Les défis de la France au Sahel – Le Monde

Patrouille des soldats français de l’opération « Barkhane » dans le nord du Burkina Faso, en novembre 2019.

Editorial du « Monde ». Dans la litanie mortifère des attaques djihadistes au Sahel, le meurtre, dimanche 9 août, non loin de Niamey, au Niger, de six travailleurs humanitaires français, de leur chauffeur et de leur guide nigériens, ne représente pas seulement une énième tragédie consécutive à la contamination de l’Afrique de l’Ouest par le terrorisme islamiste. C’est aussi, à la fois par le mode opératoire utilisé et par le lieu de l’attaque, un nouveau défi lancé à la France, dont les 5 100 militaires de l’opération « Barkhane » mènent la bataille contre les djihadistes, en lien avec les armées africaines.

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Jamais, sauf en cas de poursuite des assaillants, des Occidentaux n’avaient été abattus de sang-froid au Niger depuis le début des attaques islamistes, il y a une quinzaine d’années, dans le sillage de la guerre civile algérienne. Les terroristes avaient-ils prémédité la tuerie visant des « Blancs » en escapade dominicale dans la réserve de girafes de Kouré ? Ou – cas de figure le plus probable – s’agit-il d’une rencontre fortuite transformée en « opportunité » pour signifier à coups de balles dans la tête le premier message des djihadistes : l’insécurité de la région pour tous les Occidentaux et pour les Africains qui refusent de se plier à leur loi ? Toujours est-il que, dans son extrême brutalité, le scénario de dimanche tranche avec la pratique des enlèvements visant le versement d’une rançon.

Le Niger, où l’agression s’est produite, faisait figure de relatif modèle parmi les pays de la région, l’Etat ayant intégré des représentants des minorités (Touareg, Peuls, Arabes) à ses institutions et possédant des relais locaux aptes à arbitrer les conflits. Les groupes djihadistes semblent avoir court-circuité les représentants de l’Etat dans cette tâche fondamentale pour la paix civile, imposant leur joug par des tueries de fonctionnaires ou de simples civils et jouant sur la complicité de populations terrorisées. Par des massacres de militaires, ils ont aussi déstabilisé l’armée nigérienne, déjà affaiblie par les détournements des budgets d’aide versés par les Occidentaux – Américains en tête – au titre de la lutte antiterroriste.

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La présence de djihadistes aux abords de Niamey, loin de leurs bases au Mali ou plus au nord du Niger, semble confirmer l’extension de leur implantation et leur montée en puissance. Elle pourrait aussi s’expliquer paradoxalement par les succès de « Barkhane » au Mali, qui obligent les groupes terroristes à se disséminer. Mais, si l’intensification des opérations militaires produit ce type d’effet pervers, quelle alternative à la force armée est-elle crédible ? Nécessaire, une solution politique fondée sur le développement suppose des années de transition. Quant au retrait pur et simple, on en devine la conséquence rapide : l’instauration d’un émirat islamique dans l’immense Sahel, dont les populations habituées à un islam tolérant, seraient les premières victimes, les femmes en particulier, et dont les effets seraient ravageurs, non seulement pour l’Afrique mais, par le biais de l’immigration, pour l’Europe.

Le défi vise en premier lieu la France, ancien colonisateur et pays d’émigration. La déstabilisation de la zone sahélienne accroît les tensions dans toute l’Afrique de l’Ouest et singulièrement le risque de basculement du pays francophone le plus atteint, le Mali, où un imam salafiste, Mahmoud Dicko, souffle sur les braises de la colère sociale et se pose en alternative à un pouvoir civil déconsidéré. Pour Paris, le cauchemar du djihadisme africain est loin d’être terminé.

Le Monde

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