« Le plastique est omniprésent dans les fleuves » français – Le Monde

La goélette scientifique Tara a sillonné neuf cours d’eau européens pour y étudier la pollution aux microplastiques. Le chercheur Jean-François Ghiglione évoque les premières conclusions de la mission.

Propos recueillis par Publié aujourd’hui à 11h40, mis à jour à 12h22

Temps de Lecture 5 min.

« 49°26’11.8”N 0°10’47.2” E Seine - France». Ce diptyque, issu du travail « L’Europe en plastique », montre des échantillons de plastiques collectés par les scientifiques de la goëlette Tara sur les berges de la Seine en aval de Rouen.

Jean-François Ghiglione est directeur de recherche CNRS au Laboratoire d’océanographie microbienne (Lomic) de Banyuls-sur-Mer (Pyrénées-Orientales) et directeur scientifique de la mission de recherche Microplastiques 2019. Cette campagne de six mois, mise en place par la Fondation Tara Océan, s’achève avec le retour de la goélette dans son port de Lorient, dans le Morbihan, samedi 23 novembre.

Quelles premières conclusions peut-on tirer de cette vaste récolte d’échantillons dans neuf fleuves d’Europe ?

La première observation, c’est que le plastique est omniprésent dans tous les fleuves où nous avons fait escale avec la goélette Tara. En fait, 100 % de nos 2 700 échantillons, tous collectés selon le même protocole dans nos 45 stations de prélèvement d’eau, contiennent des microplastiques, c’est-à-dire des particules inférieures à 5 millimètres. C’est vrai en Méditerranée, comme nous l’avions constaté en 2014 lors d’une de nos précédentes expéditions, c’est vrai aussi dans les estuaires de la Tamise, de l’Elbe, du Rhin, de la Seine, de l’Ebre, du Rhône, du Tibre, de la Garonne et de la Loire.

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Jusqu’à présent, on pensait que les cours d’eau charriaient des macrodéchets – une bouteille, un sac –, d’une durée de vie longue, de 100 ans à 400 ans, qui se dégradaient ensuite en mer sous l’effet du soleil et des vagues. Ce n’est pas le cas. La plupart des plastiques que nous avons récoltés sont déjà fragmentés lorsqu’ils atteignent la côte. C’est une mauvaise nouvelle : cela signifie que la lutte contre le plastique en mer se passe forcément à terre puisqu’il est impossible d’en « nettoyer » les fleuves comme les océans. Prétendre le contraire revient à diffuser un mauvais message. On peut tout au plus récupérer quelques déchets dans l’eau moyennant beaucoup d’argent, c’est tout. Contre ces fragments minuscules, le seul moyen est de couper le robinet à la source.

Quels types de plastique avez-vous collectés ?

Dix-sept laboratoires de recherche, soit quarante-six scientifiques – chimistes, océanographes, physiciens, biologistes – sont impliqués dans cette mission et sont déjà à l’œuvre pour exploiter toutes ces « pièces à conviction ». Nous attendons des résultats d’analyses qui nous permettront de préciser leur nature : polyéthylène, polypropylène, polystyrène ou autres, ainsi que leurs provenances : emballages, gobelets, bouchons, fragments issus du secteur du bâtiment, de pneus, fibres de vêtements, microbilles utilisées en cosmétique ou dans les dentifrices…

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