. Pour rappel, l’état-major d’Orange a présenté en 2019 son plan stratégique Engage 2025, et doit le porter au cours des prochaines années. Parmi les mesures phares alors annoncées par l’opérateur historique, figure notamment l’extinction du réseau cuivre, le service universel dont Orange est délégataire.

L’opérateur présidé par Stéphane Richard a beau avoir souvent été rappelé à l’ordre par les autorités sur le respect de ses engagements concernant ses obligations sur ce point, sa direction entend toutefois opérer la bascule du cuivre vers la fibre le plus rapidement possible, et cela à compter de 2023. Et de fixer la date de l’extinction du réseau cuivre à 2030. Une décision qui passe mal auprès de certains élus de territoires ruraux, qui craignent d’être les oubliés de la bascule du cuivre vers la fibre, et de devoir subir plusieurs années de vaches maigres en termes de connectivité, dans l’attente d’une solution pérenne pour accéder au très haut débit.

Et si l’Arcep a régulièrement menacé l’opérateur historique d’une mise en demeure sur le sujet au cours des derniers mois, le sujet a récemment été mis sous le tapis dans l’attente de la nomination du successeur de Sébastien Soriano à la présidence du régulateur, un poste qui devrait sans doute revenir à la députée Agir d’Eure-et-Loir, Laure de La Raudière, d’ici à la fin du mois.

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Une mission flash pour faire le point

Le gouvernement a toutefois décidé de prendre tout le monde de vitesse dans ce dossier, en confiant ce jeudi à la députée LREM de la Drôme Célia de Lavergne une mission flash afin de « préciser le diagnostic des dysfonctionnements et faire des propositions au gouvernement », selon les mots du Secrétaire d’Etat au Numérique Cédric O. Une mission essentielle, selon ce dernier, pour qui « si la fibre et le mobile connaissent un rythme de déploiement inégalé, l’accès au téléphone fixe reste essentiel pour beaucoup de Français ». Et d’affirmer que « les problèmes répétés d’accès et de qualité signalés dans certains territoires ne sont plus acceptables ».

Un changement de ton qui ne doit rien au hasard. Dans une tribune signée mi-décembre par Célia de Lavergne et 215 autres élus, la députée de la majorité fustigeait déjà le manque d’entretien du réseau par Orange, ainsi que le fait « que l’ouverture d’une ligne prenne plus de six mois, et la réparation des semaines » alors que l’opérateur est « censé intervenir sous 48 heures ». « Si ces lignes en cuivre ont vocation à être remplacées par la fibre, nous ne pourrons nous en passer pendant encore au moins 10 ans. D’ici là, nous en sommes cruellement dépendants », faisaient alors valoir les signataires de cette tribune.

Le lancement de cette mission parlementaire – dont les premiers arbitrages interviendront à la mi-février – intervient alors que la dernière convention signée entre l’Etat et Orange concernant la délégation du service universel, signée le 27 novembre 2017 pour une durée de trois ans, est récemment arrivée à échéance. Cette délégation doit désormais laisser sa place à un nouvel accord « qui prévoit un accès au haut débit internet en plus de la téléphonie fixe ». Hasard du calendrier ou non, le secrétaire d’Etat au Numérique et le secrétaire d’Etat à la Ruralité, Joël Giraud, ont fait savoir qu’ils s’entretiendraient bientôt avec le PDG d’Orange, Stéphane Richard, sur le sujet.

Des plaintes récurrentes

Reste à voir si cette mission parlementaire ainsi que le changement de ton de l’exécutif dans ce dossier poussera Orange, délégataire du service universel, à mettre les moyens pour garantir une extinction du réseau cuivre apaisée dans les territoires ruraux encore dépourvus de tout accès au très haut débit ou à des solutions de connectivité alternatives. La nouvelle convention attendue entre les autorités et l’opérateur historique sera donc scrutée de très près par les élus signataires de cette tribune, pour qui « seul un effort inédit et immédiat de l’opérateur, couplé au contrôle vigilant, renforcé et territorialisé des pouvoirs publics, permettra d’améliorer la situation ».

Ce n’est pas la première fois que des élus des territoires pointent du doigt les failles d’Orange dans l’application de sa mission de délégataire du service universel. En janvier 2019, le député LREM du Gard, Olivier Gaillard, avait porté plainte contre l’opérateur historique pour « atteinte grave et manquements répétés et discriminatoires à l’obligation de garantir l’égal accès au service universel ». L’élu dénonçait alors des « dysfonctionnements récurrents » pouvant aller jusqu’à « l’absence totale de service (téléphonie fixe et internet ADSL) de manière prolongée ».

En novembre 2018, des élus de l’Ardèche avaient déjà tapé du poing sur la table pour alerter sur les dysfonctionnements constatés sur le réseau cuivre de leur région. Rassemblés autour de quatre députés de la région, les maires des communes locales menaçaient alors de refuser de verser les factures d’Orange « tant que l’opérateur ne fera pas son travail ».

Un coût estimé à 500 millions d’euros par Orange

Reste qu’Orange a également des arguments à faire valoir en gage de sa bonne foi. Alors que sa gestion de la qualité du réseau cuivre, dont il a la responsabilité en qualité d’opérateur du service universel, avait fait l’objet de sévères rappels à l’ordre en octobre 2018, celui-ci a rectifié le tir ces derniers mois, comme le relevait l’Arcep au mois de septembre dernier. « Les indicateurs de qualité de service se sont significativement améliorés et la quasi-totalité d’entre eux ont dépassé les objectifs annuels fixés par le ministre pour 2019 », applaudissait-on alors du côté du gendarme des télécoms.

Et de relever que 85 % des pannes repérées en 2019 avaient été réparées en 46 heures (pour un objectif fixé par les autorités à 48 heures), alors que ce délai était de l’ordre de 62 heures en 2018. Et si la crise sanitaire est passée par là, rendant certaines opérations d’entretien plus difficiles, l’opérateur historique s’était engagé à rétablir la qualité de service sur le réseau fixe au second semestre 2020. S’il n’est pas encore possible de savoir si ces engagements pris auprès des autorités ont été tenus, la direction de l’opérateur indique prendre sa mission d’opérateur du service universel très au sérieux.

Alors qu’Orange investit pas moins de 500 millions d’euros par an dans l’entretien de ce réseau vieillissant, l’opérateur historique attend la bascule du cuivre vers la fibre avec impatience. « Il faut que chacun comprenne qu’on ne va pas garder indéfiniment deux réseaux fixes en France : un réseau de fibre optique avec une boucle locale et un réseau cuivre », rappelait en effet le PDG d’Orange, Stéphane Richard, fin 2019. La nouvelle mission parlementaire initiée par le gouvernement permettra sans doute d’en savoir plus sur les plans de l’opérateur concernant cette bascule, également scrutée comme du lait sur le feu par la probable future présidente de l’Arcep, Laure de La Raudière.

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