Législatives 2022 : comment les instituts de sondage estiment les résultats dès 20 heures – Le Monde

Dépouillement dans un bureau de vote à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), le 24 avril 2022.

Sept semaines après la réélection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République, les Français sont appelés aux urnes les 12 et 19 juin pour élire leurs députés. Comme pour la présidentielle, il faudra attendre la fermeture des derniers bureaux de vote, à 20 heures dimanche, pour avoir les estimations des résultats du premier tour.

Législatives 2022, en direct : Suivez le premier tour et l’ouverture des bureaux de vote en direct

Si les estimations du rapport de force entre les grandes formations politiques, exprimées en pourcentages, sont plutôt fiables, les projections du nombre de sièges potentiel pour chaque parti le sont beaucoup moins, au soir du premier tour, tant l’issue du second tour dépend des situations spécifiques à chacune des 577 circonscriptions.

Estimations, projections en sièges et résultats définitifs : Les Décodeurs du Monde font le point sur les différents chiffres qui circulent le jour des élections.

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Les estimations dévoilées à 20 heures

A 20 heures précises, les derniers bureaux de vote des grandes métropoles ferment leurs portes, levant l’interdiction de diffuser des résultats. La plupart des médias souhaitent alors donner aux Français une idée de l’issue du scrutin. Pour cela, les instituts de sondage réalisent des estimations fondées sur les résultats d’un nombre défini de bureaux qu’ils jugent représentatifs du vote des Français. Les particularités géographiques (communes rurales, petites ou grandes villes, etc.) et politiques (bureaux à gauche ou à droite, renversement ou consolidation des tendances observées au précédent scrutin, etc.) sont prises en compte pour construire un modèle statistique.

Comme l’IFOP ou Harris Interactive, Ipsos – qui produit l’estimation Ipsos-Sopra Steria pour divers médias – utilise cette méthode. L’institut envoie ses enquêteurs dans les 580 bureaux de l’échantillon. Chacun d’entre eux assiste au dépouillement et transmet :

  1. à la fermeture du bureau, l’information du nombre de votants, pour estimer l’abstention ;
  2. au bout des deux cents premiers bulletins dépouillés, un résultat partiel avec les scores obtenus pour chaque candidat ;
  3. à la fin du dépouillement du bureau de vote, l’ensemble des résultats.

L’institut centralise toutes ces remontées et calcule l’estimation du résultat final. Il ne s’agit pas d’un simple comptage : dans le cas d’Ipsos, 70 % des bureaux de l’échantillon ferment à 18 heures, environ 10 % à 19 heures et près de 20 % à 20 heures. Sachant qu’il faut environ une heure pour dépouiller l’intégralité des bulletins d’un bureau (moins si l’abstention est élevée), les instituts ne disposent, à 20 heures, ni des résultats partiels des bureaux qui viennent de fermer ni même de tous les résultats complets de ceux de 19 heures.

La plupart des bureaux fermant à 18 heures pour ces législatives – au lieu de 19 heures lors de la présidentielle –, les instituts auront davantage de temps pour affiner leurs estimations.

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Pour produire leurs chiffres, les instituts utilisent des algorithmes qui tiennent compte des remontées des bureaux de vote le soir même, mais aussi de données issues des élections précédentes. A chaque fois que des décomptes s’ajoutent, les algorithmes affinent les estimations.

Ce système comporte une faiblesse puisqu’il s’appuie sur les dynamiques de vote constatées dans les bureaux qui ont déjà fermé, pour les projeter sur ceux qui ferment à 20 heures. Or ce ne sont pas toujours les mêmes dynamiques qui sont à l’œuvre. « Imaginons que dans les bureaux qui ferment à 18 et 19 heures, les électeurs votent 10 points de plus qu’en 2017 pour les partis de la Nupes [Nouvelle Union populaire écologique et sociale] et que l’évolution soit totalement contraire dans les grandes métropoles, l’estimation serait mauvaise », reconnaît Jean-François Doridot, directeur général d’Ipsos Public Affairs. Si ce scénario reste « extrêmement rare », il s’est produit au premier tour de l’élection présidentielle : les estimations du score de Jean-Luc Mélenchon avoisinaient 18 % à 20 heures avant de remonter au cours de la soirée avec les résultats des grandes villes.

