Les syndicats cherchent à encadrer le télétravail (mais doivent convaincre les patrons) – 20 Minutes

Le télétravail peut engendrer beaucoup de stress si vous ne vous fixez pas un cadre. — iStock / City Presse
  • Syndicats et organisations patronales sont engagés dans des discussions autour du télétravail. Une seconde réunion de « diagnostic » s’est tenue ce jeudi 2 juillet.
  • Ces discussions ont pour objectif de dresser un bilan du travail à distance, qui est entré dans le quotidien des Français et de nouvelles entreprises avec le confinement.
  • Les syndicats aimeraient en profiter pour élaborer de nouvelles règles avec le patronat, pour limiter les dérives du travail à distance. Le Medef, de son côté, ne veut pas intervenir. Les partenaires sociaux décideront des suites à donner au sujet en septembre prochain.

Avec le confinement, le télétravail est entré dans le quotidien de nombreux Français. Et face à une telle révolution, il était difficile pour les syndicats et les organisations patronales de ne pas réagir. Depuis début juin, ils ont engagé des discussions afin de dresser un « diagnostic partagé » sur le travail à distance. Une nouvelle réunion vient de se tenir ce jeudi, avant deux autres prévues en septembre.

Pour les syndicats, il est urgent d’anticiper les dérives possibles du télétravail. Si le travail à distance a été pour beaucoup de Français une source supplémentaire de confort, avec des heures de transport voire de sommeil gagnées ainsi qu’une autonomie accrue, il a aussi eu des conséquences sur les conditions de travail. Il a été synonyme, pour certains, d’ un plus fort contrôle. Sans parler des conditions matérielles qui ont pu être difficiles dans des appartements exigus avec un équipement peu adapté, qui a mis nos dos et parfois notre moral à rude épreuve.

La tentation du tout télétravail

Parce qu’il a été inédit pour beaucoup de monde, il a aussi donné de nouvelles idées à certaines entreprises. « Il y a une volonté, du côté des grosses entreprises, de profiter du télétravail pour réaliser des gains de productivité à court terme, en augmentant la charge de travail tout en diminuant les coûts immobiliers », constate Jérôme Vivenza, en charge des questions de santé au travail à la CGT.

Tous ont en tête le cas de PSA, qui a annoncé en mai son projet de pérenniser le télétravail pour ses salariés pour n’exiger plus qu’un jour à un jour et demi de temps de présence sur site par semaine. Au sein du groupe automobile, les négociations sont en cours pour parvenir à un accord. « Le télétravail ne peut plus être ni perçu ni envisagé comme une contrainte qui s’imposerait aux salariés », a prévenu le syndicat Force ouvrière.

Des négociations délicates

« L’idée n’est pas de développer le 100 % télétravail, car dans une telle organisation, la créativité des employés n’est pas tout à fait la même. L’intérêt est d’articuler télétravail et présentiel en fonction des usages », explique Catherine Pinchaut, secrétaire de la CFDT en charge de ce dossier. D’autant que « le télétravail ne plaît pas à tout le monde », précise-t-elle. Il comporte aussi un risque d’isolement et peut porter atteinte à la santé mentale des salariés.

En cas d’instauration massive du télétravail couplée à des réductions de surface de bureaux, la CFDT rappelle l’importance d’un « dialogue social de qualité ». L’enjeu est de pouvoir négocier sur « les conditions de travail dans les espaces de travail reconfigurés et l’investissement dans des conditions améliorées d’exercice du télétravail », réclame le syndicat réformiste, en chœur avec l’Unsa et la CFTC.

Et pour cause : en échange du télétravail et afin de gagner des mètres carrés, certaines grandes entreprises prônent le flex office. Les salariés n’y disposant pas d’une place de travail attitrée, cette organisation les expose à une «lutte des places». Sur le plan de la qualité de vie au travail dans ces locaux, elle insatisfait 22 % des travailleurs concernés, selon une enquête datée de 2019  d’Actineo, un observatoire de la qualité de vie au bureau.

Le Medef ne veut pas légiférer

Ne pas passer au tout télétravail fait a priori consensus entre syndicats et patronat. « Le télétravail a amené beaucoup de satisfaction pour certains salariés, mais aussi des contraintes, parfois des burn-out, des problèmes de management. C’est pas l’alpha et l’oméga […] Recréer de la richesse, c’est aussi être présent physiquement dans les entreprises », soulignait sur Europe 1, début juin, le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux.

Mais au-delà de ce point, le Medef refuse de créer de nouvelles règles sur le télétravail. Et ne dit rien des évolutions concrètes qu’il souhaite voir sur ce sujet, estimant la question « prématurée », répond l’organisation patronale à 20 Minutes. Selon l’AFP, de ces discussions, le patronat souhaite en tout cas élaborer « une synthèse » pour aider les entreprises à mettre en place et négocier le télétravail. Un accord national interprofessionnel – c’est-à-dire un texte signé entre organisations syndicales et patronales qui a force obligatoire – n’est pas nécessaire, car « les normes juridiques sont parfaitement applicables », a expliqué le Medef à l’AFP.

Frais de télétravail

Les syndicats aimeraient pourtant, de leur côté, renforcer certaines règles. Ils n’ont guère apprécié que le télétravail ne puisse être régulé par une simple charte en entreprise, c’est-à-dire sans accord collectif, comme le prévoient les ordonnances Macron de 2017. « Il y a intérêt à remettre un peu de formes, voire de normes pour que tout le monde s’y retrouve », estime Catherine Pinchaut, de la CFDT. Notamment pour protéger les salariés de petites entreprises où la présence syndicale est moindre.

Le guide du ministère du Travail, publié en mai pour guider les employeurs dans la négociation d’accords, n’a pas suscité la polémique par hasard. « Dans ce guide, le Ministère du travail foule aux pieds […] l’obligation générale de prise en charge des frais professionnels de l’ensemble des salarié·e·s, télétravailleur·se·s ou non », s’est indigné la CGT.

Une manière de répéter leur opposition aux ordonnances Macron qui, selon le syndicat, ont certes développé le télétravail mais ont aussi au passage appauvri les droits du télétravailleur. Depuis 2017, « l’employeur n’est pas tenu de verser à son salarié une indemnité de télétravail destinée à lui rembourser les frais découlant du télétravail, sauf si l’entreprise est dotée d’un accord ou d’une charte qui la prévoit », rappelait le guide.

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