Les travailleurs indépendants face à la gestion algorithmique dans la gig economy

Les travailleurs indépendants face à la gestion algorithmique dans la gig economy

Les lois sur la protection des données « faiblement appliquées » ont entraîné des « niveaux de transparence terriblement inadéquats » autour de l’utilisation de la surveillance algorithmique et des systèmes de prise de décision dans la gig economy, selon un rapport.

Une étude publiée par le Worker info Exchange (WIE), une organisation à but non lucratif qui défend les droits des travailleurs sur les données que les employeurs détiennent à leur sujet, met en garde contre le profilage injuste et la discrimination dont font l’objet les travailleurs indépendants par des systèmes automatisés qui visent à « maintenir un pouvoir d’exploitation » sur eux.

Le rapport révèle que les travailleurs indépendants se voient régulièrement refuser l’accès aux données personnelles les concernant par des entreprises qui utilisent des outils de machine learning pour répartir le travail et gérer les employés.

L’organisation a également accusé les employeurs de plateformes de retenir les données de performance et de surveillance « sous couvert de prévention anti-fraude » et d’exploiter les lois actuelles sur la protection des données pour « entériner des décisions injustes prises par des machines », laissant les travailleurs indépendants sans moyen de les contester.

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Fort impact sur le quotidien des travailleurs

Les entreprises de plateformes opèrent dans un espace où elles pensent pouvoir établir les règles, explique Bama Athreya, membre de l’Open Society Foundations. « Malheureusement, ce n’est pas un jeu : les réalités virtuelles ont de lourdes conséquences pour les travailleurs indépendants dans la vie réelle », dit-elle.

Le rapport de WIE s’inscrit dans le sillage des préoccupations croissantes concernant la prévalence de la surveillance algorithmique et des technologies de prise de décision sur le lieu de travail, notamment depuis le début de la pandémie de Covid.

Une étude réalisée en novembre 2021 par le syndicat Prospect révèle qu’un tiers des employés estiment être soumis à une forme de surveillance par leur employeur.

Les systèmes de contrôle et de surveillance électroniques ont également fait l’objet d’un rapport des services de la Commission européenne, qui met en garde contre d’importants « risques psychosociaux » pour les travailleurs régulièrement soumis à une prise de décision et à une surveillance automatisées.

Haro sur le manque de transparence

Kirstie Ball, professeure à l’université de St Andrews en Ecosse et autrice du rapport, indique qu’une surveillance excessive et intrusive menace également d’éroder les relations employeur-employé, à moins que les travailleurs n’aient un meilleur aperçu de la manière dont leurs données sont utilisées et que des agents humains jouent un rôle plus important dans la supervision des décisions prises par les machines.

Le rapport de WIE souligne que les entreprises de plateformes utilisent souvent des failles juridiques pour les dispenser de remplir certaines obligations d’employeur ou de payer des impôts ou des cotisations d’assurance nationale. Ce qui a permis à beaucoup de ces entreprises de “disrupter” leur industrie, en leur permettant de « changer rapidement d’échelle et de construire un avantage concurrentiel à partir d’une offre excédentaire de travailleurs non payés et sous-payés qui attendent du travail, tout en dépréciant leurs propres salaires ».

Les modifications potentielles en termes de conformité au règlement général européen sur la protection des données (RGPD) au Royaume-Uni, qui donneraient aux employeurs une plus grande discrétion sur la façon dont ils répondent aux demandes d’accès aux données des employés et réduiraient leur obligation de préparer des évaluations d’impact sur la protection des données autour du traitement des données sensibles, constituent également un “coup de marteau” concernant les droits des travailleurs indépendants. « Au Royaume-Uni, ces droits numériques déjà faibles pour les travailleurs seront fatalement compromis si les propositions du gouvernement sur la divergence du RGPD sont adoptées par la loi », indique le rapport.

« Tous ces problèmes sont aggravés par l’incapacité des plateformes à respecter les droits numériques des travailleurs. Notre rapport montre des niveaux de transparence terriblement insuffisants sur l’étendue de la gestion algorithmique et de la prise de décision automatisée auxquelles les travailleurs sont soumis dans la gig economy. »

Un long chemin judiciaire

Faire passer leurs affaires devant les tribunaux représente un autre défi pour les travailleurs indépendants, selon le rapport. En conséquence, la reconnaissance plus large des problèmes posés par la gig economy – en particulier au niveau gouvernemental – fait défaut.

« Même lorsque les droits des travailleurs ont été affirmés, comme au Royaume-Uni, le gouvernement n’a pas fait respecter ces droits à plus grande échelle. Les travailleurs n’ont donc guère d’autre choix que d’intenter une action en justice, s’ils ont les ressources nécessaires pour le faire », indique le rapport. « C’est pourquoi les travailleurs doivent améliorer leur pouvoir de négociation par l’organisation et l’action collective. La capacité des travailleurs à accéder à leurs données et à les mettre en commun est donc une force puissante d’organisation qui n’a pas encore été correctement exploitée. »

A noter qu’en Europe, la régulation sur les emplois des plateformes s’achemine vers une présomption salariale. Les travailleurs des plateformes numériques pourront prochainement être requalifiés en salariés quand c’est nécessaire, sur la base de critères de contrôle pour l’employeur définis par la Commission.

Source : ZDNet.com

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