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Des projections en sièges « très, très fragiles »

« Très, très fragile », « périlleux », « à prendre avec beaucoup de prudence »… tous les sondeurs que nous avons interrogés s’accordent sur les limites des projections en sièges diffusées le soir du premier tour. « C’est comme si le soir du premier tour de la présidentielle, on essayait de donner le score du deuxième tour », estime Jérôme Fourquet, directeur du département opinion à l’IFOP. Il reconnaît qu’il existe une « pression médiatique et politique très forte pour qu’il y ait des projections en sièges » malgré une fiabilité limitée.

Contrairement aux estimations nationales en pourcentages, qui se fondent sur les résultats réels de centaines de bureaux de vote, la projection en sièges se sert des enquêtes d’opinion pour tenter de donner une image du futur Hémicycle. Harris Interactive interroge 7 000 personnes le jour même du scrutin afin « d’établir une forme de sociologie du vote et [de cerner] savoir les comportements électoraux potentiels dans le cadre du second tour ».

« On interroge des personnes sur le second tour sans avoir le résultat du premier, on ne connaît pas encore les duels ou les triangulaires de leur circonscription », commente Jean-Daniel Lévy, directeur du département politique et opinion chez Harris Interactive. Les sondés sont interrogés sur plusieurs hypothèses de second tour, ce qui permet aux instituts de calculer d’éventuels reports de voix.

Pour donner une idée du nombre de sièges que pourrait obtenir chaque formation politique, les sondeurs prennent comme base l’estimation nationale des résultats du premier tour et la projettent dans chacune des circonscriptions françaises. Cela donne les 577 affiches éventuelles du second tour sur lesquels ils calquent les résultats de leurs enquêtes d’opinion, pour estimer les reports de voix des candidats non qualifiés et esquisser l’Assemblée nationale possible à l’issue du second tour.

Chaque parti se voit attribuer une fourchette de sièges, mais la marge d’incertitude reste trop importante. « Quand vous faites varier d’un ou deux points la tendance d’une force politique au premier tour, vous pouvez faire basculer trente à quarante sièges », explique Jérôme Fourquet.

Les responsables des instituts interrogés reconnaissent tous les limites de ces chiffres qui ne rendent pas compte des particularités de chaque circonscription, des figures locales, des dissidents et de la dynamique de campagne de l’entre-deux-tours.

Au soir du second tour, ces projections devraient être plus fiables, sans pour autant être exactes au siège près, puisque les sondés auront, cette fois, été interrogés sur des configurations connues et non plus simplement hypothétiques.

Des résultats officiels qui s’égrènent jusque tard dans la nuit

Le ministère de l’intérieur, chargé de l’organisation des élections, commence à diffuser les résultats par commune à partir de 20 heures, puis il met à jour ses publications en continu. En début de soirée, seuls les résultats des plus petites communes, vite dépouillés, sont disponibles.

Après la fermeture et le dépouillement de près de 70 000 bureaux de vote, les résultats sont remontés aux préfectures, qui elles-mêmes les envoient au ministère de l’intérieur. Ces résultats sont ensuite publiés au fur et à mesure. Même si le fort taux d’abstention habituellement constaté lors des élections législatives rend l’opération plus rapide, on ne connaît généralement pas les résultats de l’ensemble des circonscriptions avant tard dans la nuit du dimanche au lundi.

Les résultats sont considérés comme définitifs une fois validés par le Conseil constitutionnel, après examen de potentiels cas d’irrégularités.

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