L’eau du robinet bue par 20 % des Français est non conforme, que veut dire ce chiffre ? – Le HuffPost

20 % des Français boivent de l’eau jugée non conforme, selon une large enquête du Monde (Photo d’illustration : à Paris en 2014).
FRANCK FIFE / AFP 20 % des Français boivent de l’eau jugée non conforme, selon une large enquête du Monde (Photo d’illustration : à Paris en 2014).

FRANCK FIFE / AFP

20 % des Français boivent de l’eau jugée non conforme, selon une large enquête du Monde (Photo d’illustration : à Paris en 2014).

PESTICIDES – L’eau est l’aliment le plus sûr et le plus contrôlé en France. Et pourtant, les pesticides et les molécules issues de la dégradation de ces derniers auraient de graves conséquences sur la qualité de l’eau, s’inquiète une enquête diffusée par le magazine « Complément d’enquête » ce jeudi 22 septembre au soir. Les données collectées par Le Monde auprès des Agences régionales de l’eau (ARS) révèlent également que près de 12 millions de personnes, soit 20 % des Français, ont reçu au moins une fois dans l’année 2021 une eau non conforme aux critères de qualité. Ils étaient seulement 5,9 % en 2020, selon le ministère de la Santé.

Les pesticides, encore massivement utilisés sur certaines cultures, s’infiltrent dans les sols et contaminent les nappes phréatiques d’où est puisée en grande partie l’eau qui coule de notre robinet. On ne sait pas encore évaluer les conséquences pour la santé humaine de l’exposition à des traces de pesticides, selon le ministère de la Santé. Et on ignore encore davantage l’impact de leur dégradation.

Comme l’expliquent nos confrères de France Info, les pesticides se dégradent en molécules appelées les « métabolites ». « Le glyphosate se transforme en Ampa ; le chloridazone se transforme en chloridazone desphényl… », note le site d’informations en continu. Selon leur évaluation, un quart des communes a été touché par des dépassements des normes de molécules de pesticide, fixées la plupart du temps à 0,1 microgramme par litre.

45 communes des Hauts-de-France sous surveillance

Des disparités géographiques apparaissent dans les teneurs en pesticides. En ville, la qualité de l’eau est très bonne, avec en tête Paris et son taux de conformité (qualité microbiologique de l’eau) proche de 100 %. Tandis que certaines zones rurales, plus exposées à une agriculture intensive et aux épandages de pesticides, sont régulièrement sujettes à des dépassements. Les Hauts-de-France et la Bretagne notamment, sont particulièrement touchés.

L’eau du robinet a d’ailleurs été mise sous surveillance renforcée dans 45 communes des Hauts-de-France, et le sera dans 60 autres à l’automne, a informé l’ARS le 15 septembre. L’AFP ajoute que d’éventuelles mesures de restriction de consommation pourraient être prises afin d’analyser la présence d’un pesticide destiné à la culture des betteraves, la chloridazone, utilisé jusqu’en 2020.

Dans certaines communes, le niveau de métabolites de chloridazone, un sous-produit de la chloridazone, a dépassé les 3 microgrammes par litre, un seuil déterminé mi-juin par le ministère de la Santé. Cependant, Thomas Campeaux, préfet de l’Aisne, département principalement touché a insisté auprès de l’AFP sur le fait que « non conforme n’est pas nécessairement non consommable ».

En effet, les autorités sanitaires expliquent que les dépassements de seuil ne signifient pas que l’eau est toxique. Pour qu’une eau ne soit plus du tout distribuée sur le réseau, un second seuil doit être dépassé, appelé « Vmax » pour « valeur sanitaire maximale ». Ce dernier n’a jamais été franchi pendant l’enquête de France Info.

Une ressource à préserver

Deux problèmes sont toutefois soulevés par Le Monde à propos de ces « Vmax ». D’abord, elles n’existent pas pour tous les métabolites. Ensuite, la définition de ces seuils serait fondée sur des études plus fragiles que pour les pesticides. « Les autorités prétendent qu’il n’y a pas de risque sanitaire, mais ces affirmations ne reposent tout au plus que sur une demi-douzaine d’études. Certaines présentent en outre des lacunes, de l’aveu même des autorités, et aucune n’évalue les effets chroniques », explique Pauline Cervan, ancienne toxicologue chargée de préparer les dossiers réglementaires pour l’industrie.

Avec les pesticides et encore plus avec les métabolites, les autorités sanitaires naviguent en eaux troubles. Pour l’instant, aucune étude ne nous renseigne sur la dangerosité des dépassements de seuils. Et les agriculteurs qui travaillent près de nappes phréatiques ne sont pas obligés de renseigner les substances qu’ils utilisent. Enfin, on ne mesure toujours pas les niveaux de molécules persistantes de pesticides interdits depuis des années. « C’est le cas du chloridazone, dont l’utilisation est interdite depuis le 1er janvier 2021 et dont on retrouve toujours des métabolites dans les eaux destinées à la consommation », révèle France Info.

Seule solution, limiter au maximum les épandages de pesticides, comme l’expliquait au HuffPost en juin Agathe Euzen, directrice de recherches au CNRS et responsable cellule eau au CNRS : « Les enjeux pour l’eau demain, c’est de réduire les risques de pollution, de préserver la qualité des milieux et de favoriser les pratiques agricoles vertueuses. Il faut reconnaître l’eau comme un bien commun ».

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