Légion d’honneur pour le patron de BlackRock France : Matignon assume – Le Parisien

« Dans une situation aussi tendue, je ne m’explique pas que l’on puisse faire ça… » Ce député LREM tombe des nues, en apprenant la promotion de Jean-François Cirelli au rang d’officier de la Légion d’honneur. Car il était écrit que l’opposition s’en saisirait, à la veille de la reprise des négociations avec les syndicats sur les retraites, sur fond de grève record. D’autant que la décoration du patron de BlackRock France intervient sur le contingent du Premier ministre, Édouard Philippe. Et sur proposition initiale de celui-ci. « C’est tout simplement le côté obscur de la réforme, tranche le patron du PS, Olivier Faure sur France 2. C’est effectivement le choix d’un camp, celui des fonds de capitalisation. »

Voilà plusieurs semaines que le géant américain de la finance est accusé de mener un intense lobbying en faveur du régime par capitalisation, ce dont s’est défendu Cirelli ce jeudi, dénonçant « une polémique totalement infondée, manifestement animée par des objectifs politiques ».

Conscient de ce risque, Édouard Philippe a pesé le pour et le contre. « On y avait pensé, on en a parlé, confie un proche. Mais fallait-il plier ? » La réponse est dans la liste publiée mercredi au Journal officiel. « Quand la décision a été prise de le promouvoir, personne ne pouvait penser à cela », tempère un fin connaisseur de ces démarches, qui usuellement se préparent dès l’été dans les cabinets ministériels. De fait, les noms ont été transmis à la Grande chancellerie de la Légion d’honneur dans le dernier trimestre de 2019, pour étude par ses services administratifs, avant que le Conseil de l’ordre ne se prononce. Était-il possible de faire machine arrière ? « Le dernier mot revient au président de la République, qui prend la décision sur avis du Conseil de l’ordre, explique-t-on au sein de l’institution. Il peut, s’il le souhaite, rayer des noms. »

« On n’a pas les chocottes ! »

Matignon assume. « Le Premier ministre ne va pas se planquer, ni laisser dicter l’agenda républicain par le complotisme de l’extrême gauche ou de l’extrême droite, réplique-t-on rue de Varenne. Si on avait caché son nom, cela aurait voulu dire qu’on avait les chocottes. Et on n’a pas les chocottes ! » L’entourage de Philippe loue, en outre, « l’ascension sociale de ce petit gars de Savoie », devenu conseiller du président Jacques Chirac, du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, puis patron de GDF. « C’est le prototype des personnalités éligibles à ce type de distinction », évacue l’un de ses amis.

L’homme est effectivement un habitué des allées du pouvoir. Il connaît le Premier ministre, son directeur de cabinet, Benoît Ribadeau-Dumas, côtoyé à Matignon sous Raffarin. Mais aussi, lâche un proche de Philippe, « la moitié du gouvernement », dont… l’ex-Monsieur Retraites, Jean-Paul Delevoye, du temps de la réforme Fillon en 2003. « Quand il était chez GDF, c’était son job de faire du réseau », complète l’un de ceux qui l’a fréquenté. Patron de BlackRock France, Cirelli est désormais inscrit au répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATPV), où sa fiche ne répertorie qu’une « action » en 2018. Il est par ailleurs en contact avec Brigitte Macron, via la Fondation des Hôpitaux de France.

« C’est l’entre-soi, les vieux trucs de réseaux, s’étouffe un familier de l’Elysée, inquiet du grain donné à moudre aux populistes. Leur stratégie, maintenant, c’est de jouer bloc contre bloc. Mais cela peut mal finir ! » Les boucles Telegram des députés LREM, elles, chauffent sur le thème « Vous ne nous aidez pas, là ! » L’un d’eux, qui redoute de voir fleurir des pancartes « réforme BlackRock » dans les cortèges, le dit cash : « Tactiquement, c’est très con. Pourquoi on s’inflige ça ? »

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