Législatives: un groupe unique à l’Assemblée n’est pas forcément avantageux pour les partis de la Nupes – BFMTV

La proposition de Jean-Luc Mélenchon de former un groupe unique à l’issue des législatives a provoqué l’ire des députés de la Nupes. À raison.

Quatre partis pour un seul groupe parlementaire? Ce n’était pas le contrat de base, mais Jean-Luc Mélenchon aimerait bien y arriver. Au lendemain des législatives, il a semé le trouble au sein de l’union de la gauche en émettant le souhait d’une Nupes unie face au RN, en lieu et place d’un groupe par force politique comme initialement prévu.

Face au RN et ses 89 députés et à une majorité présidentielle fragilisée, “il y a besoin d’être dans une combinaison de combat et, pour ça, il faut avoir un groupe unique à l’Assemblée”, a estimé lundi le leader de la gauche. Problème: cette déclaration s’est faite devant les journalistes sans consulter au préalable les chefs socialistes, verts et communistes. Provoquant leur colère et les premières fissures de la Nupes post-législatives.

Une façon de faire sur laquelle Mélenchon est brièvement revenu ce matin, reconnaissant qu’il était allé trop vite, tout en réaffirmant sur le fond que “faire un groupe commun” permettrait à la Nupes de “poser sur la table de façon incontestable qui est-ce qui est le plus nombreux” dans l’hémicycle.

À la clé de cette place de première opposition: une possible présidence de la commission des Finances, traditionnellement accordée à l’opposition majoritaire et un symbole et un signal politiques forts envoyés à la majorité présidentielle et aux électeurs.

Mais pour les trois autres partis aux côtés de LFI, les désavantages d’un groupe parlementaires unique s’annoncent nombreux.

Des moyens matériels divisés par quatre

Si un parti arrive à élire au moins 15 députés, l’Assemblée nationale offre à son groupe parlementaire des moyens matériels non négligeables pour travailler au sein de l’hémicycle.

Le Palais Bourbon offre par exemple des bureaux, une dotation minimale, des collaborateurs supplémentaires, des salles de réunion, des chargés de mission… Autant de moyens qui permettent de professionnaliser son action politique et qui faisait rêver le Rassemblement national. “Il suffit de voir la place occupée par le député d’un groupe et celui d’un non-inscrit pour comprendre que ces moyens ne sont pas superflus”, nous résume Thomas Guénolée, politologue militant et fin connaisseur de la gauche.

Pour Samuel le Goff, spécialiste des arcanes parlementaires, la question des moyens matériels n’est pas le désavantage le plus important.

“C’est même un peu une excuse”, nous explique-t-il, “parce qu’un seul groupe parlementaire permet aussi de mutualiser les moyens, d’amortir les tâches et de faire des économies d’échelle.”

Un temps de parole diminué

En se fondant dans un seul groupe, le PS, les Verts et le PCF vont surtout avoir “leur temps de parole largement amoindri”, insiste l’ancien journaliste de Contexte. Un seul groupe, ça veut dire un temps de parole “divisé par trois” au sein de l’hémicycle, explique le journaliste expert du fonctionnement de l’Assemblée et ancien attaché parlementaire du groupe écologiste, Pierre Januel.

En restant des groupes distincts, chaque formation peut bénéficier d’une visibilité propre. Elle peut aussi avoir sa propre niche parlementaire et imposer pendant cette fenêtre privilégiée ses propres thèmes entre les travées.

Si les 4 groupes s’unissent, ils “divisent également par 4 leur droit de tirage de commission d’enquête”, soulignent les spécialistes. Depuis 1988 en effet, un “droit de tirage” annuel permettant l’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête, “a été reconnu conventionnellement à chaque groupe politique”, précise le site de l’Assemblée nationale.

Une dissolution politique symbolique

Rester quatre formations indépendantes permet en outre l’élection de quatre présidents de groupe, soit un pouvoir politique plus assis et organisé de chaque entité. La diminution du pouvoir politique produite par une baisse du temps de parole, c’est là pour Samuel Le Goff, le plus grand danger d’un regroupement unique.

“Les partis perdraient en lead politique, en visibilité, ce serait le plus dramatique pour eux”, affirme-t-il tout en questionnant l’avenir des militants de chaque entité: “Les salariés des groupes sont bien souvent des militants. Quels seront leurs débouchés si la Nupes devient un bloc?”. Plus de militants, c’est plus de campagne pour la suite et “une perte d’autonomie”, ajoute Thomas Guénolée.

Le politologue relativise la rhétorique mélenchoniste selon laquelle en ne s’unissant pas, la gauche laisserait la place au RN sur le podium de la plus grande opposition de l’hémicycle.

“Si on parle en terme de sièges, alors oui le Rassemblement national sera le parti minoritaire le plus nombreux. Mais si on parle en force d’opposition, ça restera la gauche”. Un groupe unique ne serait à l’avantage “que du seul parti LFI qui pourra appuyer son hégémonie”, estime-t-il.

Hortense de Montalivet

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