Les limites du numérique

Les limites du numérique On avait l’habitude que le numérique soit vu comme un outil magique et pourtant, ce confinement nous a montré qu’il restait surtout un outil.

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Divertissements

D’une façon ou d’une autre, on a tous béni Internet et les plateformes de streaming d’exister durant les deux mois qui viennent de s’écouler. Heureusement que Netflix et consorts sont venus à la rescousse des personnes en mal de divertissement parce que s’il avait fallu se contenter de la télévision, on aurait tous sauté par la fenêtre.

Même moi, j’ai délaissé les chaînes d’info en continu qui n’avaient pas d’autre choix que de parler de l’épidémie. Or, si les informations purement factuelles doivent être délivrées, les délires hautement dispensables des éditorialistes auraient eu raison de ma santé mentale. On allait mourir du virus, on allait mourir de la crise économique, c’est terrible, le monde va s’effondrer et on court tous en rond en agitant les bras. 

Quitte à se faire peur, autant compulser le catalogue horreur d’Amazon Prime ou souscrire à Shadowz, au moins, la mise en scène sera moins exaspérante. Évidemment, il y a aussi les jeux en ligne et quelque chose me dit que les plateformes ont dû enregistrer des records d’inscription ou d’activité. Du côté de King, on a fait des efforts et sur plusieurs jeux, dont Candy Crush et Candy Crush Soda Saga, l’éditeur a offert pendant deux semaines des vies illimitées. On a presque envie de dire qu’heureusement, certains ont joué le jeu, parce que pour le reste, tout était limité.

Monotonie

Internet nous a permis de jouer, de regarder des films et de travailler. C’est là que la fracture numérique s’est révélée au grand jour. Entre les personnes qui n’avaient pas les équipements adéquats, ceux dont la connexion était instable et ceux qui ne savent tout simplement pas se servir d’un ordinateur, ce confinement a été la démonstration que la majorité des gens ne savaient pas se servir d’un ordinateur. Mention spéciale évidemment pour l’Éducation nationale qui a décrété le téléenseignement, à charge pour les parents et les enseignants de se débrouiller.

On a aussi croulé sous les injonctions contradictoires et culpabilisantes. Ne commandez pas sur Amazon ! Consommez ! Travaillez ! Faites du sport ! Mangez équilibré ! Travaillez ! Consommez ! Ne vous déplacez pas ! Twitter est devenu une cellule de soutien psychologique où chacun s’est regardé le nombril et a donné des ordres sur la manière de diriger le monde, vu depuis la fenêtre de son appartement. C’était absolument merveilleux.

Comme dans toute histoire, il y a des gentils et des méchants. Durant le confinement, c’était bien évidemment les GAFAM qui étaient les vilains méchants pas beaux, à la fois pour les internautes et pour le Gouvernement. Du côté des internautes, tout le monde a décidé de jeter la pierre à Amazon quand certains n’ont pas carrément appelé à ce que le géant ferme ses entrepôts. On ne le redira jamais assez : Amazon, comme d’autres, est venu combler un manque. Tout le monde n’habite pas Paris centre avec sa pléthore de magasins au pied des immeubles et tout le monde ne va pas faire deux heures de trajet pour faire un achat.

Avant de vouloir absolument casser les pattes du géant, il va falloir penser à des alternatives qui ne soient pas hypocrites. Pourquoi Amazon serait le diable, mais pas la FNAC ou Cdiscount ? D’autant que les premiers perdants d’un éventuel bannissement du géant de France seraient les salariés. Bien évidemment, Amazon comme les autres doit respecter les règles du jeu. Mais s’imaginer qu’un éventuel boycott des consommateurs ou même une loi aurait un réel impact est stupide. À ce jour, c’est la branche cloud d’Amazon qui dégage le plus de bénéfices. Ce qui nous amène à un autre paradoxe.

Chamailleries

Le secrétaire d’État au numérique bataille ferme pour imposer son application numérique Stop Covid, non seulement dans l’opinion publique, mais aussi auprès du Gouvernement, le Premier ministre et le Président n’étant que très moyennement convaincu par sa fabuleuse idée.

Qu’à cela ne tienne, il a gratifié la blogosphère d’un article sur Medium, dans lequel il détaille son point de vue sur le sujet. On ne peut être que fasciné par l’obstination de certains à combattre les GAFAM, en écrivant des articles de blog sur une plateforme qui a été financée par Google.

En substance, si on refuse d’installer cette hypothétique application — qui n’existe pas encore — on sera responsable de morts supplémentaires. Je m’en voudrais énormément de briser les illusions du secrétaire d’État, mais nous ne sommes pas dans Countdown et il n’existe aucune application qui vous fera mourir ou vivre. On évitera aussi de souligner que ce type d’argument est du niveau d’un élève de CM2, ce qui est injurieux pour lesdits élèves de CM2, j’en conviens.

En fait, ce confinement nous a surtout montré que le numérique n’allait pas nous sauver : ni d’une éventuelle crise économique, ni d’une crise sanitaire, ni d’une crise sociale. On ne répare pas une société fracturée, fragmentée et désolidarisée par trois bouts de code. Le bilan de cette épidémie, qui n’est pas terminé, sera un désastre. On pourra incriminer le Gouvernement actuel, mais il n’est pas responsable de tous les maux. Certaines fractures sont présentes depuis 30 ans et on n’a rien fait pour les colmater.

Si on attend du numérique qu’il fasse des miracles, on s’est trompé : ce n’est pas d’une technologie dont nous aurions besoin, mais d’un Dieu.  

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