
Le Parlement turc autorise une intervention militaire en Libye – Le Monde

Convoqué en toute hâte par le président turc, Recep Tayyip Erdogan, le Parlement a donné son accord, jeudi 2 janvier, au déploiement de troupes turques en Libye en soutien au gouvernement d’union nationale (GNA) de Tripoli, menacé par une offensive du chef de guerre Khalifa Haftar, soutenu par la Russie, les Emirats arabes unis et l’Egypte. L’implication de la Turquie risque d’aggraver cette situation de guerre par procuration qui mine le pays.
Donald Trump a aussitôt mis en garde, dans une conversation téléphonique avec son homologue turc, contre toute « ingérence étrangère » susceptible de « compliquer » la situation en Libye. Washington avait appelé en novembre le maréchal Khalifa Haftar à mettre fin à son offensive en vue de s’emparer de Tripoli, même si le président américain avait pu donner l’impression de le soutenir par le passé.
Le mandat d’un an voté par les parlementaires laisse à Erdogan le pouvoir de décider seul de la composition et de la taille des forces qui seront déployées. L’envoi de quelques centaines de mercenaires syriens épaulés par des instructeurs de l’armée turque n’est pas satisfaisant pour le président turc, qui voit plus grand. L’intervention aura lieu « au sol, sur mer et dans les airs si nécessaire », avait-il prévenu après avoir signé, le 27 novembre 2019, un double accord de coopération, militaire et de délimitation des frontières maritimes en Méditerranée, avec Faïez Sarraj, le chef du GNA.
Les buts affichés sont ambitieux, le texte de la motion évoque ainsi la nécessité de « protéger les intérêts de la Turquie en Méditerranée, de prévenir le transit de migrants clandestins, d’empêcher les organisations terroristes et les groupes armés de proliférer, d’apporter une aide humanitaire au peuple libyen ».
Intérêts économiques et stratégiques de la Turquie
A travers cette projection de puissance, Ankara veut également défendre ses intérêts économiques et stratégiques. Economiques, car les entreprises turques ont investi près de 25 milliards de dollars en Libye à l’époque de Mouammar Kadhafi ; stratégiques, car l’accord passé avec Tripoli sur la délimitation des frontières maritimes, bien qu’irrecevable juridiquement, élargit ses visées sur de vastes zones de la Méditerranée orientale riches en hydrocarbures et disputées par la Grèce, Chypre, l’Egypte et Israël.
La presse progouvernementale justifie la future intervention. « Sans la participation turque, la capitale libyenne tombera, entraînant le pays plus profondément dans la guerre civile », écrivait Burhanettin Duran, l’éditorialiste vedette du quotidien Sabah (édition du 30 décembre 2019).