Les anti-PMA retrouvent la rue et leurs obsessions – Libération

La sono donne à fond. Elle envoie du Stromae, le fameux Papaoutai, détourné, pour la circonstance, par les anti-PMA pour toutes qui défilaient, ce dimanche après-midi, dans les rues de Paris. «T’es où papa, papa où t’es ?» chantait, en 2013, la star belge. La foule reprend à peine en chœur. Mais qu’importe, cela donne le ton.

«Liberté, égalité, paternité», clament, depuis le début de l’après-midi, les manifestants, venus crier leur opposition à la loi bioéthique, en réécrivant la devise républicaine. Ils sont là à l’appel d’un collectif d’une vingtaine d’associations «Marchons enfants».

Ils crient surtout leur détestation de la PMA pour toutes (en première lecture à l’Assemblée nationale), l’abomination, à leurs yeux, des abominations. Pour ceux qui battent le pavé, c’est ni plus, ni moins la fin annoncée des pères.

Pour eux, la porte s’ouvre bientôt devant toutes les apocalypses. «Nous entrons dans le monde de la marchandisation du corps et nous voyons le retour de l’esclavagisme», prophétise, en faisant allusion à la GPA, Patrice Obert, le président des Poissons roses, une microscopique association de chrétiens de gauche, égarée dans ce combat.

Nostalgiques

«Ce que nous demandons, c’est un moratoire concernant la loi», appuie de son côté Pascale Morinière, la présidente des Associations familiales catholiques (AFC), l’organisation en pointe sur le terrain pour assurer la mobilisation. «Il faudrait appliquer le principe de précaution à l’humain», plaide-t-elle encore.

Sur le parcours qui longe d’abord le jardin du Luxembourg et le Sénat où la loi viendra en débat en janvier, les manifestants agitent frénétiquement leurs drapeaux vert et orange. Peut-être nostalgiques, certains ont ressorti leur attirail de la Manif pour tous.

Comme pour un déjeuner de famille, c’est un dimanche de retrouvailles. Il y a là des vieux, des entre-deux âges et des plus jeunes. Beaucoup de familles à poussettes. Mais tous cathos ! Toujours ! La plupart étaient déjà là pour les grandes manifestations de 2012-2013 contre la loi Taubira instaurant le mariage pour tous.

En 2019, les stars ne sont plus tout à fait les mêmes. Exit le cardinal Philippe Barbarin, empêtré dans ses ennuis judiciaires (son procès en appel aura lieu le 28 novembre) pour ne pas avoir dénoncé les agissements pédocriminels, à Lyon, de l’abbé Preynat. C’est la députée Agnès Thill (ex-LREM) qui remporte désormais les suffrages des manifestants. «Agnès présidente», réclame ni plus ni moins la foule.

Baroud d’honneur 

Très tôt ce dimanche, Sylvie et Jean-Pierre, la soixantaine chacun, ont pris le car au Puy-en-Velay (Haute-Loire) pour venir battre le pavé parisien. «Pour dire simplement que nous ne sommes pas d’accord», explique Sylvie, infirmière. Postière de profession, Marie-Annick, elle aussi du Puy-en-Velay, fustige, de son côté, le futur remboursement par la Sécurité sociale des PMA. «C’est dégueulasse, dit-elle très violemment. Ce n’est pas une maladie

Après avoir longtemps hésité, une famille de Monfort-l’Amaury (Yvelines) a finalement pris sa voiture, en fin de matinée, pour rejoindre la manifestation parisienne. Ils étaient de celles de 2012-2013. «A l’époque, nous n’avons pas jamais été écoutés. Si nous sommes revenus cette fois-ci, c’est parce que nous avons pensé à tous ceux qui faisaient l’effort de se déplacer de leur province», précise Christine.

Le couple est accompagné de ses trois enfants, une fille (13 ans) et deux garçons (10 ans et 8 ans). «Nous les avons eus sur le tard, dit la femme. Et nous savons l’importance du rôle du père.» Ce discours-là revient en boucle.

Mais chacun reconnaît déjà peu ou prou que les dés sont jetés. Un baroud d’honneur, cette manifestation ? «Rien n’est jamais joué d’avance en politique», veut cependant croire Albéric Dumont, vice-président de la Manif pour tous, plus discrète qu’il y a six ans. Devant les télévisions, le responsable plaide que c’est peut-être l’aube d’une grande mobilisation…

Visions

Dans la foule des manifestants qui plonge désormais vers la gare Montparnasse, serrée dans l’étroite rue de Vaugirard, on croise par hasard Alain Escada le leader de Civitas, une petite organisation d’extrême droite proche des intégristes catholiques. Très bruyant il y a six ans, il est désormais plus discret.

Dans la foule et sur les trottoirs, il y a aussi quelques soutanes, des prêtres traditionalistes de la Fraternité Saint-Pierre ou du diocèse de Versailles. Des manifestants viennent saluer un évêque qu’on reconnaît à la grande croix qu’il arbore sur sa poitrine. Il y en a très peu dans le cortège, à peine une poignée.

«J’ai répondu à l’invitation du président Emmanuel Macron qui nous avait demandé à nous catholiques de nous engager dans les débats de société», explique ironiquement Bruno Valentin, l’évêque auxiliaire du diocèse de Versailles.

A l’arrivée de la manif, place du 18-Juin-1940 face à la gare Montparnasse, la foule conspue copieusement Emmanuel Macron et les membres de son gouvernement. La bataille des chiffres, elle, a déjà commencé. Combien étaient-ils ce dimanche ? Sans rire, les organisateurs (qui ont sans doute des visions) revendiquaient 600 000 manifestants. Selon le comptage réalisé par le plus fiable cabinet Occurrence, ils étaient 74 500. C’est moins qu’il y a six ans. Mais c’est déjà beaucoup…

Bernadette Sauvaget

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